19ème anniversaire du décès de Bahi Ladgham : le combattant et le bâtisseur

19ème anniversaire du décès de Bahi Ladgham : le combattant et le bâtisseur

 

Aujourd’hui 13 avril coïncide avec le 19ème anniversaire du décès de Bahi Ladgham, l’un des plus grands hommes d’Etat que la Tunisie ait jamais connus. Il fut un combattant hors pair de l’indépendance nationale, un grand bâtisseur de l’Etat républicain moderne. Il a servi son pays avec un dévouement et une abnégation que ses compatriotes lui ont reconnu. Aimé par tous ceux qui l’ont connu et apprécié de son vivant, il aima sa patrie et ses compatriotes comme nul autre pareil ne l’ait jamais fait.

Longtemps second personnage de l’Etat tunisien, Si el-Bahi (le Bon au propre et au figuré) comme aiment les Tunisiens l’appeler était surtout le fondateur de l’armée nationale auquel elle lui doit son attachement à l’esprit républicain ainsi que son engagement au service du développement du pays en plus de son rôle dans la protection de la nation. Le leader silencieux qu’il était un homme d’une modestie à toute épreuve mais aussi un organisateur-né et un dirigeant tirant le meilleur des hommes et femmes placés sous son autorité.

Né en 1913 à Bab El-Akoués, un quartier populaire de Tunis, dans une famille des plus modestes, il a avait très jeune la fibre patriuotique. Dès 1938 il fut l’un des leaders du Néo Destour au sein de sa direction secrète mise en place après l’incarcération de Bourguiba et ses camarades au lendemain des événements sanglants du 9 avril de cette année-là. il a fini par être arrêté lui aussi et placé au bagne de Lambèse en Algérie connu pour ses conditions extrêmement dures d’emprisonnement où il passa plus de quatre années.

Rentré en Tunisie en 1944, au lendemain de la Seconde guerre mondiale il reprit le combat en devenant l’un des théoriciens du mouvement national par son action et ses écrits au journal « Mission » où il signait ses articles sous le pseudonyme « le Kroumir ».

Avec Bourguiba contre Ben Youssef.

Après l’échec des négociations de 1951, il est chargé d’internationaliser la cause tunisienne. Il ouvre le bureau du Néo Destour à New York d’où il dépose une plainte devant le Conseil de Sécurité de l’ONU avec le parrainage de la Ligue arabe etdu Pakistan qui en assume la présidence en avril 1952. Il s’acquitte de cette tâche pour faire connaître la question tunisienne et la faire reconnaître par une majorité d’États mais aussi par la presse internationale Il ne retourne au pays qu’en octobre 1955 alors que le conflit Bourguiba-Salah Ben Youssef faisait rage. Bahi Ladgham tente en vain de réconcilier les deux hommes. Mais il finit par prendre le parti de Bourguiba. Beaucoup d’analystes estiment que sans le renfort de Bahi Ladgham le chef du Néo Destour n’aurait pas réussi à s’imposer. Il intègre alors le gouvernement Ben Ammar et prit part aux négociations couronnées par la proclamation de l’indépendance de la Tunisie le 20 mars 1956.

Lorsque Bourguiba forme son premier gouvernement le 15 avril 1956, Bahi Ladgham est nommé vice président du conseil et devient de fait le bras droit de Bourguiba. Fondateur de l’armée nationale dés 1956, il est nommé après la proclamation de la République secrétaire d’Etat à la présidence et à la défense nationale. Il va garder cette fonction de chef de gouvernement de facto jusqu’au 7 novembre 1969 date à laquelle il est nommé Premier ministre tout en gardant ses fonctions de Secrétaire général du Néo Destour puis du PSD après le Congrès de Bizerte en 1964.

Entretemps c’est lui qui assiste à Bizerte au départ du dernier soldat étranger après l’évacuation de la Base de Bizerte. C’est de là qu’il apprit à Bourguiba par téléphone que la Tunisie est désormais débarrassée de la présence militaire étrangère su son sol.

Quand le « Combattant Suprême » tombe malade et se fait soigner à l’étranger Bahi Ladgham le remplace en tant que président par intérim. Après avoir mis fin à la politique de généralisation des coopératives et écarté l’homme fort de l’époque Ahmed Ben Salah, action dans laquelle Bahi Ladgham joue un rôle de premier plan, Bourguiba cherche un bouc émissaire. Les relations se détériorent alors entre Bourguiba et son bras droit. Après une réunion houleuse avec Bourguiba, le premier ministre présente sa démission ainsi que celle de son gouvernement en juillet 1970 ce que Bourguiba refuse. Ce n’est que le 2 novembre que Hédi Nouira prend la relève.

Crise Septembre noir: Président du haut comité arabe

Durant ses fonctions de second personnage de l’Etat, Bahi Ladgham joua aussi un rôle important sur le plan des relations extérieures. Ainsi il a entretenu de bonnes relations avec les dirigeants étrangers et joua un rôle important sur le plan diplomatique. Il a rencontré plusieurs fois le président égyptien Gamel Abdel-Nasser notamment au cours des Sommets arabes où il dirigeait la délégation tunisienne. La dernière en date fut quelques jours avant le décès du Raïs égyptien en septembre 1970. En effet durant la crise de Septembre noir entre la Jordanie et l’OLP il est chargé de présider le haut Comité arabe pour mettre en application l’accord du Caire. Il organise notamment la sortie du leader palestinien de son refuge à Amman. Ce rôle a rendu Bourguiba jaloux, ce qui a été pour quelque chose dans son éviction. Il fut aussi un interlocuteur du Général de Gaulle qu’il a rencontré en juillet 1962 pour le dénouement de la crise de Bizerte puis en octobre 1968 après la nationalisation des terres agricoles en mai 1964.

Dans ses fonctions de Secrétaire général du Néo Destour puis du PSD, il était aussi l’interlocuteur des leaders des mouvements de libération africains qu’il recevait et à qui il offrait soutien moral et financier avec l’assentiment de Bourguiba. Parmi ses amis figure le leader Sud-Africain Nelson Mandela qui était alors le chef de l’ANC(Congrès national africain). Lors de la visite à Tunis en mai 1994 du premier président noir de l’Afrique du Sud pour participer au Sommet africain, Bahi Ladgham a tenu à rendre visite à Mandela qui l’a accueilli avec une immense chaleur et une infinie reconnaissance.

Bahi Ladghmam renonce à toute activité politique après 1973. Il se réconcilie avec Bourguiba au début des années 1980. Après 1987, il rendit visite plusieurs fois au Zaïm à sa résidence de Monastir jusqu’en 1996. Il meurt à Paris le 13 avril 1998 et des funérailles nationales lui sont organisées au Cimetière du Djellaz.

Raouf Ben Rejeb

Votre commentaire