Affaire Attasiaa : Réponse de servante à curé

Affaire Attasiaa : Réponse de servante à curé

Le curé, après une belle homélie sur l’abstinence, regagna sa cure où l’attendait un succulent repas que lui avait préparé sa servante. Etonné de ne rien trouver sur sa table, il se dirigea vers la fenêtre et, écœuré, vit tout son service de table avec ce qu’il contenait par terre. En se retournant, avant d’esquisser la moindre parole, sa servante lui lança qu’elle n’avait rien fait d’autre que de se plier aux enseignements de son homélie combien séduisante et persuasive.

L’ex-président, Marzouki, ferait bien le curé et Moez Ben Gharbia aurait pu bien faire la servante. Marzouki, sans s'en rendre compte, n’est-il pas aussi « coupable » que le curé ? N’a-t-il pas enjoint à Attésiaa, selon ses propres dires, de ne pas l'interroger sur El Mahmoudi, sur les terroristes tunisiens en Syrie et sur l'accueil présidentiel des salafistes à Carthage ? Moez Ben Gharbia, en acceptant l’injonction de l’ex-président, aurait dû s’approprier la réplique de la servante à son maitre de curé.

Question simplette : A quoi jouent-ils tous les deux en bafouant, l’un et l’autre, les principes élémentaires de la pratique et de la déontologie pour s’indigner par la suite des atteintes aux libertés des médias ? L’ex-président est-il en droit de crier haro ! Sur le gouvernement et la présidence, à supposer qu’ils soient coupables, alors que lui-même dictait au journaliste les sujets à ne pas soulever ? Et Ben Gharbia se trouve-t-il rehaussé en dénonçant en public ce qu’il a commis en privé ? Einstein disait : « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. « Bêtise de le faire mais aussi de vouloir le faire croire. Bêtise par ailleurs de laisser un si grave dossier, celui des médias, aux seuls « professionnels » et « politiques ». Il est grand temps pour les citoyens de s’approprier le dossier. Comme dans toute démocratie reconnue en tant que telle.

La non diffusion par la chaîne Attasiaa de l'interview que lui a accordée l'ex-président de la république démontre une fois encore l'urgence et le caractère vital, pour les journalistes et les éditeurs, mais pour les citoyens surtout, de mettre en place des mécanismes d'autorégulation des médias. Trop de flou enveloppe les médias et ceux qui s’en servent. Du flou même en voulant nous vendre ce triste simulacre de transparence. Y a-t-il quelqu’un d’entre vous qui ait eu la moindre information vérifiée et vérifiable sur cette affaire ? 

Les communiqués d'indignation qui fusent de toutes parts ne changeront rien à la donne. Les bonnes intentions des uns et des autres non plus. Il n'existe nulle part au monde une autorité, qu’elle soit politique ou autre, qui ne tente de mettre la main sur les médias en l'absence de structure faisant office de contrepoids.

La Haute Autorité Indépendante pour la Communication Audiovisuelle, HAICA, n'est pas, excusez la trivialité, une instance d'autorégulation. Les expériences de par le monde montrent que l'autorégulation se fonde sur un conseil de presse, un code déontologique pour l'ensemble de la profession et des médiateurs dans les différents médias.

Ce minimum d'outils est vital pour préserver la liberté d'expression et, partant, la liberté des médias. Se poseront par la suite des questions sur la configuration du conseil de presse, les parties qui devraient y être représentées, son institutionnalisation ou non...Rien qu'à titre d'exemple se pose aujourd'hui la question de l'exclusion totale des citoyens, premiers concernés par les médias, de toute initiative visant à mettre de l'ordre dans le secteur. Dans certains pays, les associations pour la défense des "consommateurs" des produits médiatiques se comptent par dizaines.

Des chercheurs évoquent aujourd'hui les citoyens comme cinquième pouvoir et appellent à les associer aux conseils de presse. Que savent les citoyens tunisiens de ce qui se trame dans les coulisses autour de l’éventuelle création d’un conseil de presse ? Rien. Serait-ce un conseil qui concernerait uniquement la presse écrite (imprimée et électronique) ou tous les médias comme c’est le cas dans les deux tiers des pays européens ? Rien encore. Or c’est justement là que se trouve l’un des dangers de l’autorégulation, c’est-à-dire le corporatisme.

Promouvoir la liberté des médias, s’il découle d’abord de la responsabilisation collective des journalistes, n’est l’apanage de personne mais de tous. Citoyens, journalistes, éditeurs, politiques et société civile doivent se rendre à l'évidence : La liberté des médias n'est pas un vœu pieux.

Que l'on se dépêche d'agir pour se prémunir contre les dangers réels qui guettent les médias ou que l’on se taise. Comme le curé face à sa servante !

 

 

 

 

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