Elections anticipées: Quand Hamma Hammami évoque Jacques Chirac pour se sortir du piège

 Elections anticipées: Quand Hamma Hammami évoque Jacques Chirac pour se sortir du piège

 

Le porte-parole du Front populaire Hamma Hammami va sur tous les plateaux de radio et de télévision pour revendiquer des élections générales anticipées c'est-à-dire présidentielles et législatives. Mais a-t-il envisagé les moyens qu’offre la Constitution pour parvenir à cette fin. A l’évidence non, puisque lorsque Boubaker Ben Akacha lui a posé la question sur Midi-Show de Mosaïque Fm ce mardi , il n’a pas su répondre. Tout juste a-t-il évoqué le recours de l’ancien président français Jacques Chirac à la dissolution de l’assemblée nationale française.

Elu président de la république en 1995, Chirac a trouvé une majorité de droite donc de son bord à la chambre des députés mais celle-ci était plutôt favorable à Edouard Balladur qui s’est présenté contre lui. Sur les conseils du Secrétaire général de l’Elysée Dominique de Villepin et du Premier ministre d’alors Alain Juppé le président français décide le 21 avril 1997 de dissoudre l’Assemblée nationale. Tenues les 25 mai et 1er juin 1997, ces élections législatives s’apparentant à « une dissolution pour convenance personnelle » se soldent par un échec du président de la république française qui se trouve privé jusqu’à la fin de la législature en 2002 de majorité parlementaire. C’est le socialiste Lionel Jospin qui va diriger le gouvernement pendant cinq ans.

Il faut néanmoins souligner que le Chef de l’Etat français dispose du droit de dissolution sans qu’il ait à en présenter les raisons. En effet, L’article 12 de la Constitution française dispose que « le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt jours au moins, quarante jours au plus, après la dissolution. L'Assemblée nationale se réunit de plein droit le troisième jeudi qui suit son élection .Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit cette élection. »

Ce n’est pas le cas dans la Constitution tunisienne. En effet l’article 99 encadre la dissolution par le Président de la République de l’Assemblée des représentants du peuple, d’une façon drastique. « Si le Gouvernement n'est pas formé dans le délai prescrit ou s'il n'obtient pas la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple, le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple et appeler à des élections législatives anticipées, dans un délai de quarante-cinq jours au minimum et quatre-vingt-dix jours au maximum. » stipule cet article. Donc le président de la république ne peut recourir à cette possibilité que dans des cas très précis liés à une crise institutionnelle. En dehors de cela, il n’est pas dans les attributions du président de la république de dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple.

Même cette possibilité est restreinte puisque l’article 77 indique que « l’Assemblée ne peut être dissoute pendant les six mois qui suivent le vote de confiance du premier Gouvernement après les élections législatives ou pendant les six derniers mois du mandat présidentiel ou de la législature ».

Quant aux élections présidentielles anticipées également réclamées par Hamma Hammami, la Constitution ne les prévoit guère. L’article 84 évoque la « vacance provisoire excédant les soixante jours » ou le cas de « présentation par le Président de la République de sa démission écrite au Président de la Cour constitutionnelle » ou « de décès ou d’incapacité permanente ou pour tout autre motif de vacance définitive ». Dans ce cas, « la Cour constitutionnelle se réunit sans délai, constate la vacance définitive et en informe le Président de l’Assemblée des représentants du peuple qui est sans délai investi des fonctions de Président de la République par intérim, pour une période de quarante-cinq jours au moins et de quatre-vingt-dix jours au plus ».

L’article 85 ajoute : « En cas de vacance définitive, le Président de la République par intérim prête le serment constitutionnel devant l’Assemblée des représentants du peuple, et le cas échéant, devant le bureau de l’Assemblée, ou devant la Cour constitutionnelle en cas de dissolution de l’Assemblée ».

L’autre possibilité est prévue par l’Article 88. Elle concerne la destitution du président de la république. Elle stipule que « les membres de l’Assemblée des représentants du peuple peuvent, à la majorité, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du Président de la République en raison d’une violation grave de la Constitution. La motion doit être approuvée par les deux-tiers des membres de l’Assemblée. Dans ce cas, l’affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue à la majorité des deux-tiers de ses membres. En cas de condamnation, la Cour constitutionnelle ne peut prononcer que la destitution, sans préjudice, le cas échéant, des poursuites pénales. La décision de destitution prive le Président de la République du droit de se porter candidat à toute autre élection. »

Des élections législatives anticipées ne sont possibles en Tunisie qu’en cas de crise politique majeure. Mais outre le temps de plusieurs mois qu’il faudra consacrer à ces élections, il n’est pas exclu que leur issue ne soit pas différente des résultats des élections de 2014. Il est même possible sous l’empire du système de vote actuel qui sera en vigueur pour tout prochain scrutin qu’on va se retrouver avec une assemblée encore plus morcelée et évidemment ingouvernable.

L’évocation en tout cas du recours par Jacques Chirac aux élections anticipées en 1997 n’est pas de bon augure.

RBR

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