Habib Essid : Béji Caid Essebsi « m’a tuer »

Habib Essid : Béji Caid Essebsi « m’a tuer »

 

Dans une interview publiée ce dimanche 24 juillet par les deux quotidiens « La Presse » et  « Essahafa Al Yaoum », Habib Essid révèle certaines vérités qu’il n’a pas dites dans son interview diffusée mercredi dernier sur la chaîne « Attessia ». Il s’agit notamment de ses rapports avec le président Béji Caid Essebsi à qui il reproche certaines choses qui ont « brisé l’harmonie qui existait entre eux » et il ne cache pas son amertume face à ce qu’il considérerait comme « un coup de poignard dans le dos ». « Ma déception est profonde », a-t-il déclaré. Une manière de dire « Béji caid Essebsi m’a tuer ».

Il revient sur sa décision de solliciter le renouvellement de la confiance  à son gouvernement et dévoile, pour la première fois, qu’il avait décidé de partir après les élections municipales, mais le président en a décidé autrement. Il parle de ses rapports avec les partis de la coalition dont certains ne « intéressés qu’aux nominations et toute leur pression s’est focalisée sur ce point ».

« J’ai appris l’initiative du président par mes propres sources » a-t-il dit. « Pourtant, il s’agit d’une initiative qui me touche directement. Et franchement, je reproche au président de la République de ne pas m’avoir informé sur son intention de lancer une telle initiative, surtout qu’il sait très bien que je n’ai aucune intention de rester jusqu’à la fin du mandat. J’ai toujours cru que je devais partir au plus tard après les élections municipales qui pourraient redessiner le paysage politique et redéfinir l’équilibre des forces, et auraient donc nécessité un changement au niveau du gouvernement. 
J’ajoute que la manière avec laquelle le président a annoncé son initiative a brisé l’harmonie qui existait entre nous. Je l’ai, d’ailleurs, informé de ma déception. 
La deuxième chose que je n’ai pas pu accepter, c’est le timing qu’il a choisi pour annoncer cette initiative. Le contexte n’est pas favorable ni sur le plan sécuritaire ni sur le plan social. Sur le plan économique, nous avons commencé à voir les signes d’une reprise et d’une sortie de crise. Et donc cette initiative risque d’avoir des effets contreproductifs, ce que je ne souhaite pas.
Je ne vous cache pas mon amertume, surtout que j’ai toujours cru en la nécessité d’harmoniser le travail des deux institutions, La Kasbah et Carthage, pour éviter toute sorte de blocage et pour bien servir le pays. 
J’ajoute que le président sait pertinemment que j’étais prêt à endosser à sa place la responsabilité de certaines décisions et de certaines mesures. Or, malgré mon dévouement et mon engagement, il a préféré ne pas m’informer de sa décision. Ma déception est profonde.    
Permettez-moi d’ajouter à ce niveau que le régime politique actuel et pour lequel nous avons opté est hybride et comprend plusieurs anomalies. Je pense qu’il mérite d’être revu pour corriger les dysfonctionnements et permettre, dorénavant, plus de souplesse et une meilleure visibilité. D’ici là, il faut respecter la Constitution et ses différentes dispositions. Mais je ne peux ne pas poser cette question : dans ce contexte difficile, n’aurait-il pas été plus sage de soutenir et de renforcer le gouvernement actuel que de le changer ? ».

Sur un autre plan, Habib Essid affirme que le recours à l’Assemblée des représentants du peuple est « une première dans l’histoire du pays et c’est une leçon de démocratie. Et si j’ai insisté à passer par l’ARP, c’est par respect à la Constitution et au citoyen tunisien. Je refuse de dévier du processus démocratique. Il s’agit du premier test pour la démocratie naissante en Tunisie. C’est pourquoi, malgré les fortes pressions, j’ai tenu bon et j’ai décidé que mon départ de la présidence du gouvernement soit en conformité avec les dispositions de la Constitution. Je suis entré par la porte de la Constitution et, donc, je dois sortir par la même porte ». Il a confiance en l’ARP eu égard aux «liens excellents » entre elle et le gouvernement. Néanmoins, il « garde aussi de tristes souvenirs », comme «  la loi sur le statut de la BCT (Banque centrale de Tunisie) qui a failli être rejetée Tout comme il  n’a « aucun différend avec les partis politiques, que ce soit dans l’opposition ou formant la coalition gouvernementale ». Et pourtant les partis de la coalition l’ont lâché au plus mauvais moment. « Certains partis politiques sont, eux-mêmes, composés de deux ailes ou deux courants différents et, donc, plusieurs vis-à-vis à la fois, ce qui a énormément compliqué notre tâche de rapprocher les points de vue. Ils  ne se sont intéressés qu’aux nominations et toute leur pression s’est focalisée sur ce point, ce que j’ai refusé et que je refuse. C’est, peut-être, à cause de ce malentendu, que ma relation avec ces partis s’est détériorée ».

 Essid qui vit cette période décisive avec  « la conscience tranquille », estimant  avoir « suivi le bon chemin imposé par la démocratie et par la Constitution du pays », termine l’interview sur une projection dans l’avenir : « Il faut d’abord faire une autoévaluation, après je déciderai ».

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