Interview Béji Caïd Essebsi : un mélange des genres qui a impacté le contenu

Interview Béji Caïd Essebsi : un mélange des genres qui a  impacté le contenu

 

Rompu à l’exercice le président Béji Caïd Essebsi a montré une indéniable aisance au cours de l’interview qu’il a accordée à la Télévision nationale et avec laquelle il a tenu à marquer la commémoration de l’indépendance, jour de la fête nationale. Il a  peut-être l’intention d’instaurer une nouvelle tradition pour substituer au discours solennel une interview télévisée plus conviviale.

D’ailleurs l’interview conduite par Mourad Zeghidi, un journaliste externe à l’ETT a commencé sur une séquence plus personnelle.   Le Chef de l’Etat s’est en effet  fait filmer en face d’un cadre  portant un fac-similé de l’accord sur l’indépendance signé le 20 mars 1956, dans la galerie des Beys où les portraits des souverains Husseïnites sont exposés ainsi que  devant le tableau de Jalel Ben Abdallah datant de 1938   et qui est une peinture d’un corps imposant d’un martyr couvert du drapeau national en guise de linceul.

Quant à l’interview elle-même, si elle n’a apporté rien de nouveau puisqu’on n’y a retenu  aucune annonce qui sortait de l’ordinaire, le Président de la république  est apparu maître des questions entrant dans ses attributions (la défense et la politique extérieure) mais plus hésitant et moins convaincant sur les questions de politique intérieure notamment celles concernant les domaines   économique et social. Sur le premier chapitre, il a donné, d’ailleurs, une leçon à son interviewer qui lui posait une  question sur  la souveraineté que le journaliste  tentait de  subdiviser. «  La souveraineté ne se divise pas elle est une et le peuple en est le dépositaire et  qu’il exerce à travers ses représentants élus », a-t-il dit dans une belle leçon qui a fait taire son interlocuteur. « En tant que président de la république je suis tenu de respecter la Constitution dont  je suis le garant. C’est pourquoi, il ne me revient pas de prendre l’initiative d’amender   les dispositions du texte fondamental, si d’autres veulent le faire, ils doivent respecter les dispositions constitutionnelles à cet effet », a-t-il répondu à la question sur ses intentions quant à la  modification la Constitution pour changer le régime politique dont il semble s’accommoder. « La démocratie n’est pas chose aisée, son chemin est long et ardu  mais nous n’avons pas d’autre  alternative. Le progrès et le développement sont conditionnés par ce seul choix qui est irréversible », a encore dit Caïd Essebsi toujours dans le registre des sujets bien maitrisés.

S’agissant de  politique étrangère, il était totalement à l’aise rappelant par exemple que les relations de la Tunisie avec les Etats Unis datent de 1797 année pendant laquelle a été signé entre Ali Bey et le président John Adams le traité d’amitié entre les deux pays.  Nous coopérons avec différents pays et pas seulement avec les Etats Unis dans la lutte contre le terrorisme, d’ailleurs nous avons une excellente coopération avec notre voisin l’Algérie dans ce domaine, mais les armes nous les acquerrons avec l’argent de l’Etat », a-t-il précisé. Sur le même registre, il a parlé avec une totale maitrise de l’initiative tunisienne dans le dossier libyen en expliquant ses tenants et ses aboutissants. « L’ensemble des parties libyennes ont été consultées sur cette initiative à l’exception de Khelifa Haftar auquel nous avons adressé une invitation à venir en Tunisie », a dit le Chef de l’Etat à ce sujet.

Sur les questions qui rentrent plutôt dans les attributions du chef du gouvernement, il est paru hésitant et beaucoup moins convaincant. Ainsi interrogé sur la décision du FMI de n’avoir pas libéré la seconde tranche du prêt négocié par la Tunisie, le président s’est quelque peu emmêlé les pinceaux. Le journaliste a beau lui expliquer que c’est le taux de la masse salariale par rapport à la richesse nationale qui a justifié la décision du FMI, le président s’en tenait à son explication que c’est parce que la majoration des salaires n’a pas induit une amélioration de la production que le fonds international a dû surseoir  au versement de la seconde tranche du prêt annuel consenti à la Tunisie.

Le mélange des genres a beaucoup impacté d’ailleurs l’interview. Ainsi après avoir affirmé qu’il n’appartient à aucun parti politique même pas à celui qu’il a fondé, il s’est trouvé en face d’une question se rapportant à Leïla Chettaoui la députée de Nidaa Tounés sanctionnée pour avoir été l’auteur des « fuites » au sein du parti. Au lieu de faire comprendre qu’il ne se mêle pas des questions partisanes, le président a assuré que celle-ci gardera la présidence de la commission d’enquête parlementaire sur l’enrôlement des tunisiens dans les groupes terroristes. Même imprudence lorsqu’il a  déclaré que Nidaa Tounes est en train de changer dans la bonne direction.  Concernant  le sort du ministre de l’Education Néji Jalloul dont la révocation est revendiquée par les syndicats des enseignants,  il aurait dû en remettre le traitement au Chef du gouvernement dont  c’est la responsabilité. En disant qu’un ministre n’est pas éternel à son poste, a-t-il eu l’imprudence de laisser entendre que les jours du ministre sont comptés  si on le prend au pied de la lettre même s’il a paru  exclure cette éventualité. Du reste,  le président de la république a assuré à juste titre, avant d’entrer dans ses élucubrations,  qu’il ne lui revient pas de nommer ou de révoquer les ministres. L’unique fois où cela entrait dans ses attributions c’était lors de la nomination de Youssef Chahed après que l’Assemblée eut retiré sa confiance de son prédécesseur Habib Essid, a-t-il fait remarquer. Cette circonspection aurait dû le guider pour éviter de s’engager  sur  un terrain glissant.

« La situation des finances publiques est difficile mais elle n’est pas catastrophique », a encore assuré le chef de l’Etat en  affirmant que « la situation économique nécessite des réformes structurelles essentielles dans lesquelles s’est engagé le gouvernement d’union nationale à la satisfaction du FMI ».  Il a fait sienne la prévision de croissance de 2,5% pour l’année 2017, en tablant sur une augmentation de la production des phosphates et une reprise du secteur touristique avec l’arrivée de 6,2 millions de touristes pour l’année en cours. Sur ce registre il aurait dû être moins catégorique. Comme lorsqu’il a assuré que Mohsen Marzouk, le secrétaire général de Machrou3 Tounés s’est déclaré attaché au Document de Carthage  et que seul l’UPL de Slim Riahi s’en est écarté alors que ces deux partis se déclarent franchement dans l’opposition au gouvernement, ce qui est par la force des choses un reniement du document portant acte de naissance du gouvernement d’union nationale.

Parlant de ces initiatives législatives concernant la réconciliation économique et la dépénalisation de l’usage  cannabis pour les primo-consommateurs, rien de nouveau qu’on ne le sache déjà. Mais une confirmation sans doute, l’introduction de modifications dans le projet de loi de réconciliation économique qui sera soumis à l’assemblée qui a la latitude de l’approuver ou de le rejeter,  son objectif étant de « créer les conditions d’un environnement propice pour l’investissement interne ou externe » selon ses propres mots.

RBR

 

 

 

 

 

 

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