IVD : le projet de réconciliation économique rejeté par un workshop de réflexion

 IVD : le projet de réconciliation économique rejeté par un workshop de réflexion

 

Les participants à un workshop de réflexion sur le projet de loi sur la réconciliation économique, organisé par l'Instance Vérité et Dignité (IVD), ont été unanimes à rejeter le projet, selon un communiqué publié par l'IVD sur son site officiel. Le projet de loi est considéré par les participants comme une menace pour le processus de justice transitionnelle, au niveau de la révélation des dépassements, la réforme des institutions, de l'impunité et de la survivance de la corruption.

Ils ont appelé à soutenir et facilité l'action de l'IVD au lieu de la contrecarrer. Les participants ont également estimé que le projet de loi est incompatible avec le processus de transition et les dispositions de la constitution, notamment l'article 148 qui engage l'Etat à mettre en vigueur la justice transitionnelle, ainsi qu'avec les outils de justice transitionnelle. Ils ont souligné que le projet de loi ne démantèle pas le système de corruption, ne peut pas dévoiler les corrompus, outre sa violation des outils qui permettent de rendre des comptes et son contournement des mécanismes de dédommagement des victimes.

Pour les participants au workshop, le projet soumis aux débats envoie un message erroné au peuple tunisien en amnistiant les corrompus, mettant en exergue la contradiction entre la promulgation de lois, d'une part, et l'entrave posée sciemment par les appareils exécutifs à l'application de ces lois, d'autre part.

L'expert économique, Abdelmajid Bedoui, a fait valoir à cet égard que l'incitation à l'investissement exige de donner des gages d'un bon climat économique encourageant après le démantèlement du système de corruption. "Le projet de loi dans sa mouture actuelle se contente d'assurer des recettes à l'Etat sans établir d'un nouveau modèle de développement basé sur un système transparent empêchant ou atténuant la corruption", a-t-il souligné.

Pour sa par, l'expert financier et économique, Yacine Ben Ismail, a estimé, selon le communiqué, que le projet de loi parallèle à la loi sur la justice transitionnelle "vise à faire table rase de l'article 9 de la loi sur la justice transitionnelle énonçant l'imprescriptibilité des plaintes". Il a affirmé qu'il "ne garantit pas la réédition des violations et présente une entrave à la restitution à la Tunisie des avoirs déposés à l'étranger".

Dimitri Chalev, représentant du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH) a mis en garde pour sa part contre le risque de voir le projet porter atteinte à la confiance du citoyen et des institutions de l'Etat, et du coup à l'idéal de la réconciliation.

Filipo De Carpina, représentant du programme des Nations Unies pour le développement, a affirmé que le projet de loi "ne contribue pas à donner une impulsion à l'économie", rappelant l'engagement de la Tunisie envers les conventions internationales sur la lutte contre la corruption.

Saloua Kantri, présidente du bureau du centre international de justice transitionnelle, a estimé aussi que "le projet de loi est incompatible avec tout un processus visant à faire connaître la vérité et tend à blanchir les corrompus et à consacrer l'impunité".

Pour les représentants de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme, "il n'est pas possible de réaliser le développement et la transition démocratique sans l'éradication du système de corruption", appelant à "faire face à l'attaque systématique visant la justice transitionnelle".

La représentante de l'instance nationale de lutte contre la corruption a indiqué que "le projet de loi entamera la confiance entre les institutions et le citoyen", estimant qu'il n'est pas en phase avec la constitution et les choix du peuple tunisien du fait qu'il a abouti à la division de la société et produit une tension alors que le pays a besoin de stabilité.

Le représentant du réseau tunisien de justice transitionnelle a exprimé son étonnement de la contradiction entre le souci des partisans de l'initiative de réconciliation et la non-activation de la loi sur la justice transitionnelle. Pour Amor Safraoui, président de la coordination indépendante de la justice transitionnelle, "il n'est pas possible de soustraire la réconciliation du contexte de la justice transitionnelle" alors que le représentant du laboratoire démocratique, Amine Thabet, a demandé le retrait du projet "en raison du danger qu'il représente pour les réformes des institutions".

Le workshop de réflexion, organisé par l'IVD en partenariat avec le centre international de justice transitionnelle, le programme des Nations Unies pour le développement, le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, s'est déroulé en présence des membres de l'IVD, des représentants d'organisations internationales, d'instances nationales, de composantes de la société civile et d'expert en droit et en économie.

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