JCC 2016: Une meilleure organisation pour une visibilité internationale

 JCC 2016: Une meilleure organisation pour une visibilité internationale


La Tunisie a vibré du 29 novembre 2014 au 07 décembre 2014 au rythme des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC  2014).Il s’agissait d’une panoplie de films (195 films provenant de 45 pays), ainsi que d'une ribambelle d'invités de marque et un jury d'exception.

Parmi les membres du jury, certaines pointures ont été présentes dont Danny Glover, invité d’honneur de cette édition. Des icones du cinéma arabe ont été présentes à savoir Leila Alaoui, Mena Chalabi, Dorra Zarouk et Saba Moubarek.

Et, grâce aux JCC, les salles de cinéma ont accueilli plus de 1000 visiteurs. Tunis et ses salles de cinéma bondées même à 14h, situées pour la plupart sur l’avenue Habib Bourguiba, dont le Théâtre municipal, le Colisée,  le Mondial, le Rio et l’ABC affichent souvent complet à chacune des trois ou quatre projections programmées quotidiennement à la faveur des Jcc.

Le prix du  billet était à la portée :1D500 pour un voyage dans le monde du septième art. Sinon, les jeunes de moins de 25 ans ont profité d’un abonnement de 20 D et ceux qui ont plus de 25 ans, ont profité d’un abonnement de 25 D.
 
Une édition spéciale

Bien que cette  édition soit critiquée pour la mauvaise organisation, la qualité de certains films qui ont été acceptés par le jury et le rejet de certains autres qui verront le jour après cet événement,  cette édition avait certainement son charme, et ce, sur plusieurs plans.

Tout d’abord, pour une première fois, les JCC ont eu lieu dans différentes régions de la Tunisie, là où il y a des salles de cinéma. De cette façon, nombre de villes de  la Tunisie vibrent sous le charme de cet événement.

Ensuite, les JCC ont eu lieu cette année à un moment décisif de la vie politique en Tunisie. Les Tunisiens viennent de finir le 1er tour des élections présidentielles et s’apprêtent au 2ème. Cet événement a détourné ainsi la concentration du peuple vers la culture. Mais la politique était déjà présente dans la plupart des films projetés (la cause palestinienne, la colonisation française en Algérie, le printemps arabe, etc.).
 
C’est une ambiance marquée malgré tout par une actualité politique dense à la veille d'un scrutin déterminant. Et, malgré les élections, cette édition a connu une forte affluence du public, ce qui témoigne de l’ancrage de l’événement dans la société tunisoise qui s’offre ainsi une parenthèse culturelle à quelques encablures d'une consultation électorale censée donner le premier président démocratiquement élu depuis l'accession de la Tunisie à son indépendance en 1956.

De même, certaines figures politiques ont marqué leur présence au cours de ce festival, à l'instar de Hamma Hammami et autres... Ils ont assisté aux films qui traitaient de la situation politique en Tunisie.


Et dans tous les débats organisés dans le cadre de ce festival, la politique était au cœur du sujet car dans un pays où il n’y a pas une bouffée de liberté, la création artistique ne peut pas se développer. L’actrice égyptienne Leila Alaoui, a déclaré  dans une conférence qu’elle a animée la veille de la soirée de clôture du festival qu’elle n’aime pas parler de politique mais elle déteste le Président Egyptien déchu Morsi, et ce en rappelant au public présent que les artistes étaient les premiers en Égypte a avoir appelé Morsi à quitter le pouvoir. C’était dans le cadre du mouvement « Tamarod », en juin 2013.

Le troisième point qui a donné à ce festival un charme spécial, c’était l’animation qui a eu lieu à l’avenue Habib Bourguiba. Nous avons toujours entendu parler de « Paris en fête », « Amsterdam en fête » et  cette fois-ci , Tunis était en fête de 18 h jusqu’à  minuit. Le public des JCC avait un rendez-vous quotidien avec un concert de rue, en face de l’horloge de l’avenue Bourguiba.  

De son côté, la radio privée tunisienne IFM a installé son plateau de rue en face de l’hôtel accueillant les invités des JCC sur un plateau spécial, assurant une animation continue avant les projections de l’après-midi.

La chaîne nationale publique WATANIA 1 n’a pas raté ce rendez-vous et un plateau a été installé au milieu de l’avenue de Habib Bourguiba. Et pour la première fois, le public a assisté en direct à  un tournage d’une émission de rue.
Il s’agit de Tunis, l'effervescence et  l'insouciance. Et tous ces jeunes qui sourient  et ces citoyens qui respirent à pleins poumons pour ne rater aucun événement.

Absence de communication

L’organisation de ce festival, pendant cette période critique que traverse le pays, était un pari risqué, notamment sur le plan financier. "Si ce n'est la volonté du staff qui a fait preuve de "militantisme" pour ne pas rater ce rendez-vous, très attendu par les cinéphiles tunisiens, a expliqué, Dora Bouchoucha, directrice de ces Journées.

D’ailleurs, comme à l’accoutumée, beaucoup de jeunes étudiants en réalisation, en art dramatique et autres disciplines se sont présentés volontiers pour être membres de l’équipe d’organisation.
 
De même, beaucoup de journalistes étaient présents que ce soit au moment des projetions de films ou à l’hôtel Africa pour des interviews des acteurs ou des réalisateurs présents. Mais cela n’était pas suffisant comme outil communicationnel pour promouvoir l’image du festival à l’échelle internationale.

Au début du festival, les informations étaient publiées sur Internet avant même de lancer la conférence de presse. Mais à partir du moment où le programme du festival a été lancé, aucune information n’a été communiquée au public à part quelques photos de mauvaise qualité et des textes vides d’informations.

La page Facebook du festival (https://www.facebook.com/JCC.PageOfficiel ) n’a publié aucune information depuis la date du 19 octobre 2014. Même le bulletin de presse quotidien était absenté au cours de ce festival alors que les journalistes et les cinéastes avaient l’habitude de trouver le numéro quotidien du bulletin au bureau de presse.

S’agit-il d’une équipe de presse qui n’assume pas sa tâche communicationnelle à cause de ses compétences moyennes ou d’un bureau de presse qui n’a pas les moyens  pour gérer un plan communicationnel d’un festival international ?

Au cours de ce festival, la presse s’est limitée à informer le public des dates de projection ou des déclarations des acteurs ou des réalisateurs. La critique cinématographique journalistique n’était pas assez présente dans les retombées médiatiques (pour ne pas dire absente) du festival et c’est certainement dû aux compétences des journalistes présents qui traitaient l’information culturelle à la manière de la « Presse People ».

Ils ne posaient que des questions basiques (Êtes-vous satisfait de ce film ? Quel est votre prochain projet ? Vous vivez une histoire d’amour ?). Et on se demandait ainsi si les journalistes qui ont couvert ce festival connaissent les genres du film (http://www.avoir-alire.com/les-films-par-genre ) et possèdent une culture cinématographique assez riche qui leur permette de couvrir un festival de cinéma.


On ne peut pas se limiter à critiquer les retombées du festival qui n’ont pas été de grande valeur mais il faut aussi se poser la question de savoir si l’équipe de presse a assumé efficacement son rôle. Malheureusement, les journalistes ont été maltraités. Comment et pourquoi ?

Bien qu’ils eurent des badges, les journalistes accrédités étaient appelés à réserver un billet auprès du bureau de presse avant la vision du festival. Ce qui nous pousse à nous poser la question : A quoi sert le badge alors ? Sert–il à franchir la porte de l’hôtel Africa, là où se croisent les acteurs du festival ?

Pire encore, si vous demandez à un membre du bureau de presse un rendez-vous avec un acteur du festival, il sera surpris. A son avis, c’est à vous de vous débrouiller. Mais, il paraît que l’attaché de presse a oublié que sa mission ne se limite pas à distribuer les billets ou envoyer un email aux journalistes mais aussi à faciliter la tâche des journalistes au niveau des interviews. A vous d’imaginer la situation si la directrice du festival avait un planning presse clair, ce qui permettra à tous les médias d’avoir des réponses à leurs questions.

Une mauvaise stratégie de visibilité

Le 03 décembre 2014, une table ronde s’est tenue à l’hôtel Africa et qui a porté sur l’enjeu crucial pour la survie du secteur du cinéma dans la région africaine et le problème de la visibilité des films africains dans les festivals européens.

Il s’agit certainement de prendre en considération la stratégie de communication et de marketing au cours du processus de distribution. Malheureusement, en Afrique, nous n’accordons pas une assez grande importance à cette étape. Tous les efforts sont mobilisés autour de la phase de production et nous nous limitons à assurer le passage du film dans des festivals internationaux et sa projection dans le pays d’origine, alors qu’un film peut survivre plusieurs années et rapporter beaucoup d’argent.

C’est le cas, en Tunisie, pour le long métrage « Bastardo » dont la réussite est due, entre autres, à une bonne campagne de marketing et de communication au point qu’il a affiché complet au cours des JCC 2014 alors qu’il a été lancé depuis plus d’une année.

Ensuite, la survie du secteur du cinéma est liée d’une part à la survie des salles de cinéma et d’autre part à la pérennité des festivals. Mais les deux se retrouvent autour du même objectif « sauver le cinéma ».

Dans le cadre de la préparation de la 25ème édition des JCC, une journée d’étude a été organisée au mois de novembre 2013 et à laquelle ont participé Fethi Kharrat, le Directeur Général des arts scéniques et de l’audiovisuel au ministère de la culture,  Adnane Khedher, Directeur Général du centre national du cinéma et de l’audiovisuel, partenaire actif de l’édition et des représentants d’un bon nombre d’associations, associées de cette biennale. Et à l’occasion de cette journée, les présents ont discuté des moyens et des dispositions à prendre pour faire réussir l’édition 2014. Mais, ils se sont tous fixé des objectifs liés à cette édition et personne n’a parlé de la 26ème édition. Par contre, si nous voulons réussir un festival, il faut penser au long terme.

Certainement, au cours de la 25ème édition, des discussions à propos de la prochaine édition du festival ont été entamées mais la campagne de communication de cette édition était trop faible, en comparaison avec des festivals internationaux. Et c’est en réussissant à promouvoir l’image de cette édition qu’on assurera la réussite de la prochaine. D’ailleurs, comment peut-on gagner plus de recettes publicitaires ? Ce n’est pas en attirant le maximum de public.
 
Et prenons l’exemple d’un festival voisin, celui de Marrakech. Ce festival possède un site(http://www.festivalmarrakech.info ) toujours meublé avec les derniers détails du festival. Sa page Facebook et son compte Twitter sont toujours actualisées. Sinon, les promos des films sont toujours publiées en ligne avant la projection du film, ce qui permettra au public de bien choisir son film.

Chez nous, le catalogue des films n’est pas à la portée de tout le monde. On le donne en cachette. Par contre, Internet pourrait résoudre le problème en publiant une version électronique de ce catalogue. De même, un service de presse de qualité est mis à votre disposition et composé de trois groupes : le groupe de la presse arabe, le groupe de la presse nationale et le groupe de la presse internationale.

Sinon, vous pouvez les contacter par email (information déjà publiée sur le site). Ils représentent trois agences différentes de communication. Et chacune a sa propre équipe.

En plus, la chaîne vidéo  du festival sur le réseau social Viméo  trace instantanément les moments forts de ce festival avec un montage d’excellente qualité. Des images qui vous font rêver de croiser ces vedettes sur scène et il suffit de s’abonner à la chaîne pour suivre les nouveautés en vidéo du festival.

Et dans une rubrique intitulée « Cinémaroc » sur le site du festival, on vous dit « Le Maroc et le cinéma, Une histoire prometteuse ». Vous pouvez ainsi visionner des vidéos qui font l’éloge du cinéma marocain jusqu’à ce qu’on se demande : Est-il plus vieux que le cinéma égyptien ? Ou même tunisien ?... Bien sûr que non mais ils ont fait de leur cinéma une industrie culturelle reconnue à l’échelle internationale et tout le monde rêve de passer par le festival de Marrakech.

Bref, l’équipe du festival de Marrakech ne se limite pas à l’effort des journalistes accrédités mais elle essaye de promouvoir l’image du festival qui est devenue la destination la plus appréciée dans le monde arabe des cinéastes de différents pays du monde.

En ce qui concerne la visibilité des films africains dans d’autres festivals, la langue n’a jamais présenté un problème ni la culture aussi car le public cherche toujours à connaitre d’autres horizons. Il s’agit de savoir comment promouvoir ses films avant qu’ils ne soient affichés sur les programmes des festivals.



Une conférence de presse pour informer le public du lancement du film peut être bénéfique pour faciliter la circulation du nom du film. Certains ont recours à des panneaux d’affichage dans les rues et d’autres pensent qu’une vidéo de promotion diffusée sur Internet peut faire l’affaire. On peut même créer une page Facebook pour le film et assurer des rencontres dans des maisons de culture pour discuter du film.

Les moyens sont toujours très nombreux mais il faut leur consacrer un budget dans le plan de financement car la mission du producteur ne se limite pas à la production mais la distribution demeure aussi une étape importante.

Le web, un moyen de distribution d’un film

En Grande-Bretagne, on commence aussi à parler du « web cinéma ». Et si le réalisateur d’un film crée une plateforme payante, au lieu d’aller à la salle de cinéma, vous pouvez  avoir accès au film en payant en ligne. Si l’expérience a réussi avec d’autres médias, à savoir la presse électronique, cette expérience ne pourra pas réussir avec le cinéma ? A vous d’imaginer ensuite combien ce producteur pourra gagner s’il ajoute des spots publicitaires au passage du film ou même des insertions publicitaires.

Les salles de cinéma sont en train de disparaître. Certes, il faut les sauver mais il faut chercher aussi les raisons pour lesquelles le public les fuit. Et si le public ne rejoint plus ces salles au cours de l’année, nous devons chercher une solution pour aller chez lui. Le web présente ainsi, une solution. Mais il faut savoir comment l’utiliser.

L’usage du web au profit de la télévision s’est développé ces dernières années. Peut-être faut-il suivre les mêmes techniques pour réussir à distribuer un film ?

En fait, le web peut nous inspirer plusieurs idées: des applications pour des usages mobiles sous forme de QCM à propos du film, des « live chats » avec les acteurs du film, etc. Ils sont tous des moyens pour pouvoir le film et assurer sa notoriété.

Pour conclure,  indépendamment des exclus, des mécontents et des déçus, il faut se réjouir que ce rendez-vous avec le 7ème art  soit devenu incontournable. Il faut développer les moyens pour assurer la visibilité des JCC à l’échelle internationale et sa continuité à l’échelle nationale.

C’est au Ministère de la Culture de déposer un plan de communication pour assurer la visibilité du festival à l’échelle internationale. Les JCC pourront même avoir lieu à Paris, en Belgique ou aux Etats Unis. Nombreuses sont les idées mais à chaque fois que le ministre change, une nouvelle équipe s’impose et on revient à zéro. Le travail à long terme devrait s’instaurer dans le plan d’action de nos ministères pour assurer la survie des projets notamment de nos festivals. Et n’oublions pas « La culture est la force humaine qui découvre dans le monde les exigences d'un changement et lui en fait prendre conscience» (Jean Paul II).

Nouha Belaid


@Crédits Photos: Hamza Trabelsi