Le Boycott des Tramways Tunisois (1912)

Le Boycott des Tramways Tunisois (1912)

Pour comprendre la véritable portée de cet événement, il convient de procéder à une analyse rétrospective de la situation politique en Tunisie à l’aube de la 1GM. Face au protectorat français, les élites tunisiennes s’organisent afin de faire valoir leurs intérêts.

Ainsi naîtra le mouvement des Jeunes Tunisiens, composé de Ali Bach Hamba, Abdeljalil Zaouche, et Bachir Sfar ( anciens du collège Sadiki ).

À travers leur journal, « Le Tunisien », créé en 1907 et édité en français, ils visent à sensibiliser la population française à leur cause. Bach Hamba, alors rédacteur en chef du tunisien dépasse le clivage culturel entre Sadikiens et Zitouniens en joignant sa plume à celle du Cheikh Abdelaziz Thaalbi, le premier octroyant au second la rédaction en chef du pendant arabe du « Tunisien » : « Ettounsi ».

Le Tandem Thaalbi/Bach Hamba apporte son concours interne, puis externe aux revendications « indigènes » : Suite à l’occupation de la Tripolitaine par l’Italie, ils organisent des collectes d’argent et d’armes; sensibilisent à travers le journal de Thaalbi « L’union Islamique ».

De toutes ces actions, c’est le Boycott des Tramways Tunisois qui provoquera la dispersion, et partant, l’extinction des Jeunes Tunisiens. De quoi s’agit-il ? Le 8 Février 1912, un enfant tunisien fut écrasé par un tramway.

Conduit par un wattman italien. Le père du défunt parcourait les villes en maudissant quiconque emprunterait les tramways - Le boycott était lancé ! Ce qui pouvait apparaître comme un simple accident allait devenir une véritable crise politique, eu égard aux tensions Tuniso-italiennes, évoquées en amont.

Les Musulmans salariés de la Compagnie des Tramways Tunisiens réclamaient : l’égalité salariale, l’amélioration des conditions de travail, la réduction des heures… Le mouvement syndical n’ayant pas encore émergé en Tunisie, les salariés faisaient appel à des avocats, pour faire valoir leurs intérêts auprès du patronat.

Ainsi, un comité de défense des grévistes fut créé par Bach Hamba. Ce dernier menait une intense activité de sensibilisation auprès de la population pour la poursuite du boycott et sa jonction avec les multiples revendications sociales, et, nous le verrons, politiques.

Le SG du gouvernement, Urbain Blanc, réunit une assemblée de notables afin de trouver une issue à ce conflit. Il y déplora « l’absence pour les tunisiens de représentants autorisés ». Ce à quoi Bach Hamba répondra « La Tunisie n’aura plus recours aux intermédiaires le jour où le gouvernement se décidera à leur octroyer une représentation élue. » Initialement sociale, la crise devient, de fait, politique.

Nonobstant les tentatives du gouvernement de briser le boycott (prêches d’imams, crieurs publics…) les tramways restaient vides, si bien que la Compagnie des Tramways Tunisiens paya des gens pour y monter. Bach Hamba restait intraitable sur la question de l’égalité salariale.

À Vingt Mille Lieues de la réponse sociale attendue par les grévistes, le GVT répondait à ces revendications en exilant les leaders Bach Hamba et Thaalbi. Le premier se rendit à Paris, tandis que le second prit le chemin d’Istanbul. Le Mouvement des Jeunes Tunisiens, aisément qualifiable de Proto-Nationaliste, s’éteignait ainsi.

Le Tandem Bach Hamba/Thaalbi posait les germes du Mouvement National. À l’action d’abord élitiste du premier, le second apposait son style populaire. Pour paradoxal que cela puisse paraître, le mouvement des Jeunes Tunisiens s’éteignait, mais le Mouvement National allait perdurer : En 1920, le Cheikh allait parachever son œuvre en créant le parti Destour. Le nationalisme Tunisien voyait le jour.

Khalil HENI

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