Production électrique: Quelle stratégie face aux défis imposés par la nécessité de la transition et la guerre en Ukraine?

Production électrique: Quelle stratégie face aux défis imposés par la nécessité de la transition et la guerre en Ukraine?

Par Yassine Laabidi /Etudiant Licence Commerce et Finance Internationale ESCT/ Université Manouba

S/D : Docteure Habiba Nasraoui Ben Mrad/Enseignant-Chercheur /ESCT/UMA

La guerre entre Ukraine et la Russie depuis février 2022, a commencé à poser un réel défi,  notamment pour les pays importateurs de gaz et d’autres ressources naturelles de la Russie. 

Quelle place pour la Russie : Une guerre qui appelle de nouveaux rapports

La Russie est un pays très riche en ressources naturelles, et fait partie des trois premiers pays producteurs et exportateurs de pétrole. Elle dispose de 20 % des réserves mondiales de gaz, dont elle est le premier pays producteur et exportateur mondial, ainsi que d’importantes réserves de charbon. La Russie compte parmi les premiers producteurs de plusieurs métaux industriels, comme le palladium, le nickel ou encore l’aluminium. Son territoire abrite, en outre, 8 % des réserves mondiales d’uranium. 

La guerre risque toutefois de durer, et étant donnée cette importante place de la Russie, sur le marché international de plusieurs matières premières, et étant donnés également, les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement, et les retombées que cela pourrait avoir sur les prix, la Tunisie, comme n’importe quel autre  pays dans ce monde doit, redéfinir sa stratégie en  matière de production et de consommation d’énergie.

L’analyse des différentes sources d’énergie électrique, dont le gaz naturel , d’une part et de  l’importance de la place du gaz naturel à l’échelle Nationale, d’autre part nous permettra de voir quelles orientations stratégiques devra adopter l’Etat, en l’occurrence la STEG, pour faire face à tous ces nouveaux problèmes.

Le gaz naturel , une source incontournable dans la production de l’électricité

L’agence internationale de l’énergie «AIE» estime que la demande mondiale de l’électricité augmentera entre 2020 et 2040 de 60%. A l’échelle Nationale 36% du déficit commercial enregistré en 2020 est dû aux effets du déficit énergétique. L’Etat, doit donc veiller à optimiser l’exploitation de l’énergie et assurer l’indépendance énergétique.

Le gaz naturel, en tant que source d’énergie électrique, joue un rôle  de première importance dans tous les pays du monde, et touche directement tous les  secteurs économiques, et contribue à la stabilité socio-économique des pays. La demande d’énergie électrique est en effet corrélée positivement à l’évolution de l’activité économique et du progrès technologique.

Exposées aux effets des différentes fluctuations conjoncturelles internes et externes, les entreprises productrices de l’électricité, dont la STEG, essaient d’adopter de nouvelles stratégies fondées sur la maintenance périodique des réseaux de transport et l’interconnexion avec les pays limitrophes. C’est ainsi que les intérêts de l’entreprise -qu’elle soit nationale ou multinationale- franchissent les frontières par l’adhésion aux conventions bilatérales.

C'est dans ce cadre conventionnel que l'Italie importe le gaz naturel de chez l'Algérie en traversant le territoire tunisien. La Tunisie tirait jusque-là, profit de ce passage de gaz et bénéficie gratuitement de 5,25% des quantités livrées à l'Italie à travers le territoire tunisien (redevance dite : droit de passage). Cette redevance étant fournie à la Tunisie soit en quantités de gaz, soit en dollars «$» .

Le bilan énergétique est très important, notamment qu’il a un impact sur l’équilibre extérieur du pays.  Le déficit énergétique,généré par l’excès de la demande se traduit par l’importation de ce déficit.

L’électricité n’étant pas-actuellement-stockable pour satisfaire un besoin ultérieur, le stockage de d’énergie électrique présente en effet, un défi sérieux aux chercheurs et scientifiques, l’analyse de l’offre revêt une importance particulière. Techniquement, le bilan énergétique est équilibré par deux solutions possibles :

-L’approvisionnement en énergie électrique par l’importation) d’un pays limitrophe.

 -Le délestage qui intervient comme processus obligatoire d’interruption des quantités livrées en électricité ; ce recourt technique (est un mal nécessaire) nous permet d’éviter le black-out et ses conséquences néfastes.

La question des sources de production de l'électricité en Tunisie commande une réflexion très approfondie eu égard aux aspects qu’elle peut revêtir.

A la lumière de toutes ces considérations, et dans le but de considérer la stratégie à adopter par la STEG, nous avons estimé important d’étudier la situation des différentes sources de production de l’électricité à l’échelle nationale.(1)

Les sources d’énergie : pour une plus grande assise aux énergies renouvelables

Les différentes sources d’énergie, laissent toujours une place particulière aux énergies fossiles dont le pétrole. La transition énergétique appelle une stratégie efficace, impliquant davantage les énergies renouvelables.

Les sources d’énergie peuvent être primaires ou secondaires, et sont classées dans le tableau suivant :

La transformation d'une source d'énergie primaire en énergie secondaire se fait par le biais des infrastructures spéciales comme:

-les raffineries pour le Pétrole,

-les centrales thermiques pour les combustibles(Gaz ou charbon)

-les aérogénérateurs pour le vent.

Les sources d'énergie secondaires se caractérisent par le fait qu'elles peuvent être renouvelables ou non.

Quelle place aux énergies renouvelables dans la production d’électricité en Tunisie ?

En Tunisie la production de l’électricité est confiée à la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz « STEG ». En 2011 la STEG dispose d’un parc de production composé de 24 unités de productions (centrales) qui englobe une capacité totale de 3526 Mégawatt «MW» alimentées à 97%par le gaz naturel. En terme technique, la capacité totale est le total de puissance installée mesurée en Mégawatt. On entend par puissance installée nette, la capacité du parc de production à affronter le total de la demande Nationale.

Afin d’accommoder la demande, qui est en croissance continue,nous constatons que le parc de production de l’électricité est en progression corrélative à la demande. Le tableau ci-dessous(n°1)nous montre:

A- Les centrales de production de l’électricité qui fonctionnent à l’aide du gaz naturel sontdetrois types :

-les turbines à vapeur

-les cycles combinés

-les turbines à combustion.

L’importance de ces centrales, de point de vue capacité de production, n’a pas chuté au-dessous de 93% ; cela signifie que le gaz naturel est un facteur de production précieux et à la fois dangereux.

Il est à remarquer que dans la mesure où nous importons plus que la moitié de nos besoins en gaz naturel, la production court toujours le risque de pénurie ou d’interruption qui peut intervenir subitement et bouleverser tout le processus de production.

B- Les centrales de production de l’électricité qui se basent sur les énergies renouvelables sont de trois types:

-Hydraulique,

-Eolienne,

-Solaire photovoltaïque.(10MW mise en service récemment en 2019)

L’importance de ces centrales réside dans la gratuité des inputs, nous sommes à l’abri de l’importation,ses coûts et ses risques. Notre production est-désormais-dominée par la variation des conditions climatiques. De point de vue environnement, les énergies renouvelables ont la faveur d’avoir l’impact le plus faible par rapport aux autres sources fossiles. Nous remarquons, en outre,que grâce aux énergies renouvelables, le consommateur est partiellement protégé des effets des fluctuations des prix des matières premières pendant au moins 20 ans.

Le gaz naturel, un atout pour la transition vers les énergies propres

A comparer au charbon, le gaz naturel est considéré comme une énergie propre puisqu’il permet de réduire les émissions de CO2« Dioxyde de carbone ».

La mesure de l’évolution du gaz naturel dans le monde passe par trois concepts comparatifs qui sont en rapport avec le coût de l’infrastructure,le rendement de l’équipement, le coût de l’output.

Autrement dit le décideur ne peut opter pour la production de l’électricité par le biais du gaz naturel le nucléaire ou le rayonnement solaire, sans avoir de réponses préalables à trois questions :

Quel est le coût d’une turbine à gaz ?

Quel est le rendement d’une turbine à gaz ?

Quel sera le coût unitaire de production ?

Pour répondre à la 1ère question nous supposons que le coût d’investissement ainsi que la durée de vie d’une centrale alimentée en gaz naturel sont exactement égaux à ceux d’une centrale qui fonctionne à l’aide des rayons solaires.

Pour répondre à la 2ème question nous supposons que les rendements sont équivalents

Afin de répondre à la 3ème question, nous entérinons l’hypothèse que le coût  unitaire de production de la centrale à gaz est plus élevé que celui de la centrale solaire.Ceci est évident car les rayons solaires sont dédiés gratuitement par la nature, en revanche le gaz naturel demeure une matière première qui a son coût d’achat.

Pour une meilleure comparaison de ces deux sources mettons  l’accent sur les caractéristiques de chaque source. En effet les rayons solaires présentent une source d’énergie naturelle et gratuite mais toujours interruptible par l’effet du mouvement de la terre et génère une faible production durant la saison hivernale et une production interruptible durant le reste de l’année puisque le soleil s’absente la nuit. De l’autre côté nous constatons que le gaz naturel est une source disponible jour et nuit et permet régulièrement de générer une production constante. Le gaz naturel et les rayons de soleil sont deux sources précieuses et à la fois substituables. Nous pouvons, désormais, compter sur le soleil pendant la saison estivale et en tirer profit, et à défaut c’est le gaz naturel qui peut satisfaire nos besoins.

C’est ainsi que le gaz naturel et les rayons solaires vont former ensemble un bouquet énergétique. Cette répartition des différentes sources d’énergies est une nouvelle tendance ou option mondiale dite le Mix énergétique

Le  gaz National : un déficit énergétique structurel

La position géographique de la Tunisie ne lui procure pas assez de ressources fossiles, bien qu’elle soit au voisinage de deux pays assez riches en hydrocarbures, et exportateurs de pétrole, (la Libye et l’Algérie). En 2020 le secteur des extractions de pétrole et de gaz naturel représentait 2,5% du PIB. La production Nationale ne couvrait que 43% de la consommation énergétique.

Par ailleurs, il importe de clarifier l’importance du bilan énergétique et la notion du déficit énergétique constaté durant la décennie 2010-2019 et déclaré par le rapport élaboré par l’observatoire nationale de l’énergie et des mines.

Le déficit énergétique, se traduit par un déficit de la balance commerciale, qui se dégrade avec la dépréciation continue de  la monnaie Nationale

Cette situation est illustrée dans le tableau (N°2), qui montre bien que le déficit énergétique, a triplé entre 2010 et 2019, en passant de 2011 à 6210 Ktep

Ce déficit a été impliqué par les  contractions subies par les divers champs de gaz naturel, ce qui place la STEG  dans l’obligation de réviser les quantités contractuellement importées vers la hausse pour compenser ces contractions des gisements.

L’importation du gaz naturel, s’imposant comme une obligation, à laquelle va falloir y apporter des solutions, porter une réflexion. En effet nous sommes devant deux indicateurs primordiaux qui progressent dans deux sens inverses :

D’une part la demande de l’électricité qui a tendance à augmenter annuellement de 3%, avec un parc de production de l’électricité qui est à 97% alimenté en gaz naturel, d’où la nécessité d’approvisionnement en gaz pour assurer la continuité de production électrique.

De l’autre côté les sources Nationales des énergies fossiles sont en régression continue. le nombre de puits de pétrole et du gaz a chuté, au cours de la dernière décennie, de 38 puits à 7 puits. Cette régression aura des répercussions négatives sur l’économie Nationale avec la volatilité des prix de l’énergie, à l’échelle internationale, qui devient de plus en plus manifeste et risque de s’installer structurellement avec la guerre en Ukraine.

Pour une nouvelle stratégie entre le renforcement du gisement Nawara et le développement des énergies renouvelables

La reprise du secteur énergétique en Tunisie est profondément liée au démarrage du grand projet de gaz du sud Tunisien. Il s’agit du gisement NAWARA situé au gouvernorat de Tataouine.

Le gouvernement estime que ce grand projet présente une importante partie de sa stratégie de croissance. La production journalière -de départ- est estimée à 2,7 millions m3 du gaz.  La mise en service de ce projet est programmée pour l’année 2024.

Au niveau de la STEG, les importations du gaz Algérien passent par un contrat négocié entre la STEG et SONATRACH. Les clauses de ce contrat semblent être compliquées et rigoureuses en faveur de la société exportatrice.

Le tableau ci-dessous (N°4) retrace les quantités importées par la STEG durant la dernière décennie.En somme les importations ont dû augmenter de 44% au bout de 10 ans.

Face à ce déficit structurel, et devant le renchérissement du prix du gaz naturel impliqué par la guerre en Ukraine la STEG n’a plus d’autres choix que de développer la production des énergies renouvelables, pour pouvoir faire face à une demande d’énergie de plus en plus croissante

Pour conclure, disons que les options d’optimisation ne manquent pas aussi bien au niveau de la production que de la consommation. La Tunisie signataire de la CCNUCC et de la COP21, doit placer la STEG au centre des opérateurs stratégiques susceptibles de lui permettre d’assurer la transition énergétique et de faire face aux retombées négatives de la guerre en Ukraine. La Tunisie doit pouvoir également profiter de sa position stratégique et géopolitique.

A suivre

Par Yassine Laabidi /Commerce et Finance Internationale ESCT Université Manouba

S/D : Docteure Habiba Nasraoui Ben Mrad/Enseignant-Chercheur /ESCT/UMA

 

 

 

 

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