Que faire avec les revenants terroristes ?

Que faire avec les revenants terroristes ?

 

« La question religieuse est en réalité peu présente dans la radicalisation. La plupart des radicalisés ont en commun une situation d’échec, de rupture, une quête de sens ou d’identité. Un nouvel engagement politique d’une frange de notre jeunesse. Il se traduit par la participation ou le soutien à ces groupes terroristes. C’est la nouvelle idéologie du XXIe siècle. L’individu souhaitant rejoindre la Syrie faire le djihad ne peut pas être systématiquement considéré comme une victime d’emprise sectaire » .Sébastien Pietrasanta

Le terrorisme islamiste fait référence aux attentats et aux autres actions de terrorisme commis par certains mouvements qui se disent islamistes. Ils sont le fait principalement de groupes salafistes djihadistes comme Daech ou al-Qaïda. L'objectif visé par le terrorisme islamiste est la promotion d'une vision religieuse et radicale du monde. Des organisations comme Daech se positionnent clairement dans le contexte islamique et revendiquent de pratiquer le djihad bien que leurs actions soient condamnées par des autorités religieuses musulmanes.

Quelles sont les causes du terrorisme ?

Le terrorisme se nourrit de l'échec des gouvernants musulmans sur le terrain de la contestation sociale, de la pauvreté du peuple et de la corruption des élites.

Les causes sont à la fois économiques, politiques, sociales et psychologiques :

-       Sur le plan économique, il serait ainsi nourri par le déséquilibre nord-sud, vu que le monde musulman, se trouve dans une situation économique de « sous-développement ».

-       Sur le plan politique, il serait poussé par le caractère despotique et autoritaire des régimes en place depuis la décolonisation ainsi que par les problèmes non résolus comme le problème palestinien.

-       Sur le plan social, il serait causé par une pauvreté croissante, le chômage, la détresse sociale, et l’absence des libertés individuelles.

-       Les autres causes sont psychologiques : elles peuvent notamment être provoquées par le désenchantement, le rêve d’un monde meilleur, le rejet du matérialisme, le ressentiment, la frustration, le manque de reconnaissance.

Qui est derrière La naissance du terrorisme dans le monde ?

Bien que des actes de terrorisme majeurs tels la prise de la Grande Mosquée de La Mecque en 1979 et l'assassinat du président égyptien Anouar el-Sadate le 6 octobre 1981 par le Jihad islamique égyptien aient eu lieu avant cette guerre, pour un certain nombre d'analystes des questions géopolitiques, le terrorisme islamiste apparaît en 1979 pendant la guerre d'Afghanistan.

Cette guerre vit l'URSS lutter et perdre contre des forces de « résistance afghanes » soutenues par les États-Unis (Opération Cyclone) cherchant à limiter l'avancée communiste, mais aussi par l'Arabie saoudite, cherchant à exporter le wahhabisme - Oussama ben Laden ira par exemple former les Afghans à la lutte armée -, le Pakistan pour des raisons de proximité spatiale.

Selon Noam Chomsky le philosophe américain « les islamistes radicaux, ou extrémistes, souvent appelés « fondamentalistes », ont été choyés par les États-Unis dans les années 1980, parce qu'ils étaient les plus implacables tueurs au monde. »

En 2001, les attentats du World Trade Center à New-York dans lesquels près de 3 000 civils ont été tués par Al-Qaïda marquent une évolution emblématique du terrorisme islamiste, par le nombre de victimes, les moyens atypiques mis en œuvre, et le fait que les États-Unis soient touchés.

En 2004, les Attentats de Madrid qui ont fait environ 200 morts et plusieurs centaines de blessés font prendre conscience aux nations européennes du fait que le terrorisme islamiste est un phénomène mondialisé.

En 2011, éclate ce « printemps arabe », un printemps favorable au djihadisme en Syrie, en Lybie, en Irak et en Tunisie. La guerre civile syrienne éclate et dure depuis. Elle a fait 500 000 morts. La moitié de la population syrienne a été déplacée pendant le conflit, et cinq à six millions de Syriens ont fui le pays, soit le quart de la population. Les mouvements djihadistes s’internationalisent et comptent dans leurs rangs des centaines de milliers de terroristes étrangers. Ils sont soutenus par les pays du Golfe et l'Occident, et particulièrement par l'Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar et les États-Unis. On retrouve les mêmes acteurs de la guerre contre les russes en Afghanistan.

En 2015, plusieurs attaques terroristes sont perpétrées en région parisienne : les attentats de janvier 2015 en France visant la rédaction du journal satirique de Charlie Hebdo, les attentats du 13 novembre 2015 en France faisant au total 130 morts à la terrasse de plusieurs brasseries, dans la salle de spectacle du Bataclan et au Stade de France et celle de Nice le 14 juillet qui a fait 85 morts..

Le terrorisme en Tunisie

La Tunisie est considérée comme une source disproportionnée de recrues pour les causes islamistes radicales. Malgré une population relativement faible de 11 millions d'habitants, les Tunisiens sont étrangement très représentés chez les combattants de Daech en Syrie et en Libye. Selon de récentes estimations, 5000 Tunisiens auraient rejoint la cause  qui fait de la Tunisie le premier exportateur de terroristes.

Environ 40% sont diplômés du supérieur ou ont un niveau universitaire, 33% ont un niveau secondaire, 13% ont suivi une formation professionnelle et 4% sont des bacheliers. Plus de la moitié d’eux ont entre 25 et 34 ans, endoctrinés dans des mosquées ou via les réseaux sociaux.  Quant aux sept régions ayant compté le plus de terroristes entre 2011 et 2015, il s’agit de Tunis, Sidi Bouzid, Ariana, Jendouba, Kasserine, Médenine et Bizerte.

En juillet 2013, quinze soldats sont tués dans un assaut « terroriste » à l’heure de la rupture du jeûne pendant le ramadan, sur le mont Chaambi. C’est l’attaque la plus meurtrière de l’histoire de l’armée.

Le 6 février 2013, assassinat de l’opposant démocrate Chokri Belaïd, figure de l’opposition de gauche, il est abattu alors qu’il sortait de son domicile. Le crime provoque une profonde crise politique et la chute du gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda.

Le 25 juillet 2013, Mohamed Brahmi, député de l’opposition anti-islamiste, est assassiné deavant chez lui.

Le 18 mars 2014, un attentat, revendiqué par Daech, contre le Musée du Bardo, à Tunis, provoque la mort de vingt et un touristes étrangers et d’un policier tunisien. L’attaque est la première à toucher des étrangers en Tunisie depuis 2002.

En juin 2015, un attentat contre l’hôtel Riu Imperial Marhaba, à Port El-Kantaoui, près de Sousse, à 140 km au sud de Tunis, fait trente-huit morts, dont un grand nombre de Britanniques. L’attentat, le plus grave de l’histoire récente de la Tunisie.

En Mars 2016 à Ben Gerdane à quelques kilomètres de la frontière libyenne, un groupe de terroristes a lancé des attaques simultanées contre une caserne de l'armée, un poste de police et de gendarmerie. Les forces de l’armée et de la police militaires vont mettre plusieurs heures avant de reprendre le contrôle de la situation.

La Troïka et "l’essor" du terrorisme

La défunte troïka fut un gouvernement de coalition entre le parti islamiste Ennahdha et deux partis supposés modernistes le CPR et Ettakatol. Pendant les années de ce gouvernement, l’essor du terrorisme en Tunisie a été encouragé et amplifié. Il s’est manifesté par la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie. Le président provisoire Moncef Marzouki a même organisé une conférence des « amis de la Syrie » pour lever des fonds en faveur des groupes armés terroristes qui œuvraient en Syrie. Les mosquées occupées par les salafistes se sont transformées en un lieu de recrutement des jeunes hommes et femmes envoyées au front avec l’aide bienveillante du frère Musulman Recep Tayyip Erdoğan le Premier ministre de turc.

Le retour des terroristes et ce que prévoit la loi

Ce retour a de quoi inquiéter la population tunisienne. Sur le plan sécuritaire la situation sera explosive et sur le plan politique, il sera intéressant de connaitre la position d’Ennahda qui a encouragé ce phénomène de départ et qui est au pouvoir aujourd’hui.

Le retour à la patrie est un droit constitutionnel. D’après l’article 25 de la Constitution tunisienne, « aucun citoyen ne peut être déchu de la nationalité tunisienne, ni être exilé ou extradé, ni empêché de revenir dans son pays ». Mais ce droit inquiète une grande partie de la population tunisienne, laquelle demande des « précautions ultra-sévères ».

Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a assuré que toutes les dispositions sécuritaires et politiques ont été prises sur le sujet, conformément à l’article 33 de la loi fondamentale numéro 26 de l’année 2016, stipulant que toute personne ayant commis un crime terroriste sera emprisonnée.

« Nous n’empêcherons aucun tunisien de revenir à son pays. C’est un principe constitutionnel. Néanmoins, les dispositions nécessaires seront prises, selon les exigences de la situation actuelle. Ils sont les bienvenus, mais qu’ils sachent que lorsqu’ils seront de retour, ils seront considérés en fonction des actes qu’ils ont commis. Je refuse catégoriquement de gracier les terroristes tunisiens qui combattent auprès des organisations terroristes dans les zones de tension, comme je refuse également ce qu’on appelle la « loi du repentir. On ne pardonne pas à celui qui a sorti les armes pour tuer les innocents. Il faut appliquer la loi de façon ferme. » a déclaré Béji Caïd Essebsi.

« Les auteurs des infractions terroristes prévues par la présente loi doivent être placés sous surveillance administrative pour une période minimum de trois ans, sans, toutefois, excéder une durée de dix ans », prévoit l’article 6 de cette loi.

Le tribunal pourra néanmoins « placer le prévenu sous surveillance administrative ou lui interdire de séjourner dans des lieux déterminés » pour une période de deux à cinq ans. Selon les cas et le degré d’implication dans des actes terroristes, les peines encourues comprennent l’emprisonnement (à vie ou pour une période déterminée), des amendes, ou encore la peine de mort.

La loi sur la lutte contre le terrorisme, en son article 79, précise par ailleurs que le tribunal de première instance de Tunis est compétent pour connaître des infractions terroristes commises hors du territoire national si « elles sont commises par un citoyen tunisien ; si la victime est de nationalité tunisienne ou si elles sont commises contre des intérêts tunisiens ; si elles sont commises contre des étrangers ou des intérêts étrangers, par un étranger ou un apatride résidant habituellement sur le territoire tunisien ou par un étranger ou un apatride se trouvant sur le territoire national dont l’extradition n’a pas été demandée par les autorités étrangères compétentes (…). »

Que faire?

La question brûlante de la réintégration des anciens terroristes qui ont quitté la Tunisie pour combattre sous de meilleurs cieux djihadistes ne semble toujours pas trouver de réponse. Quelle réinsertion pour ces gens le jour où ils décideront de revenir au bercail.  Un véritable dilemme pour l’Etat tunisien.

La radicalisation est définie comme le processus qui conduit un individu à rompre avec la société dans laquelle il vit pour se tourner vers une idéologie violente, en l’occurrence le djihadisme. La prévention regroupe un ensemble de mesures, concernant des domaines sociétaux variés, visant à empêcher la radicalisation. La déradicalisation vise à « défaire » le processus de radicalisation et à encourager la réintégration des individus concernés dans la société. Dans d’autres contextes, on emploie également le terme de « réhabilitation ». L’ensemble des mesures de prévention et de déradicalisation est souvent désigné par le terme de « contre-radicalisation ».

Face à un processus aussi complexe, on ne peut concevoir de recette miracle pour prévenir la radicalisation ou déradicaliser. Il y a  une multitude de profils des radicalisés, et il ne peut donc y avoir une seule et unique réponse.

Certains radicalisés doivent être traités en milieu ouvert, d’autres dans un centre de déradicalisation tourné vers la réinsertion, et les plus dangereux en prison.

Toutes les initiatives analysées montrent néanmoins que prévention et déradicalisation nécessitent tout d’abord une forte volonté politique et doivent s’inscrire dans la durée. Elles exigent également des moyens pour mener un travail individualisé. On doit s’inspirer de ce que se fait au Danemark, en Allemagne, en Grande Bretagne et dernièrement en France sur ce sujet. Il faut demander de l’aide à L’ONU qui a de l’expérience en mettant en œuvre ce  processus en l’appliquant aux rebelles en Afrique et en Asie. La déradicalisation marchera sur certains individus et échouera sur d'autres. Elle est néanmoins utile tout en étant très prudent. C'est un processus qui prendra plusieurs années.

Le ministre de l’intérieur, Hédi Majdoub a averti à l’occasion de l’ouverture du congrès de chefs de police et de la sécurité arabes à Tunis, de la gravité de la situation qui résultera du retour des djihadistes tunisiens des foyers de tension. La Tunisie est aujourd’hui confrontée à ce problème vital pour la réussite de la transition démocratique en cours. Il est urgent de le prendre au sérieux et d’élaborer le plan adéquat pour épargner le pays des conséquences mortelles. L’improvisation n’est pas permise.

Au travail avant que nous soyons emportés complétement par cette arrivage massif annoncé. Là où il y a une volonté, il y a un chemin !

A.K

 

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