A Sfax, Youssef Chahed a-t-il placé la barre très haut?

A Sfax, Youssef Chahed a-t-il placé la barre très haut?

 

La contestation reprend de plus belle à Tataouine et l’effervescence  risque d’embraser d’autres régions. En cause, une mauvaise gestion de la situation dans les régions et une communication gouvernementale défaillante. En choisissant d’aller d’abord à Sfax, région perçue dans l’imaginaire collectif comme une région prospère et de lui  offrir une quarantaine de  mesures dont certaines n’ont fait l’objet d’aucune revendication, le Chef du gouvernement Youssef Chahed a non seulement placé la barre trop haute pour lui-même, mais il a semblé montrer du mépris  pour le  gouvernorat de Tataouine et les revendications de sa population.

Celui qui lui a conseillé de dire que Sfax est un gouvernorat sinistré comme d’autres, même si cela est bien vrai, l’a mis dans une situation inconfortable dont il doit savoir en sortir. Dire aussi que certains projets ont été retenus même s’ils n’étaient pas inscrits dans le plan de développement est une monumentale erreur.  A quoi sert donc un plan qui vient tout juste d’être approuvé. Puis le chef du gouvernement se contredit puisque dans sa récente interview radio-télévisée il a bien dit que le plan n’a retenu que des projets de 45000 millions de dinars sur un total de 75000 millions de dinars de projets proposés et que les autres doivent attendre leur tour.  Cherchez l’erreur.

Par amour propre ou pour montrer qu’il ne se soumet pas aux pressions, Youssef Chahed a choisi d’entamer sa tournée régionale par un autre gouvernorat que Tataouine.  La démarche peut se comprendre, et même se justifier.  Mais il aurait dû commencer par un des gouvernorats dits marginalisés par exemple  Sidi Bouzid, Kasserine ou Siliana. La hiérarchie des priorités aurait été respectée.

Quand bien même tous les projets annoncés à Sfax sont justifiés, les donner sur un plateau est une démarche qui laisse à penser que le Chef de gouvernement dispose de moyens qui dépassent les possibilités du pays. En tout cas, il semble détenir une baguette magique et c’est du point de vue de la marge de manœuvre dont il dispose inapproprié sinon contre-productif. Donner beaucoup de choses en même temps dans des domaines différents,  c’est brouiller l’image et dépasser la capacité des médias à les porter à la connaissance du public. Le trop plein est l’ennemi d’une bonne communication. Car il ne faut pas oublier qu’à Sfax on s’adresse aussi à tout le pays. Le stade de la saturation est tout de suite atteint de sorte qu’on arrive mal à se rappeler quelques jours après la visite de ce qui a été décidé là-bas.

On dit et on répète que les caisses sont vides et que la situation des finances publiques est catastrophique. Le gouvernant avisé est celui qui sait faire un partage égalitaire et parcimonieux des moyens dont il dispose en mettant une hiérarchie des besoins et un classement des priorités. Expliquer et convaincre sont plus importants que de donner et offrir. On n’a pas vu ou si peu d’efforts de pédagogie à Sfax. C’est le souci de s’afficher et de donner l’impression d’être capable de tout y compris de l’impossible qui a pris le dessus. Entre l’arrogance du pouvoir et l’humilité du vouloir, le choix n’était pas du bon côté.

Alors que la visite de Sfax était un baromètre de la capacité de l’Etat à répondre aux revendications des régions, elle s’est transformée en une  démonstration de  la capacité du chef du gouvernement  à tout donner tout de suite. A-t-il les moyens de faire la même chose partout où il devra aller maintenant. On va désormais l’attendre au tournant. Les faux pas ne lui seront plus pardonnés. S’il a pu faire des choses à Sfax comment lui trouver des excuses quand il s’agit d’autres régions encore plus démunies.

A Sfax Youssef Chahed a dit que la quarantaine de décisions annoncée à Sfax ont pour objectif de donner confiance et espoir, il lui revient maintenant de répéter l’exercice dans les 23 autres gouvernorats. En a-t-il les capacités et les moyens ?

RBR  

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