Tunisia 2020 : mission accomplie, mais l’après-Conférence est plus cruciale

Tunisia 2020 : mission accomplie, mais l’après-Conférence est plus cruciale

 

Lorsque tout au monde s’est mis debout au palais des congrès qui a fait salle comble pour saluer l’hymne national « Houmet el-Houma » en ce mardi 29 novembre à l’ouverture de la Conférence internationale de l’investissement « Tunisia 2020 », l’émotion était grande de voir la Tunisie ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. Sans se laisser aller à l’excès, ce jour n’est pas loin d’égaler le 14 janvier 2011, lorsque les Tunisiens se sont libérés du joug de l’autoritarisme et de la dictature.

On ne peut qu’être empli de fierté de voir et d’entendre les témoignages positifs des représentants des pays frères et amis et des grandes institutions internationales envers notre pays. L’image que la Tunisie donne d’elle-même à l’extérieur est bien meilleure que celle perçue de l’intérieur. Non que les autres ne sont pas conscients des difficultés ressenties par les Tunisiens, mais parce que surtout que ceux-ci qui veulent toujours plus et ne sont à même de mesurer le chemin parcouru. Quand bien même ils résument ça en ce mot rempli de sens : « Où nous en étions et où nous en sommes », rien ne peut encore les satisfaire totalement.

En citant Saint Thomas d’Aquin qui disait : « Il faut un minimum de confort pour pratiquer la vertu », qu’il a traduit en termes modernes : « Il faut un minimum de prospérité pour exercer la démocratie », le président Béji Caïd Essebsi a résumé l’objet de cette conférence. Après avoir construit une démocratie naissante, les Tunisiens ont besoin de ressentir dans leur vie de tous les jours les bienfaits de cette mutation. Sinon la nostalgie du passé reprend son cours et c’en est fini de la démocratie.

On a beaucoup glosé sur l’opportunité de maintenir cette conférence à la date prévue, au vu des défis internes et externes qui se présentaient et qui auraient pu la déplacer à de meilleures dates. Mais on se rend compte qu’il n’y a de meilleur moment que celui où le pari est tellement difficile qu’il n’y a d’autre alternative que de le gagner.

Au lendemain de la Conférence il y aura infiniment de choses qui auront changé qu’on rendra grâce à ceux qui ont tenu à ce qu’elle ait lieu à la date convenue. Au premier rang, le président de la république qui en fait une question prioritaire de son agenda et qui a impulsé toutes les instances de l’Etat pour qu’elles soient au rendez-vous. Il a trouvé en son jeune chef du gouvernement Youssef Chahed, le bulldozer qui a aplani toutes les difficultés pour qu’aucun obstacle ne vienne perturber la belle mécanique mise en place.

Les ministres concernés n’ont épargné aucun effort pour que cet événement majeur tienne ses promesses. Une mention spéciale à la diplomatie tunisienne qui a fait un travail formidable pour promouvoir ce rendez vous crucial auprès des pays frères et amis. Tels des soldats de l’ombre nos diplomates partout dans le monde se sont démenés sans compter pour que la représentation à cette conférence soit plus qu’honorable. Ne l’oublions pas, quelques 80 pays, une multitude d’institutions internationales, régionales et nationales ainsi que de grands groupes et des investisseurs de renom étaient présents à Tunis.

Des esprits chagrins ne manqueront pas de relever que la Conférence n’avait enregistré que des promesses qui ne valent que pour ceux qui veulent bien y croire et que la concrétisation sera bien au dessous des engagements pris. D’autres diront que même les sommes promises ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui a été effectivement versé à des pays comme la Grèce ou encore Chypre qui sont de la taille de la Tunisie ou d’une taille moindre. D’autres enfin avanceront qu’une partie de l’argent promis a été déjà consommé ou est en train de l’être.

Nonobstant ces remarques la conférence Tunisia 2020 a remis la Tunisie à sa place comme une destination de l’investissement intérieur ou extérieur. Elle a créé une dynamique qu’il faut maintenant chevaucher pour impulser l’économie du pays. Plus que des chiffres à additionner il y a désormais un horizon dégagé devant l’entreprenariat et la création des richesses qui eux ouvrent la voie à la croissance donc à l’emploi, au développement et à la prospérité.

L’un des commissaires Mourad Fradi disait qu’au lendemain de la conférence, il reviendrait à sa vie ordinaire comme si de rien n’était. C’est le plus mauvais service qu’il peut rendre. Car l’après-Conférence est aussi importante sinon plus importante que sa préparation et son déroulement. Il faut d’abord se soucier que tout cet argent promis rentre effectivement. Il importe que la dynamique ainsi obtenue ne soit pas rompue. Je ne sais pas s’il y a lieu d’instituer un organisme à cet effet ou s’il faut confier le suivi à une cellule placée sous l’autorité directe du Chef du gouvernement même si la seconde hypothèse me paraît meilleure, car moins lourde. En tout cas, il est primordial que cette conférence soit documentée.

Dans le même temps, il importe d’améliorer le climat des affaires. L’administration doit être un moteur pour l’impulsion de l’investissement et non une entrave à son développement. Des réformes allant dans le sens de la simplification des procédures et de formalités doivent être entreprises au plus vite. Parmi les idées avancées au cours de la conférence deux paraissent importantes et opportunes. La première c’est la création ou mieux la re-création du Conseil économique et Social qui regroupe les compétences nationales en la matière et qui peut aider le gouvernement et la représentation nationale, l’ARP à étudier au préalable les textes à caractère économique et social. La seconde c’est la mise en place d’un organisme national chargé de l’image à la Tunisie à l’extérieur. Une sorte d’Agence de communication extérieure mais débarrassée des scories de l’ex-ATCE. La Tunisie jouit d’une belle image à l’étranger et il faut tout mettre en œuvre pour faire bénéficier le pays des retombées de cette image positive. Le tourisme comme l’investissement ainsi que les produits tunisiens ne peuvent que profiter de l’action ainsi entreprise pour entretenir voire améliorer cette image.

On a dit à juste titre qu’il y a un avant et un après 29 novembre 2016. Il est nécessaire de réussir l’un et l’autre. L’après-Conférence est encore plus cruciale. Il faut s’y atteler de suite.

Raouf Ben Rejeb

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