Tunisie: Ces ambitions croisées qui ont détruit Nidaa Tounes

Tunisie: Ces ambitions croisées qui ont détruit  Nidaa Tounes

 

La guerre des clans et des ambtions continue de miner  Nidaa Tounes et toutes les tentatives pour sauver ce qui reste d’un parti en pleine décomposition, ont été vouées à l’échec.  Annoncé comme étant un congrès consensuel, le congrès de Sousse organisé au mois de janvier 2016 a fini par consacrer la rupture définitive entre les parties rivales et fractionner la direction qui en est issue. Cette «épuration ethnique », pour reprendre les propos de Boujemaa Remili, a  précipité la scission du mouvement avec la formation d’un nouveau parti, « Mouvement Mashrou3 Tounes », autour de l’ancien secrétaire général Mohsen Marzouk et la constitution d’un nouveau groupe parlementaire, « Al Horra »,  formé des démissionnaires du groupe « mère ». Depuis, les coalitions se font et se défont au grès de humeurs des uns et des autres et c’est le puissant directeur exécutif et représentant légal du parti Hafedh Caid Essebsi  qui, en s’emparant  du parti, conduit cette broyeuse qui détruit tout sur son chemin. Ridha Belhaj, l’ancien directeur du cabinet présidentiel et membre fondateur du parti et éphémère président de l’instance politique issue du congrès de Sousse dont il était l’architecte a fini par abdiquer. A son tour, le président du groupe parlementaire Soufien Toubal, « accusé de corruption » risque de payer cher sa témérité et de  se faire évincer de la présidence du groupe.

Depuis sa création en juin 2012, Nidaa Tounes contenait en son sein les symptômes de la division.  Et si son président fondateur Béji Caid Essebsi a réussi, tant bien que mal, à contenir les velléités scissionnistes, le spectre de la division a éclaté au grand jour après son élection à la présidence de la République. Le  linge sale s’est alors trouvé étalé au grand public, à travers des médias à l'affût. « Le fracas des destins personnels » a fini par ruiner les objectifs d’un parti qui a soulevé beaucoup d’espoir chez les Tunisiens, mais qui a fini par les désenchanter.

Tout a commencé lors de cette fameuse réunion de Djerba, le 18 octobre 2015. Convoquée par Hafedh Caid Essebsi qui présidait alors la commission des structures, elle a provoqué une blessure béante dans le corps du parti dont il ne guérira pas.  Tout ceux qui l’ont boycottée dont le président intérimaire Mohamed Ennaceur,  ont  été tout simplement écartés. Il en est de même pour la plupart des membres fondateurs qui se sont trouvés éjectés d’un mouvement qu’ils ont contribué à en faire la première force politique du pays, comme de vulgaires intrus. Le coup fatal fut donné dimanche 1er novembre 2015 à Hammamet où les militants du parti, munis de bâtons et de gourdins, se sont livrés à une bataille rangée. Les images transmises par les chaînes de télévision et partagées sur les réseaux sociaux ont fini par discréditer le parti et ses dirigeants, malgré les initiatives  du président de la République et d‘autres responsables du parti.

Pour anticiper la réunion convoquée pour ce lundi 19 septembre par certains dirigeants du parti dont notamment Boujemaa Remili, Ridha Belhaj ,  Naceur Chouekh, Faouzi Elloumi, Khemaies Ksila, Faouzi Maaoui  et Moncef Sellami, Hafedh Caid Essebsi a réuni dimanche 18 du mois, les parlementaires en présence de membres du gouvernement  pour proposer la désignation du chef du gouvernement Youssef Chahed à la tête de l’instance politique et l’intégration de tous le membres du gouvernement et les membres du comité fondateur. Une manière de couper l’herbe sous les pieds de ses adversaires qui appellent à la suppression pure et simple de la direction exécutive détenue depuis le congrès de  Sousse par Essebsi Junior et à un nouveau partage des responsabilités.  Ces propositions qualifiée par Faouzi Elloumi de « tentative de «coup d’état », vont approfondir le fossé entre les clans rivaux.  Tout comme l’appel à l’élection d’un nouveau président du groupe parlementaire à la place de Soufien Toubal  mis sous pression par les proches de Hafedh Caid Essebsi.

Aujourd'hui, on est en face de trois ambitions croisées, celles de Hafedh Caïd Essebsi qui se prévaut de la « légitimité » du congrès de Sousse.  Celle de Ridha Belhaj qui, en sa qualité de membre fondateur,  revendique  son droit de conduire le parti.  Et enfin celle de Soufien Toubal qui soutient la prééminence du groupe parlementaire sur toutes les structures du parti. Chacun affûte ses armes, peaufine ses plans et rassemble autour de lui. Et chacun avance ses arguments pour mettre son adversaire en difficulté. Tout un symbole. Les trois dirigeants présents à la signature du « Pacte de Carthage » sont allés chacun de son côté. Hafedh Caid Essbsi continue à asseoir son leadership sur le parti. Soufien Toubal vit sous la menace d’accusations et d’éviction de la présidence du groupe parlementaire et Moncef Sellami a rejoint Ridha Belhaj et Boujemaa Remili.

La crise de Nidaa Tounes a ébranlé la scène politique nationale, fragilisé les équilibres au sein de l’Assemblée des représentants du peuple et ouvert la voie à une nouvelle recomposition dont les contours sont encore flous. Le parti a perdu son statut de premier groupe parlementaire au profit de son ancien rival devenu partenaire, le mouvement Ennahdha qui, après avoir organisé son congrès, se prépare pour les prochaines échéances et entretient l’espoir de reprendre le pouvoir. La crise interne  de Nidaa a impacté le gouvernement Essid qui a finit par se faire désavouer par l’ARP et elle risque de fragiliser l’action de son successeur Youssef Chahed qui se trouve coopté à la tête de l’instance politique. Un choix fortement contesté. La « transition tunisienne, célébrée avec emphase à l’étranger »  a subi les contre coups de cette crise. Les partenaires étrangers de la Tunisie  qui suivent de très près l’évolution de la situation au sein de Nidaa Tounes  s’inquiètent de l’absence d’une réelle  volonté de sauver le parti de sa dérive. Les conséquences de cette situation sur la stabilité du pays et sur la politique destinée à attirer les investissements  n’en seraient que graves.

Le pays saigne et on n’entend pas un véritable cri de cœur et on ne voit pas la moindre initiative sincère pour panser ses plaies. Le parti censé être aux commandes de l’Etat se bat dans une guerre larvée qui n’en finit pas de jeter tout son ombre sur l’ensemble du pays et tout le monde feint de l’ignorer. Son émiettement ne profite  guère au pays mais plutôt à ses adversaires dont notamment son principal rival nahdhaoui à qui il est en train d'offrir  une chance inouïe pour tout récupérer.

« En politique toute faute est un crime » disait un écrivain français. Et tout crime est passible d'une sanction. Celle des urnes, dans le cas d'espèces.

 B.O

 

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