Tunisie: Difficile d’avoir un statut social quand on est noir !

Tunisie: Difficile d’avoir un statut social quand on est noir !

“Le racisme est un comportement qui constitue à se méfier, et même mépriser, des personnes ayant des caractéristiques physiques et culturelles différentes de nôtres.” Tahar Ben Jelloun

La Tunisie fut l'un des premiers pays de la région à abolir l'esclavage, dès 1846 par le monarque Ahmed Bey 1er, et ce après avoir interdit la vente des esclaves sur les marchés de la Régence le 6 septembre 1841, puis en décidant en décembre 1842 que les enfants d’esclaves nés dans la Régence de Tunisie après cette date seront libres, ne doit plus accepter le retour d’aucune forme de la traite des Africains et des noirs particulièrement.
Par le monarque Ahmed Bey 1er, et ce après avoir interdit la vente des esclaves sur les marchés de la Régence le 6 septembre 1841, puis en décidant en décembre 1842 que les enfants d’esclaves nés dans la Régence de Tunisie après cette date seront libres, ne doit plus accepter le retour d’aucune forme de la traite des Africains et des noirs particulièrement.

Il n'y a aucune donnée statistique officielle, mais les Noirs représenteraient aujourd'hui entre 10 et 15% de la population. Absents des médias, des postes à responsabilités, dans l'économie et en politique, largement sous-représentées dans le milieu de l'art, les Noirs tunisiens sont presque invisibles. La majorité habite dans des régions marginalisées et sous-développées et appartient aux couches les plus pauvres. Absents des médias, des postes à responsabilités, dans l'économie et en politique, largement sous-représentées dans le milieu de l'art, les Noirs tunisiens sont presque invisibles. La majorité habite dans des régions marginalisées et sous-développées et appartient aux couches les plus pauvres. Une partie des Noirs du pays est issue de ces populations affranchies il y a 175 ans, mais dont on ne raconte jamais l'histoire. Les Noirs sont particulièrement nombreux dans le sud, où l'esclavage dura le plus longtemps et où son influence reste la plus visible, notamment au travers de son lexique stigmatisant toujours employé aujourd'hui.

Le racisme, l'un des fléaux les plus néfastes et les plus persistants, représente l'un des principaux obstacles à la paix. Sa pratique constitue une violation si scandaleuse de la dignité de l'être humain qu'elle ne peut être justifiée sous aucun prétexte. Le racisme retarde le développement du potentiel illimité de ses victimes, corrompt ceux qui le pratiquent et ruine les espoirs de progrès humain. L'unité de la race humaine doit être reconnue universellement et mise en œuvre par des mesures juridiques appropriées si l'on veut surmonter ce problème.

Le racisme bien ancré dans le génome du tunisien

En Tunisie, la peau noire est toujours un facteur de discriminations. «Oussif», «abid» , «kahlouch», équivalent de noirauds, d’esclaves et de nègres, ne choquent pas forcément et font même partie du langage populaire.

L'humiliation ne s'arrête pas là. Dans certaines mairies de Djerba est encore mentionné sur les extraits de naissance des descendantes d'esclaves le mot «atig» qui signifie «affranchi par». Djerba, où est encore appliquée de manière traditionnelle une ségrégation raciale, jusque dans la mort. Sur l'île subsiste «le cimetière des esclaves», lieu d'inhumation réservé aux Noirs tunisiens. Ce fléau est la chose la mieux partagée dans le monde arabe même s'il est entouré d'une conspiration du silence.

Le racisme est toujours là depuis 175 ans ? Oui.

En tant que musulman, le Tunisien se dit qu'il ne peut pas être raciste puisque l'islam l'interdit. Mais malheureusement le dire et le faire ne vont pas ensemble. C'est le paradoxe d'une société qui se cherche. Est-ce qu'aujourd'hui les parents acceptent que leur fille de peau blanche se marie avec un noir ? Je ne suis pas sûr. Est-ce que quand le noir se présente aujourd'hui pour louer une maison, on le regarde droit dans les yeux et on lui dit “non je ne loue pas”. Dans les stades, les traitements infligés aux sportifs noirs est inqualifiable. Dans certains quartiers de Tunis, la communauté subsaharienne vit la peur au ventre. Les agressions à connotation raciste se sont multipliées ces dernières années.

Tunisiens ou étrangers, les Noir sont toujours considérés comme étant à part, «repérables à des caractéristiques ethniques et socioculturelles présumées distinctes. Triste réalité !

Une loi contre la discrimination raciale

La Tunisie s'est dotée en 2018 d'une loi relative à l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. « L'incitation à la haine », les « menaces racistes », la « diffusion » et « l'apologie du racisme » ainsi que la « création » ou la « participation à une organisation soutenant de façon claire et répétitive les discriminations » sont passibles de un à trois ans de prison, et jusqu'à 3 000 dinars (1 000 euros) d'amende. Avoir une loi est une chose, mettre en place le cadre de son application en est une autre.

Au-delà de l’aspect punitif, les organisations de la société civile espèrent également pouvoir lutter contre le racisme en profondeur, en incluant les principes de tolérance et de différence dans les manuels scolaires et en développant de véritables politiques de sensibilisation au sein des institutions publiques et, plus largement, du grand public. Les associations vont continuer à se mobiliser pour améliorer cette loi : pour protéger l’ensemble des victimes et pas seulement les Tunisiens (notamment les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne), et pour y inclure la violence physique, tout en garantissant un meilleur accès à la justice.

Difficile d’avoir un statut social quand on est noir !

Printemps 2018, en Tunisie, c’est le sujet dont tout le monde parle. Cette communauté pourtant parfaitement intégrée, fière de sa tunisianité est totalement invisible dans la haute administration, les feuilletons, les spots publicitaires, les journaux télévisés comme si on avait honte d’eux. L’apparition récente d’un présentateur noir de la météo a fait le buzz sur les réseaux sociaux comme s’il s’agissait d’un évènement marquant.

Les gens ne peuvent pas imaginer que les Noirs puissent avoir un statut social aussi élevé. Ainsi on a vu pour la première fois depuis l’indépendance en 1956 la désignation d'un ministre noir désigné dans le gouvernement Jemli qui a été recalé dernièrement à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).

Saadia Mosbah, présidente de l'association anti-raciste Mnemty déclarait lors de la campagne de la présidentielle de 2019 "Nous n'avons pas constaté de volonté politique lors des dernières élections, personne n'a parlé du racisme."

L’égalité entre les citoyens est un combat permanent. Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. Appliquons la loi et menons une vraie éducation populaire sur le sujet à tous les niveaux.

Abdessatar Klai

23/01/2021

 

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