Tunisie : Le libéralisme leur horizon, la misère notre quotidien !

Tunisie : Le libéralisme leur horizon, la misère notre quotidien !

 

Dans la société ultra-libérale, les gens ne se demandent plus comment ils vont mais : "- Combien tu vas ?

Le projet global du libéralisme, mis en œuvre à partir des années 80, consiste à transformer la société pour qu'elle réponde pleinement aux exigences du capitalisme :

·         libre circulation des capitaux,

·         mise en concurrence des travailleurs et nivellement par le bas des salaires et des droits sociaux,

·         suppression de services publics,

·         suprématie absolue de l'économie.

On appelle sou­vent « libé­raux » ceux qui sont en fait des par­ti­sans du « libé­ra­lisme écono­mique ». Ils se disent par­ti­sans de la liberté. Mais en pra­tique, on constate qu’ils laissent tota­le­ment de côté « la libé­ra­tion à l’égard de la misère, contenu concret de toute liberté ».

Les néolibéraux ont bien compris tout l'intérêt qu'ils avaient à abandonner le terme de "capitalisme" pour lui substituer celui de "libéralisme". Il est plus doux de se qualifier de "libéral", et de revendiquer abusivement les luttes émancipatrices liées au libéralisme philosophique des Lumières, que de se proclamer "capitaliste" et d'endosser toutes les horreurs et les collaborations aux pires totalitarismes de ce système. En jouant sur la perception des mots, les néolibéraux amalgament la tyrannie de l'argent et la liberté."

Le libéralisme est devenu le fondement des grandes instances mondiales, comme l'OMC ou le FMI qui par leur supranationalité échappe à toute légitimité démocratique. Il est le seul modèle enseigné dans les grandes écoles où aucune autre vision n'est étudiée. Il est la seule logique des grandes entreprises et du capitalisme et tend à devenir la seule référence des gouvernements, de droite comme de gauche.

Présenté comme loi naturelle, le libéralisme devient alors intouchable, ce qui lui permet d'échapper aux aléas électoraux du jeu démocratique.

La perspective de déréglementation et l’austérité restent présentées dernièrement par le nouveau gouvernement comme la seule envisageable en Tunisie et pour sortir de la crise. Une offensive se développe sous les promoteurs du libéralisme où le marché est roi pour l’ouverture du capital de la STEG, de la SONEDE et de la Compagnie des phosphates de Gafsa qui met ainsi leur avenir en cause. Au-delà, elle menace tout le service public et vise à empêcher toute construction de perspective alternative à la transformation du monde en marchandise.

Libéralisation, privatisation, « casse » du régime de retraites et des acquis sociaux constituent les  quatre volets d’une seule et même politique : une politique libérale répondant au dogme du laisser-faire du marché, de la concurrence libre et non faussée avec un gouvernement qui ne régule rien et qui se trouve neutralisé de toute décision, soumis aux diktats de la Banque mondiale, FMI et créanciers qui visent à démanteler les services public de l’électricité, du gaz, de l’eau, de la Compagnie des phosphates de Gafsa et aussi à réduire le champ de l’intervention publique au détriment de l’intérêt général.

L’introduction du capital privé, l’emprise des marchés boursiers, conduirait de facto à faire prévaloir les exigences de rentabilité financière. Or, l'expérience l'atteste, celles-ci s’avèrent incompatibles avec les besoins des populations. On socialise les pertes et on privatise les intérêts.

Consommateurs, salariés, citoyens tous perdants !

Partout ces politiques ont les mêmes conséquences : exclusion des populations non-solvables, dégradation de la qualité du service, souffrance des salariés, précarisation, réduction de l’emploi et augmentation exponentielles des chômeurs. La logique du profit et de la rentabilité l’emporte sur la solidarité et la démocratie recule avec des citoyens qui ne croient plus dans le politique et se réfugient dans le premier parti celui de l’abstention. Car l’ouverture du capital, nouvelle étape dans la « normalisation » d’entreprises et d’institutions, représente bien davantage qu’une simple option économique: elle entend discréditer toute logique de solidarité et de partage – à la base du service public – et toute possibilité d'alternative au libéralisme.

Parce que la privatisation de biens publics essentiels au développement humain hypothèque l’avenir de la planète et de l’humanité, les citoyens de plus en plus nombreux, en Tunisie et ailleurs dans le monde, prennent conscience de la nuisance de ces privatisations. L’attachement aux services et aux entreprises publiques, traduit le caractère singulier de l’eau, de la santé, de l’éducation, du logement, de la culture, etc. Leur accès est vital, et s'inscrit dans les droits universels qui doivent être garanti à chaque être humain.

Pour satisfaire ces droits, pour assurer l’avenir des services et des entreprises publiques, le renforcement de la démocratie et la promotion de l’intervention des populations sont nécessaires.

Ces questions constituent un véritable enjeu de société. Elles ne peuvent être traitées en catimini, sans réel débat démocratique. Ainsi il faut prendre appui sur l'existence d’une société civile éclairée et d'un mouvement social appuyé par l’UGTT pour traduire en débouchés politiques les aspirations et les revendications qu'il exprime.

C’est pourquoi que la grande majorité des tunisiens s’oppose à toute ouverture du capital de la STEG et de la SONEDE qui fait peser de lourdes menaces sur l’approvisionnement énergétique, en eau, la qualité des services rendus, la sécurité des Tunisiens, et constitue une privatisation rampante de ces entreprises vendues aux capitaux étrangers.

Je conclus cette chronique par une citation de Pierre Bourdieu

« Ce qui est en jeu, aujourd'hui, c'est la reconquête de la démocratie contre la technocratie : il faut en finir avec la tyrannie des "experts", style Banque mondiale ou F.M.I., qui imposent sans discussion les verdicts du nouveau Léviathan (les "marchés financiers", et qui n'entendent pas négocier mais "expliquer" ; il faut rompre avec la nouvelle foi en l'inévitabilité historique que professent les théoriciens du libéralisme ; il faut inventer les nouvelles formes d'un travail politique collectif capable de prendre acte des nécessités, économiques notamment (ce peut être la tâche des experts , mais pour les combattre et, le cas échéant, les neutraliser."

Abdessatar Klai

22/09/2016

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