Tunisie: témoignage au sujet de la violence policière

Lundi 9 avril 2011, je me suis rendu à l'avenue Mohamed V pour me joindre à la manifestation organisée à l'occasion de la fête des martyrs.

La foule composée d'environs 2000 à 3000 personnes, hommes, femmes et enfants, munis du drapeau tunisien, s'est dirigée vers la place du 14 janvier en scandant des chants patriotiques et ce dans une ambiance bon enfant. Rien ne laissait présager que la manifestation allait susciter une répression policière d'une rare violence.

J'ai croisé certaines personnalités politiques telles que Khemaies Ksila et Emna Mnif.|

La manifestation a été stoppée par un cordon policier placé juste à hauteur de l'ancien siège du RCD (quelle coïncidence!)

La foule continue à crier et à chanter, sans manifester une agressivité envers les agents de l'ordre.

Soudain, piqués par je ne sais quelle mouche, puisque même les petites provocations auxquelles j’ai assisté, étaient insignifiantes, les forces de police se mettent à lancer des bombes lacrymogènes en direction des manifestants pour les empêcher d’atteindre l’avenue Habib Bourguiba.

J'ai la chance de me trouver à l'extrémité droite du cortège, en courant vers l'avant j'arrive à déborder le cordon policier et continue ma course vers l'avenue Habib Bourguiba. Je retrouve juste à mes côtés Jawhar Ben Mbarek, courant difficilement, tenant son bras en bandoulière; il m'explique qu'il a été délibérément visé par une agression policière!

Au niveau de l'avenue Bourguiba, je vois à quelques dizaines de mètres, un homme allongé à même le sol, se tordant de douleurs. J'essaie d'avancer mais l'odeur des gaz lacrymogènes qui devient suffocante ainsi que la forte irritation au niveau des yeux m'obligent à emprunter une petite ruelle et à me diriger vers l'avenue Jean Jaures. Mais c'est au fait, au niveau de cette rue que la violence atteint son niveau extrême avec des policiers qui poursuivent les manifestants, en les frappant à coups de matraque.

Je note également la présence surprenante de certains barbus prêtant main-forte aux policiers. Certains diront qu’il s’agit de Nahdahaouis, alors que d’autres ont estimé qu’il s’agit d’une manipulation organisée pour ternir encore l’image des islamistes auprès de la population !!!

Et dans les deux cas cette présence est grave et mérite l’ouverture d’une enquête imminente.

Je change alors de direction et me dirige vers la rue qui longe la banque centrale et me lance dans une course effrénée. A un certain moment, je croise un véhicule militaire, une dame d'un âge mûr supplie les militaires d'intervenir et de protéger les manifestants, mais ils ne brochent pas. Ce n'est qu'à hauteur de la BAD que je m'estime en sécurité relative et j'arrête ma course.

Ce que j'ai vu hier est une honte! Honte pour la Tunisie, pionnière du printemps arabe! Honte pour la Troika au pouvoir! Honte pour le Ministre de l'intérieur et ses troupes! Je croyais qu'après la Révolution du 14 janvier, le peuple tunisien était libéré; malheureusement les vieux démons semblent être de retour!

Moez.B. M