Tunisie : UGTT, l’autre pilier de la démocratie !

« La dignité du tunisien ne peut être rétablie que par le travail ». Le 1e Mai, on fête le travail, il est utile de rendre à cette institution syndicale

la place qu’elle mérite dans une Tunisie en reconstruction au niveau social économique, politique et culturel.

UN APERÇU HISTORIQUE

L’UGTT fondée en Janvier 1946, est affiliée à la Confédération Internationale des Syndicats Libres. Novembre 2006, elle devient membre de la Confédération Syndicale Internationale.

L'Union Tunisienne du Travail (UTT), fondée en octobre 1956, est dissoute en septembre 1957.

L’UTT est une défection de l’UGTT, jugée à l’époque proche du pouvoir. En septembre 1957, les dissidents réintègrent l'UGTT, après qu’ils aient obtenu la garantie d’être représentés au bureau exécutif de l’UGTT.

Suite à la révolution tunisienne de Janvier 2011, et à la grande vague de protestation contre l’UGTT et son ancien bureau exécutif, jugé corrompu et sous la férule de l’ancienne dictature, un ancien secrétaire général de l'UGTT, reprend l'héritage du syndicat en ressuscitant l'UTT le 1e  mai 2011.

Un scénario qui se répète 55 ans après : Des acrobaties politiques accompagnant la déferlante des partis politiques !

Fin 2011, l’UTT compte 50 000 adhérents alors que la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT), créée en 2006,  mais qui a débuté ses activités en février 2011, n’en compte que 30 000.

Quelques centaines de travailleurs se sont retiré de l’UGTT pour des motifs de « conflit d’intérêts politiques», d’autres pour rejoindre l’UTT, mais sans effet sur cette puissante institution.

Pour récapituler, fin 2011 on enregistre les chiffres suivants :

-    UGTT  : 650 000 adhérents : 16%  de la population active. 89% des adhérents.
-    UTT     : 50 000 adhérents    :   1.3  %   de la population active. 6.8% des adhérents.
-    CGTT  : 30 000 adhérents.    :   0.8  %  de la population active. 4.1% des adhérents.
-    Total Syndiqué   : 730 000 adhérents,  soit 18%  de la population active.

RETOUR DES INDEPENDANTS

Suite aux derniers résultats des urnes pour les syndicats de l’enseignement, les listes des indépendants ont remporté une écrasante victoire, infligeant une défaite cuisante aux listes d’obédiences politiques !

On enregistre aussi, pour les syndicats des étudiants, une défaite cuisante des partis, idem pour les conseils scientifiques : On parle d’un éveil « ISTFAQA » ?

Au niveau du patronat désormais indépendant, l’UTICA résiste, tant bien que mal, aux pressions du gouvernement provisoire.

Entre  450 et 500 membres de cette union sont désormais interdits de voyage : Est-ce des représailles fardées sous des « Enquêtes contre la corruption » ? On ne manquera pas de le savoir de sitôt. L’UTICA a du accepter ce coup de semonce en grinçant les dents. Mais la justice doit suivre son cours.

En tout état de cause, nous saluons la création de la commission mixte de négociations  Gouvernement-UGTT. Des négociations qui constitueraient la toile de fond de l'engagement de l’UGTT dans la reconstruction du pays et une occasion de se fondre dans un destin collectif.

SYNDICALISATION ET FORCE DE MOBILISATION

Phénomène mondial : On observe une baisse du taux de syndicalisation due en grande partie à la croissance des entreprises de service au détriment des entreprises industrielles traditionnellement très syndiquées.

En 2011, une étude sur les Taux de Syndicalisation en Europe montre que les Taux les plus forts sont enregistrés dans les pays scandinaves : 60 – 70 %, pays réputées être parmi les plus démocratiques et les plus prospères d’Europe. Constat surprenant : « La France a le taux le plus bas, comparable à celui des USA ».

Cela n’empêche, qu’en France, comme en Tunisie, malgré le faible taux de syndicalisation, les syndicats ont démontré à maintes reprises leur aptitude à mobiliser les masses pour les grandes manifestations, et encadrer les grévistes.

Il est aussi vrai que dans les pays à forts taux de syndicalisation (Suède, Belgique...), les travailleurs doivent adhérer à un syndicat pour avoir droit à des allocations chômage, ce qui leur confère une forte composante institutionnelle :

Pour la petite histoire : « …En Tunisie, dans les années 90, on imposa à tout ingénieur d’être adhérent à la principale syndicale des ingénieurs (Proche du pouvoir) avant de postuler à un travail dans l’administration publique, on exigeait une copie de la carte d’adhésion !

…L’UGTT n’a pas eu cette prérogative, car à l’époque, elle a toujours refusé de prêter un serment d’allégeance au pouvoir en place. » NE L’OUBLIEZ PAS !

CONCLUSIONS & RECOMMANDATIONS

Un partage sectoriel est observé entre les trois (3) principales confédérations :

-    UGTT  : Fonction Publique, Éducation, Secteur Minier…
-    UTT     : Poste & Télécommunications, Transport, Santé...
-    CGTT  : Secteur Pétrolier, Transport, Enseignement Supérieur…

Les conflits et la multiplication des confédérations syndicales ne feraient qu’affaiblir le mouvement syndical et conséquemment sa force de négociation et son aliénation progressive dans les processus politique et économique du pays. Une refonte devrait être envisagée entre ces trois confédérations.

Les partis politiques ont bien montré leur incapacité à mobiliser les masses, ce relais devrait être pris par l’UGTT unie et fédératrice. Le gouvernement doit avoir un interlocuteur puissant et représentatif : SALUTAIRE POUR LA DEMOCRATIE.

Le mouvement syndical devrait être perçu comme une citadelle contre laquelle viendrait s’écraser tout pouvoir ou régime despotique.

Il est patent que le mouvement fut instrumentalisé sous le régime déchu. L’UGTT doit redorer son blason, et se réconcilier avec le Tunisien : la discréditer ne ferait que la diviser pour l’affaiblir et la briser.

La déferlante des scandales financiers, qui a frappé de plein fouet l’UGTT, a largement accrédité les soupçons sur l’intégrité de cette institution auprès du grand public : La cour des comptes devrait avoir un droit de regard sur la gestion de cette Institution, afin d’éviter les abus enregistrés naguère sous l’ancienne dictature : L’occasion fait le larron !

…Si l’UGTT refait ces « erreurs », elle sera alors face à la lecture finale de sa nécrologie…

Une vrai « Troïka Civile Apolitique » doit voir le jour : GOUVERNEMENT – UTICA - UGTT ! Même si ce gouvernement est provisoire, un exercice de démocratie pour les gouvernements à venir, même si leurs intérêts sont parfois conflictuels, mais pour l’intérêt du pays, des concessions doivent être consenties de part et d’autre afin d’aboutir à un consensus social.

Ce consensus social serait éminemment le fer de lance de la réussite du gouvernement et des institutions qui l’entourent. Car les luttes de pouvoir et les querelles de clocher ne sont point dans l’intérêt de la Tunisie.

Malheureusement, des groupuscules mènent encore des opérations de basse police contre les syndicats : Grave erreur !
Ces manœuvres ne feraient qu’élargir la palette des hommes et des femmes qui adhéreront à la cause syndicale.

Aujourd’hui il faut éviter les relents idéologiques nauséabonds que peut exhaler le thème du « complot syndical ». Mais, en dépit des condamnations populaires, l’institution reste droite dans ses bottes grâce à sa base populaire.

Il est utile de rappeler que la Tunisie n’a guère besoin de « Syndicalisme Révolutionnaire » (Pologne France), ou ce qu’on appelle  « d’Action Directe », il lui faut un syndicalisme plutôt réformiste : Un nouveau paradigme que devrait adopter cette institution historique pour le salut de la démocratie.

« …Les festivités du 1e Mai 2012 devraient être un point d’orgue des conflits Gouvernement-UGTT-Citoyens, et le début d’une nouvelle ère : Celle de la Réconciliation… »

Dr Farouk Ben Ammar