Autopsie des deux rencontres du chef de l’Etat avec Ennahdha et Nidaa Tounes

Autopsie des deux rencontres du chef de l’Etat avec Ennahdha et Nidaa Tounes

 

Le président Béji Caïd Essebsi a reçu à 24 heures d’intervalle les délégations d’Ennahdha puis de Nidaa Tounés pour évoquer avec elles la guerre que mène le gouvernement d’union nationale contre la corruption et les malversations.

Beaucoup a été écrit sur les deux rencontres. Mais les non-dits et les messages codés sont certainement beaucoup plus importants, du moins beaucoup plus révélateurs. Nous allons essayer d’en faire l’autopsie.

De prime abord, on a noté que le président de la république a reçu Ennahdha en premier. Ça a certainement un sens. C’est une préséance accordée à son principal partenaire et à son « ami » et « allié », l’autre vieux, le Cheikh Rached Ghannouchi. C’est aussi une reconnaissance de la place de premier plan que joue ce mouvement sur la scène politique. N’est-il pas le premier groupe de l’ARP en termes d’effectif ?

Ce qui a sauté  aux yeux en regardant les vidéos des deux rencontres diffusées par la présidence, le Chef de l’Etat a accueilli avec plus de bienveillance et de prévenance la délégation d’Ennahdha. Il a donné l’accolade à ses trois représentants. Celle accordée à Ghannouchi était des plus chaleureuses.  Avec la délégation de Nidaa Tounés, on a vu un froid s’installer dès de départ. Le seul qui ait osé donner l’accolade au président, Sofien Toubal a été quasiment éconduit. Le président semblait réticent à ce geste affectueux de sorte que les suivants se sont contentés d’échanger une vigoureuse poignée de main avec Caïd Essebsi père.

Ennahdha a envoyé auprès du président trois représentants, choisi es-qualités. Il s’agit du président du mouvement, Rached Ghannouchi,  du vice-président et en même temps premier vice président de l’ARP, Abdelfattah Mourou ainsi que du président du bloc parlementaire, Noureddine Bhiri. Le parti islamiste a fait jouer les institutions au détriment du poids personnel des uns et des autres.  Nidaa Tounés de son côté s’est fait représenter par le numéro un du mouvement Hafedh Caïd Essebsi accompagné du chef du bloc Sofien Toubal en plus de trois autres dirigeants, à savoir Khaled Chouket, Borhen Bsaies et Samir Labidi. On note qu’aucun des dirigeants historiques ni des fondateurs ne  fait partie des interlocuteurs du Chef de l’Etat. Deux des cinq sont mêmes des bleus au sein du mouvement, l’un  Bsaies est chargé de la ligne politique alors que le second, Labidi est « un chasseur de têtes » puisqu’il est responsable des « compétences ». Ici l’institutionnel n’est pas pris en compte. C’est la « garde rapprochée » du directeur exécutif qui a été privilégiée. Mais en acceptant de les recevoir tous, car la présidence a son mot à dire sur les personnes que reçoit le chef de l’Etat, le fondateur de Nidaa Tounés avalise de façon indirecte les choix faits par son fils. Cela peut être interprété aussi  comme une manière de « laisser- faire» qui peut être jugé comme de l’indifférence ou du désintérêt.

S’agissant de la substance, on a noté que dans sa déclaration donnée sur le ton du sérieux et de la solennité, le président d’Ennahdha n’a pas évoqué la campagne contre la corruption, manière de dire que son parti n’y est pas concerné. Il a trouvé néanmoins le moyen d’adresser un message à l’électorat de son parti dans le sud dans ce que le mouvement Ennahdha a  explicité dans un compte-rendu qu’il a publié à propos de la rencontre, ce qui est une première, par la nécessité de trouver une alternative à la contrebande, un moyen de subsistance des populations du sud du pays. Quant à Hafedh Caïd Essebsi il  n’avait que faire de la solennité du moment, lui qui est habitué à circuler dans ces lieux. C’est même souriant et, en quelque sorte, insouciant qu’il a fait sa courte déclaration dont la platitude le disputait à l’indigence. Aucun message politique n’était communiqué à cette occasion solennelle.

Visiblement, le président de la république était plus à l’aise avec les représentants du parti islamiste qu’avec ceux du parti qu’il a fondé et dont son propre fils est le premier responsable. Même si nous n’avions rien su des échanges ayant eu lieu au cours des deux rencontres-à l’exception de quelques bribes  données ça et là-il va de soi que Béji Caïd Essebsi a averti les uns et les autres que personne se sera épargnée s’il s’avère qu’elle a trempé dans  la corruption et les malversations. Cet avertissement semble s’adresser davantage à Nidaa Tounés et dans une moindre mesure à Ennahdha. Qui vivra verra !

RBR

 

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