Crisis Group s'attaque à l'ARP et à certains députés: Moussi et Makhlouf  

Crisis Group s'attaque à l'ARP et à certains députés: Moussi et Makhlouf  

 

Dans son dernier rapport intitulé « Tunisie : Eviter les surenchères populistes » et signé par Michael Ayari, chercheur spécialiste dans les affaires tunisiennes, Crisis Group s’est attaqué au Parlement tunisien et à certains députés. « Le parlement issu des élections du 6 octobre 2019 est plus fragmenté que celui issu du scrutin de 2014.

Les deux formations politiques arrivées en tête de l’élection législative de 2019, Ennahdha (54 sièges sur 217) et Qalb Tounes (38 sièges), n’ont pu constituer une coalition majoritaire à elles seules, à l’instar de celle formée par Nida Tounes (86 sièges en 2014) et An-Nahda (69 sièges en 2014) au début de la précédente mandature », lit-on dans le rapport.

Selon Crisis Croup, si la coalition constituée en 2014 avait réduit la polarisation entre islamistes et anti-islamistes, elle n’a en revanche pas réussi à relever les défis socio-économiques et institutionnels de la transition. Cela a, par conséquent, ouvert la voie à des demandes de changement plus radicales, s’exprimant en particulier à travers l’attachement à une souveraineté nationale qui serait violée. 

Ainsi, d’une part, Nida Tounes et Ennahdha ont été victimes d’un vote sanction, en particulier le premier, perdant la quasi-totalité de ses députés (il n’obtient que 3 sièges). D’autre part, de nouvelles forces dites souverainistes ayant exploité sur le plan électoral ces demandes de changement composent désormais près de la moitié de la nouvelle Assemblée.

Le rapport note également qu’une partie est présente au sein du cabinet d’Elyes Fakhfakh aux côtés d’Ennahdha et d’indépendants, dont certains sont proches politiquement du président de la République et du chef de gouvernement (Courant démocrate et Mouvement du peuple). Une autre est dans l’opposition (Coalition de la dignité et Parti destourien libre). La plupart, à l’instar de Saïed, récupèrent les revendications exprimées lors du soulèvement de 2010-2011 (lutte contre la corruption, emploi des jeunes, réduction des inégalités régionales de développement) tout en étant enclines à surenchérir sur la question du renforcement de l’Etat, de l’anti-corruption ou de la défense de la souveraineté nationale.

«Une de ces nouvelles forces souverainistes est le Courant démocrate, qui est passé de trois sièges en 2014 à 22 sièges en 2019 et possède trois ministères dans le gouvernement Fakhfakh. Créé en 2013, il est dirigé par Mohamed Abbou, ministre de la Fonction publique.  Cette formation est la première à avoir surfé sur la thématique populaire de la lutte contre la corruption et de la restauration d’un Etat fort, au nom des valeurs exprimées lors du soulèvement de 2010-2011. Depuis 2017, elle concilie respect des valeurs libérales (notamment sur la question de la démocratie, des droits humains et de l’égalité), avec la lutte pour le retour d’un « Etat fort et juste » et la stricte application de la loi pour les « corrompus » », souligne le rapport.  

Et d’ajouter : Une autre de ces forces est le Mouvement du peuple, qui passe de trois à quinze députés et occupe deux ministères dans le gouvernement Fakhfakh. De tendance nationaliste arabe, ce mouvement est un ancien membre du Front populaire (coalition de partis d’extrême gauche et nationalistes arabes, devenu parti politique en juillet 2019) et a été dirigé de 2011 à 2013 par Mohamed Brahmi, député assassiné en juillet 2013.  

Le parti se focalise particulièrement sur la thématique de la défense de la souveraineté économique et cultive un discours anti-occidental et surtout anti-normalisation avec l’Etat d’Israël.Une partie de cette formation considère Ennahda comme son principal ennemi politique et idéologique.  En janvier 2020, un député indépendant, proche de ce parti, a qualifié les binationaux de « bâtards » qui, en monopolisant les circuits de décision politique, mineraient la souveraineté de la Tunisie.

Dans le même rapport, Crisis Group a indiqué que la coalition de la dignité apparait également à l’Assemblée avec 21 sièges. Formée en février 2019, elle se compose de listes indépendantes emmenées notamment par d’anciens islamo-révolutionnaires, membres des Ligues de protection de la révolution (LPR) de 2011-2012, du reste du Congrès pour la république (CPR – réduit à quelques militants) et de deux petits partis islamistes. Son porte-parole, Seifeddine Makhlouf, par ailleurs l’un des principaux avocats des salafistes-jihadistes tunisiens, s’est rendu célèbre par ses attaques répétées contre la France et son ambassadeur, qu’il accuse de piller les ressources naturelles de la Tunisie et de vouloir changer le mode de vie des Tunisiens. Il accuse également, de manière régulière, le bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) de corruption.  Il défend le port du voile intégral, s’oppose à toute forme de féminisme, mélange virilisme, anticolonialisme, anti-corruption, conservatisme et lutte contre l’élite économique établie.

Outre Seifeddine Makhlouf, le rapport évoqué Abir Moussi, soulignant que cette dernière a fait également son entrée avec 17 députés.  « Elle se prononce pour un régime présidentiel fort, attaque régulièrement la Constitution de 2014 et prône l’interdiction d’Ennahda qu’elle décrit dans des termes similaires à ceux utilisés dans les années 1990 par les propagandistes du régime déchu (terrorisme, traitre à la nation, etc.).  Depuis le début des travaux du nouveau parlement en décembre 2019, elle est engagée dans un « duel théâtral » avec Ennahda et son président Rached Ghannouchi, ce qui contribue à repolariser la scène politique autour de la question de l’islamisme », note encore le rapport.

 

 

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