Drame de la Rabta : Le degré zéro de la communication de crise

Drame de la Rabta : Le degré zéro de la communication de crise

 

Le drame du centre de maternité et de néonatologie de la Rabta a donné une nouvelle fois la preuve de l’incapacité des autorités tunisiennes, tous pouvoirs confondus à gérer la communication de crise.

Ainsi alors que le tout Tunis bruissait samedi matin des nouvelles de la mort de onze nourrissons en vingt-quatre heures, que fait le chef du gouvernement qui est pourtant à la tête du pouvoir exécutif, lequel est directement concerné, il se rend à Korba comme si de rien n’était pour honorer des femmes agricultrices.

En cette période préélectorale tout est bon à prendre. D’ailleurs on assiste à une activité débordante du locataire de la Kasbah pour montrer qu’il travaille et qu’il s’occupe des affaires du pays. Parce qu’on lui reproche précisément de mettre les moyens de l’Etat au service du parti politique dont le leadership lui revient même s’il n’en a rien dit jusqu’ici.

Ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’il convoque une réunion ministérielle d’urgence et qu’on le voit enfin visiter l’hôpital de la Rabta. Le visage hagard, les traits tirés, les quelques mots qu’il prononce, pour présenter ses condoléances et dire sa détermination à poursuivre toutes les parties dont l’implication dans cette affaire sera prouvée, ne sont pas pour rassurer une population traumatisée.

Seul le geste du ministre de la Santé, Abderraouf Chérif qui a présenté prestement sa démission est une éclaircie dans cette grisaille. Ce geste lui fait honneur. Il a permis d’ailleurs de dégonfler quelque peu les effets dévastateurs de cette tragédie.

Que fait le président de la République de son côté. Au lieu de s’adresser aux Tunisiens et leur dire sa compassion, il profite de ce drame pour convoquer le ministre de la Santé au conseil de sécurité nationale prévue lundi matin en vue de s’expliquer sur cette tragédie. Il veut à l’évidence marquer des points au gouvernement.

Cela s’est confirmé au cours de l’échange tendu entre Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed dans la vidéo diffusée par la présidence de la République sur l’ouverture de la réunion de ce conseil. Le président de la république a dit que ce conseil devait se tenir il y a une semaine mais il a été reporté puisque Chahed avait des engagements, Chahed lui a rétorqué en affirmant que lui-même n'a été informé de cette réunion qu'un jour avant. Ce à quoi Beji Caïd Essebsi a répondu sur un ton ironique : ’’la prochaine fois on vous informera un mois à l'avance’’.

Alors que le moment est grave, cet échange surréaliste  qui en dit long sur l’atmosphère des rapports entre les deux têtes de l’Exécutif ne peut qu’ajouter à la confusion.

Les partis politiques n’ont pas été en reste, car au lieu de montrer l’union des Tunisiens dans ce drame qui les frappe ils ont joué chacun sa partition tenant à tirer profit de cette situation catastrophique. Pour Nidaa Tounés l’occasion est trop belle qu’il saisira pour demander au gouvernement de démissionner en bloc.

La ministre de la Santé par intérim, Sonia Ben Cheikh n’a pas dérogé à la règle. Sa communication au cours de la conférence de presse qu’elle a convoquée lundi matin a été indigente et très peu convaincante. Ce n’est pas en appelant à ne pas instrumentaliser ce drame sur le plan politique qu’elle risque d’être entendue. De plus elle n’a rien apporté de nouveau.

Le seul élément qu’on a retenu ce sont  les instructions qu’elle a  déclaré avoir reçu du chef du gouvernement  en vue de ne plus recourir aux cartons pour remettre les cadavres des nourrissons. Une décision qui ne prendra effet que dans un mois.

Sans s’en rendre compte, non seulement elle a reconnu cet usage mais elle a aussi admis que la mort va encore frapper les nourrissons. Pour la première responsable du secteur de la Santé, elle-même médecin, c’est la pire des manières de défendre la vie.

A n’en plus douter, on était dans ce drame au degré zéro de la communication de crise.

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