Emploi : on a dépoussiéré d’anciens rapports

Emploi : on a dépoussiéré d’anciens rapports

Face à la grogne sociale, le gouvernement a annoncé une série de mesures en faveur des familles démunies et pour atténuer l’impact du chômage sur les jeunes frappés de plein fouet par ce phénomène. Selon les derniers chiffres de l’Institut national des statistiques, le taux du chômage a atteint les 15.3% et on compte 628.000 personnes sans emplois dont 262.000 diplômés. Des chiffres qui font froid au dos quand on sait que dix ans en arrière, soit en 2008, le nombre de diplômés en chômage était de 80.000. Un véritable bond qui s’explique, d’une part par l’augmentation du nombre de diplômés et de l’autre par l’incapacité du marché de l’emploi à absorber tous les nouveaux arrivants. Au cours des dernières années, le nombre de demandes additionnelles d’emplois n’a cessé d’augmenter d’où un déséquilibre entre le nombre d’emplois créés chaque année et le nombre de demandeurs réels d’emplois au point que l’on n’est pas arrivé à juguler le flux sans cesse croissant de nouveaux arrivants sur le marché. Cette incompatibilité récurrente a toujours caractérisé le marché de l’emploi en Tunisie avec une offre toujours inférieure à la demande.  Le chômage devient encore plus aigu avec la conjonction de trois facteurs essentiels. Il concerne essentiellement les jeunes et surtout les diplômés de l’enseignement supérieur, comme précisé la haut. Il affecte différemment les régions avec des disparités qui atteignent parfois 15 points de différence entre certaines d’entre elles en termes de taux de chômage de la population adulte. Enfin, il touche davantage les femmes (22%) que les hommes (12%) avec un écart qui s’élargit de plus en plus, passant de 5 points en termes de taux en 2008 à 10 points actuellement.

Le gouvernement actuel a hérité d’une situation compliquée et difficile avec une économie pratiquement en panne en raison de plusieurs facteurs exogènes et du contexte macroéconomique interne. Le taux de croissance ne décolle pas et les promesses d’investissement se font toujours attendre. Tant il est vrai qu’il est démuni, face à cette montagne de problèmes et de difficultés, à proposer un plan de relance fiable tenant compte de tous les impondérables.

Entre temps, la grogne sociale monte et face aux exaspérations des jeunes notamment, les autorités ne savent plus où se donner la tête. Il faudrait alors pallier au plus urgent pour apaiser les tensions. Youssef Chahed préconise de renforcer davantage l’initiative privée qui, selon lui, « demeure, malgré les difficultés, une solution importante ». Le gouvernement a, en effet, alloué « une enveloppe de 100 millions de dinars pour financer les petits projets à travers les microcrédits dans la loi de finances 2018 », a-t-il affirmé. Il a expliqué qu’en vertu de ces nouveaux mécanismes, « le jeune promoteur pourra bénéficier d’un autofinancement de la BTS allant jusqu’à 150 mille dinars. L’Etat lui garantit un marché cadre sur trois ans, dont le volume des transactions peut aller jusqu’à 600 mille dinars. Ainsi, des petites entreprises peuvent voir le jour dans les métiers verts, l’environnement, l’équipement, l’agriculture et on en passe ». 
De son côté, le ministre de l’emploi et de la formation professionnelle Faouzi Abderrahamen a dû dépoussiérer d’anciens rapports, notamment celui de la consultation nationale de l’emploi élaboré en 2009, pour y trouver quelques remèdes qui pourraient calmer la situation. Un nouveau secteur de « l’économie sociale et solidaire » sera mis en place au cours de cette année et qui pourrait participer à hauteur de 5% au PIB et créer ainsi des milliers d’emplois », a-t-il annoncé,   lundi 15 janvier 2018.  Ce concept désigne « un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale ». Leurs ressources financières sont généralement en partie publiques. Ce genre d’initiative  s’appuie sur un large programme de développement des initiatives locales de l’emploi, de déconcentration et de territorialisation de l’action publique, mettant à contribution un vaste réseau d’acteurs, publics, privés et associatifs et faisant appel à l’esprit entrepreneurial des jeunes.

Les services de proximité, un creuset important

Le ministre a également évoqué un autre secteur non encore exploité en Tunisie, celui des services de proximité. Déjà, dès les années quatre-vingt, plusieurs pays ont pris conscience du potentiel que représentent les emplois de proximité et ont mis en place une série de programmes et de mesures pour les promouvoir. Depuis, les expériences se sont diversifiées et multipliées, mettant en relief l’importance de ce nouveau créneau dans la promotion de l’emploi et de la prise d’initiative à l’échelon local. En Tunisie, la première fois où l’on commencé à en parler, c’était au cours d’un séminaire organisé, en 2003, par une association d’insertion de jeunes diplômés dans la vie professionnelle avec le soutien du ministère de l’emploi et d’autres organismes publics et la participation d’experts tunisiens et internationaux. Il a permis de dégager plusieurs pistes qui sont restées inexplorée. L’approche des services de proximité par l’emploi et comme mode d’insertion professionnelle des jeunes en difficulté, ne semble pas avoir suscité l’intérêt qu’elle mérite. Le potentiel des services de proximité, naturellement induit par l’évolution des besoins de la société, reste encore mal connu et peu identifié, alors qu’il devrait pouvoir s’imposer comme une des voies à explorer pour lutter contre le chômage et un creuset intéressant pour le développement de nouveaux savoir-faire spécifiques et pour la création de nouveaux emplois.

Il est nécessaire d’approfondir davantage la réflexion pour dénicher de nouveaux gisements d’emploi, loin de toutes surenchères politiques et chercher plutôt à rassurer les Tunisiens par des solutions concrètes car, même ceux qui travaillent vivent dans la peur du lendemain. D’autant plus que la précarité ne touche pas uniquement les précaires et la pauvreté gagne du terrain dans un pays fragilisé. Les mesures en trompe l’œil, les Tunisiens en ont vu déjà. De la création de 400.000 emplois en une année, annoncée en grandes fanfares en 2012 par Ennahdha qui a, égalment, promis la création de 590.000 emplois en 5 ans, en arrivant à la promesse électorale de Nidaa Tounes de créer 450.000 emplois en cinq ans, sans oublier l’annonce farfelue d’un ministre de l’emploi de la « Troïka » d’éradiquer le chômage en 2020, les promesses des politiques, aussi belles soient-elles, ne sont pas indubitables et, par conséquent, ne sont pas toujours tenues. Elles ne pourraient que confirmer la crainte de l'absence de politique réellement ambitieuse pour l’emploi des jeunes.

B.O

 

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