Gouvernement cherche union nationale désespérément

Gouvernement cherche union nationale désespérément

 

Il y a trois mois, jour pour jour le « Pacte de Carthage » a été signé, le 13 juillet, sous les lambris du palais présidentiel au cours d’une cérémonie présidée par le chef de l’Etat Béji Caid Essebsi. Ce « Pacte » ou « Document » ou encore « Accord » est le résultat de plusieurs jours de concertations entre neuf partis politiques de bords différents et trois organisations nationales, l’UGTT, l’UTICA et l’Union des agriculteurs qui ont, tous, soutenu l’initiative lancée le 3 juin par le président de la république pour la formation d’un gouvernement d’union nationale. Il a brossé les contours d’une feuille de route pour le gouvernement qui doit la traduire dans un programme clair et ambitieux en vue de sortir le pays du marasme dans lequel il s’est enlisé au cours des dernières années.

Depuis, les signataires se sont mis d’accord sur le nom du chef du gouvernement, Youssef Chahed, en l’occurrence, qui a réussi à former son équipe avant la date butoir. Devant l’Assemblée des représentants du peuple, il a, dans un discours franc et sans fioritures, fait un diagnostic approfondi de la situation générale du pays et annoncé ses cinq priorités, celles contenues dans le « Pacte de Carthage ». Son gouvernement a été investi par une large majorité de 167 députés, ce qui devait lui assurer un soutien important dans la gestion des affaires du pays. Ayant fait partie du gouvernement Essid, il savait à quoi s’en tenir, tellement les défis politiques, socio-économiques et sécuritaires sont énormes. Il savait, également, que le vote de l’ARP ne devait pas être pris comme un « blanc-seing » et que les parties signataires du « pacte de Carthage », du moins certains d’entre elles, pourraient faire faux bond en ne le soutenant que sur les bouts des lèvres si elles ne désapprouveraient pas ses décisions.

Ses premiers pas ont montré que Youssef Chahed a de l’énergie à en revendre, de la détermination à ne pas reculer devant les problèmes et de la volonté de changement. Et là où il y a de la volonté, il y a un chemin à prendre qui devrait mener droit vers le but assigné, celui de sortir le pays de la crise dans laquelle elle glisse dangereusement. Les Tunisiens qui ont vu se succéder à la Kasbah, sept gouvernements en moins de six ans, appellent de leurs vœux ce jeune homme d’Etat à remettre le pays en marche.

Si l’ouverture de son gouvernement à d’autres partis politiques et à d’anciens dirigeants de l’UGTT, devait lui assurer une marge de manœuvre plus grande, il ne pourrait pas, pour autant, bénéficier d’un état de grâce. Et s’il compte sur la solidarité de son équipe gouvernementale et l’abnégation de ses membres, il aura toujours besoin d’un soutien populaire et « d’une soupape de sécurité » de la part des partis politiques et des organisations nationales, notamment les signataires du « Pacte de Carthage ». Le gouvernement d’union nationale qu’il dirige doit, par conséquent, bien porter son nom, en bénéficiant d’un soutien politique affirmé. Il n’est pas demandé l’opposition traditionnelle, celle représentée à l’ARP, d’approuver les programmes du gouvernement et ses décisions. Mais  il est, par contre, demandé aux partis qui forment ce gouvernement de le soutenir de manière plus forte et plus prononcée et d’assumer leurs responsabilités en cette période de crise. Or, Nidaa Tounes, le parti dont est issu le chef de gouvernement, est beaucoup plus préoccupé par ses divisons internes qui ont largement impacté la scène politique nationale, alors que le mouvement Ennahdha semble faire trop de calculs politiques pour préserver ses chances lors de prochaines échéances électorales. L’UPL, quant à lui, éjecté du gouvernement, est aux abonnés absents et Afek Tounes ne fait pas entendre sa voix au milieu de ce tohu-bohu. Quid de L’Ugtt qui reste ferme sur ses positions quand il s’agit de toucher aux intérêts de ses syndiqués face à la détérioration du pouvoir d’achat. Les propositions du gouvernement de reporter les augmentations salariales jusqu’en 2019, ont sonné comme une onde de choc dans les rangs syndicalistes qui préparent leur congrès fixé au mois de janvier prochain. Quant à l’UTICA, elle a d’autres soucis en ce temps de crise économique et même si elle se disait prête à les négocier, elle ne semblerait pas appuyer fortement le gouvernement.

Pendant ce temps, seul le président de la république Béji Caid Essebsi a fait montre de sa détermination à assurer au gouvernement d’union nationale tout le soutien nécessaire.  Il consulte et reçoit des personnalités politiques de tous bords pour créer une sorte de « ceinture politique » compacte autour du gouvernement. Il fait du « lobbying » auprès des Etats étrangers et des institutions financières internationales pour les sensibiliser quant à la nécessité de soutenir les efforts du gouvernement d’union nationale dans ses programmes économiques. Il sait qu’un éventuel échec serait synonyme d’un saut dans l’inconnu et que le pays ne saurait supporter davantage de blocages et de crises.

Aussi bien le chef de l’Etat que le chef du gouvernement, dont l’entente ne souffre aucune ambiguïté, sont appelés à mettre en réserve leurs convictions partisanes pour donner la priorité à la préservation de cet esprit de consensus et d’unité qui a prévalu tout le long du processus ayant amené à la formation du gouvernement actuel.

B.O

 

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