Journée Internationale des forêts, quid de la forêt tunisienne ?

Journée Internationale des forêts, quid de la forêt tunisienne ?

“Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent.” François René de Chateaubriand

Historique

La journée internationale des forêts ou de l'arbre (Arbor day en anglais), est le nom d'une célébration où les personnes sont invitées à planter ou entretenir des arbres. La fête fut initiée par J. Sterling Morton, alors secrétaire à l'Agriculture des États-Unis et Robert Furnas qui décida de planter des arbres le 10 avril 1872 à Nebraska City.

Le 21 mars a été proclamé Journée internationale des forêts, à compter de 2013, pour mettre en relief l’importance de tous les types de forêts et d’arbres en général et sensibiliser l’opinion à cette question.

Cette fête, qui célèbre généralement l'arrivée du printemps et de la nature, est présente dans plusieurs pays. C'est aussi souvent l'occasion pour les pouvoirs publics de sensibiliser les populations en les invitant à planter un arbre afin de limiter les effets de la désertification.

Cette année, la célébration de cette Journée est consacrée aux forêts et aux villes durables, sous le slogan « Faisons de nos villes des lieux plus verts et plus sains, où il faut bon vivre ! »

La célébration des forêts à l'échelle mondiale est l'occasion de souligner l'importance des arbres et des régions boisées, ainsi que la manière dont ils nous nourrissent et nous protègent.

Les forêts dans le monde

Les forêts couvrent environ un tiers de la planète et elles jouent un rôle fondamental dans les économies mondiales et nationales. Près d'1,6 milliard de personnes, dont plus de 2000 cultures autochtones, en dépendent pour leur subsistance quotidienne et leur survie à long terme.

Les forêts sont les écosystèmes les plus riches en termes de diversité biologique. Elles abritent plus de 80% des espèces d'animaux, de plantes et d'insectes sur terre. Les forêts fournissent également des abris, des emplois et la sécurité pour les populations qui en sont tributaires.

Pourtant, malgré tous ces précieux avantages écologiques, économiques, sociaux et sanitaires, nous détruisons les forêts dont nous avons besoin pour survivre. La déforestation mondiale se poursuit à un rythme alarmant : 13 millions d'hectares de forêts sont détruits chaque année. La déforestation est responsable de 12 à 20 pour cent des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète.

Nous connaissons à l'heure actuelle une urbanisation sans précédent. Selon des estimations, 6 milliards de personnes, l'équivalent de 70% de la population mondiale, vivront dans des villes en 2050. Mais l'urbanisation croissante ne doit pas nécessairement être synonyme de villes polluées.

La Forêt en Tunisie

La forêt joue un rôle très important dans la vie des populations méditerranéennes, et c'est encore plus vrai concernant la population nord-africaine et particulièrement tunisienne. Sans parler de son importance économique et sociale. La « Tunisie verte »...appelée ainsi depuis longtemps en raison de l'abondance de ses forêts et de ses vastes vergers et parcours qui couvrent, aujourd'hui, plus de cinq millions et demi d'hectares, soit près du tiers de sa superficie totale. 

Des ressources forestières précieuses 

Les forêts n’occupent plus que de modestes superficies dans les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie Tunisie) mais, en Tunisie, la forêt a été beaucoup plus affectée par la dégradation pour plusieurs raisons géographiques et historiques : faibles dénivelés, accessibilité aisée, installations humaines anciennes et développement de civilisations s’appuyant sur l’exploitation intensive des ressources naturelles.

Actuellement, la couverture végétale naturelle est estimée en Tunisie à 5,7 millions d’hectares, dont 657 000 ha de forêt proprement dite (feuillus, 179 000 ha et résineux, 457 000 ha) auxquels s’ajoutent 400 000 ha de forêt de reboisement et 200 000 ha de garrigues. Ce qui porte à 1,2 million d’hectares les espaces forestiers au sens large, tandis que les terrains de parcours atteignent 4,5 millions d’hectares (FAO 2010). L’ensemble de cet espace végétal représente moins de 5 % de la superficie totale du pays, dont environ la moitié appartient au domaine subsaharien.

La forêt « naturelle » tunisienne se compose principalement de pin d’Alep, de chêne-liège, de chêne zen et de pin maritime

Un rôle socio-économique indéniable

En Tunisie, le domaine forestier est propriété de l’État et dépend directement d’organismes spécialisés. Le ministère de l’Agriculture, en particulier, gère toute la chaîne de production forestière par le biais de quelques services dédiés. La production est diversifiée. Elle concerne le bois, le liège et l’alfa, principalement. Près de 80 % des besoins en panneaux industriels sont ainsi couverts. 20 % des besoins alimentaires du cheptel animal sont assurés par les parcours forestiers. Près de 14 % du bilan énergétique du pays est également produit par la filière bois. Au total, on estime que la forêt contribue à la création de très nombreux emplois directs ou indirects (7 millions de journées de travail) et peut fournir jusqu’à 30 % des revenus annuels de certaines familles.

Les dégradations estivales, une vraie catastrophe naturelle

Les forêts tunisiennes sont, comme toujours, exposées aux dégradations causées par l’élevage extensif d’ovins et caprins auxquelles s’ajoute la déforestation opérée par les populations riveraines, en particulier au cours des années de sécheresse ou lorsque les hivers sont très rigoureux. Cependant, les incendies demeurent de loin la première menace du fait de leur capacité à ravager rapidement de grandes superficies.

Les premiers événements politiques qui secouent la société tunisienne à la fin de l’année 2010 provoquent l’effondrement de l’État en janvier 2011 et la chute du régime. Insécurité et confusion gagnent les campagnes. L’espace forestier se retrouve victime de déprédations à grande échelle. Des feux sont volontairement déclenchés afin de permettre l’accaparement spontané des terrains dévastés. Avec 300 incendies recensés en 2012, le nombre de feux est ainsi multiplié par deux par rapport aux années habituelles. 217 incendies, 3 943 hectares ravagés sur la seule période du 1er mai au 26 août 2013.  En 2017, Au total 98 incendies ont été déclenchés à Jendouba, Béja, Bizerte, Kef, Zaghouan, Kairouan, Nabeul  et Siliana où le feu a ravagé près de 439 hectares.

Si la situation continue à ce rythme, on risque, d’ici 2020, d’anéantir tous les efforts de reboisement déployés par l’Etat depuis un demi-siècle.

Quels liens entre forêts et villes durables ?

Les forêts et les arbres, de par leur capacité à stocker le carbone, contribuent à atténuer les effets du changement climatique dans les zones urbaines en périphérie.

Les arbres adoucissent les conditions climatiques locales et contribuent ainsi à réduire de 20 à 50 pour cent la consommation d'énergie destinée au chauffage.

En plantant des arbres à des endroits stratégiques en zone urbaine, on rafraîchit l'air (jusqu'à 8°C en moins), ce qui se traduit par une réduction de 30% des besoins en climatisation.

En ville, les arbres constituent d'excellents filtres de l'air puisqu'ils éliminent les particules fines et les polluants nocifs présents dans l'atmosphère.

Les arbres atténuent la pollution sonore en abritant les habitations du bruit provenant des routes et de zones industrielles qui les entourent.

Grâce aux fruits, aux fruits à coque, aux feuilles et aux insectes qu'elles trouvent dans les arbres urbains, les populations locales sont en mesure de produire des aliments et des médicaments soit pour leur consommation personnelle, soit pour les vendre afin de se procurer un revenu.

Les combustibles ligneux provenant des arbres urbains et des plantations forestières à la périphérie des villes constituent une source d'énergie renouvelable pour la cuisson et le chauffage, ce qui amoindrit la pression exercée sur les forêts naturelles et réduit notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles.

Les forêts dans les zones urbaines et en périphérie contribuent à filtrer et à réguler l'eau, permettant ainsi à des centaines de millions de personnes d'avoir accès à une eau douce de qualité. Les forêts protègent également les bassins versants et préviennent les inondations du fait que les arbres stockent l'eau dans leurs parties aériennes et dans le sol.

Une journée d’éducation populaire à l’environnement et au développement durable !

L’évènement doit être présenté comme une « opération d’éducation à l’environnement et au développement durable » autour des différents enjeux de la forêt. Elle comporte deux volets.

Un volet grand public

Les collectivités, associations, professionnels de la filière forêt-bois, ainsi que les particuliers, sont invités à organiser un évènement ou à participer aux diverses manifestations grand public. Destinées à faire découvrir le patrimoine forestier, ces manifestations prennent la forme d’animations, de sorties, de conférences, et autres journées portes ouvertes.

Un volet pédagogique

Des parcours pédagogiques « La forêt s’invite à l’école » (ainsi qu’au collège et au lycée) sont proposés pour le public scolaire et périscolaire durant l’année scolaire. Ils englobent la gestion durable et la multifonctionnalité des forêts, en ses dimensions environnementale, économique, sociale.

Le 21 mars 2018, partout en Tunisie  et notamment dans les établissements scolaires, on doit  organiser des événements pour valoriser, protéger et fêter nos forêts : plantations d’arbres, sorties en forêt, journées portes ouvertes, célébrations artistiques (expositions de photos, projections de films…).

L’arbre et la forêt sont un magnifique symbole du développement durable et permettent de nombreuses actions pédagogiques en faveur de l’éducation à l’environnement.

Mette une vraie politique de gestion et de protection de nos forets

Dans un pays où les ressources forestières n’assurent pas uniquement une fonction environnementale mais une fonction sociale et fournissent des revenus complémentaires à une part non négligeable de la population, la mise en place d’une vraie politique de gestion et de protection de la forêt semble s’imposer comme une nécessité absolue. La forêt peut devenir une opportunité de développement.

A) La révision du code forestier ne peut être évitée à court terme, tant la réglementation actuelle a démontré son incapacité à contenir les atteintes aux espaces boisés. Cette amélioration serait toutefois inutile sans l’accompagnement d’un programme de vulgarisation à destination de la population rurale, souvent illettrée et ignorante des dangers induis par des actes de déforestation ;

B)  La restauration d’un équilibre des pressions passe par une augmentation des moyens d’intervention, à la fois sur le plan préventif et curatif. La protection des espaces boisés ne peut être efficace que par la mise en place de moyens de surveillance appropriés. Le reboisement est également un impératif.

C) L’implication de la population locale directement bénéficiaire des produits de la forêt dans la surveillance, et de développer les activités de transformation ou de tourisme susceptibles d'accroître son revenu. Sans l’amélioration rapide des conditions de vie des riverains, toute tentative de protection est d’ores et déjà vouée à l’échec ;

D) disposer d'un plan directeur régionalisé de développement des ressources forestières prenant en considération aussi bien la recherche, la formation, l'information et la vulgarisation forestière.

Ecoutons la forêt qui pousse plutôt que l'arbre qui tombe car comme l'écrivait  François René de Chateaubriand  “Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent.

 Abdessatar Klai

Votre commentaire