Kaïs Saïed accapare tous les pouvoirs?!

 Kaïs Saïed accapare tous les pouvoirs?!

Le président de la République Kaïs Saïed s’est accaparé tous les pouvoirs en vertu d’un décret présidentiel relatif aux mesures exceptionnelles paru ce mercredi au JORT. De la Constitution il ne maintient que le préambule et les chapitres 1 et 2 qui concernent les principes généraux et les droits et libertés. En prorogeant indéfiniment la suspension des compétences de l’ARP, ce qui équivaut à sa dissolution de facto, il s’arroge le pouvoir législatif puisque dorénavant il va légiférer par décrets lois. Tous les domaines rentrent dans la compétence des décrets lois qui ne sont pas susceptibles de recours en annulation.

De même l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi est supprimée, ce qui rend impossible tout recours pour inconstitutionnalité comme on le fait dans les pays normalement organisés. On remarque que la loi électorale figure parmi les domaines de législation par décrets lois, alors qu’elle en est exclue en vertu de la Constitution approuvée le 27 janvier 2014. Cela ouvre la voie à la mise en place d’une nouvelle loi électorale.

Le décret présidentiel du 22 septembre dispose ainsi que « le Président de la République élabore les projets de révisions relatives aux réformes politiques avec l’assistance d’une commission dont l’organisation est fixée par décret Présidentiel » Comme il l’a déjà annoncé le 25 juillet, Kaïs Saïed s’arroge l’ensemble du pouvoir exécutif. Selon l’article 8 du décret du 22 septembre, «le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République assisté d'un Gouvernement dirigé par un Chef du Gouvernement ».

L’ensemble du gouvernement y compris son chef est nommé par le président de la République. Il n’est pas spécifié que les ministres et secrétaires d’état qui le composent sont proposés par le chef du gouvernement comme il en a pris l’engagement. « Le Gouvernement est responsable de ses actes devant le président de la République » stipule par ailleurs l’article 18 du décret présidentiel du 22 septembre.

Le caractère présidentialiste de l’Etat est ainsi confirmé. Il est notable que le pouvoir local, l'organisation des instances constitutionnelles, l’organisation de la justice et de la magistrature, les procédures devant les différentes catégories de juridictions, les lois de finances, les emprunts et les engagements financiers de l’Etat, et même l’amnistie générale (ce domaine étant par excellence celui du pouvoir législatif), figurent parmi les domaines au sein des quels le président de la République peut légiférer par décrets lois.

Par ailleurs, le président de la République s’octroie le pouvoir de soumettre au référendum tout projet de décret-loi. Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet, le Président de la République le promulgue dans un délai maximum de quinze jours à compter de la date de proclamation des résultats du référendum. Aucun domaine n’y est exclu, ce qui va lui permettre de mettre en place son projet de régime politique hybride (présidentiel à outrance au sommet de l’Etat et celui d’assemblée s’agissant des pouvoirs local et législatif). Enfin le décret présidentiel du 22 septembre prévoir de nouvelles dispositions en cas d’empêchement provisoire ou de vacance ou de la présidence de la République.

Dans les deux cas, c’est le chef du gouvernement qui est investi de la fonction de président par intérim. Au cas où les deux sont empêchés, c’est le ministre de la Justice qui est investi de la fonction. Ce qui constitue un retour d’une disposition figurant dans la Constitution de 1959. En définitive on peut affirmer sans risque de se tromper que Kaïs Saïed s’est arrogé les pouvoirs les plus étendus, sans aucun contre-pouvoir institutionnel. Aucun président de la République depuis la proclamation de cette dernière le 25 juillet 1957 n’en a jamais eu autant. Ce qui pose problème sans aucun doute. RBR

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