Kaïs Saïed: «Le prochain Président aura plus de prérogatives »

 Kaïs Saïed: «Le prochain Président aura plus de prérogatives »

Bien que la nouvelle Constitution précise que le prochain Président aura de nombreuses prérogatives et  que sa mission revêtira un caractère particulier, dans la mesure où ce dernier se trouve être le garant de l’application de la Constitution, à travers plusieurs champs d’action, beaucoup sont ceux qui essayant de minimiser son rôle et de marginaliser ce poste avant les prochaines élections.

Pour y voir plus clair, nous nous sommes adressés encore une fois au Professeur de droit constitutionnel Kais Saied :

La nouvelle Constitution donne-t-elle au président les pouvoirs dont il a besoin pour l’exercice de ses fonctions ?

Ce qu’il faut retenir, avant tout, c’est que jusqu’ici, le président de la République avait des pouvoirs qu’il ne détenait pas de la Constitution. C’est plutôt l’absence de multipartisme qui a favorisé cette situation. Le problème ne vient pas, donc, du texte de la Constitution.  Ce qui est sûr, c’est que désormais, rien ne sera comme ce fut le cas durant près d’un demi-siècle.

Pour le moment, le régime politique est comme un plat tunisien, où on trouve un peu de tout. Lors de sa rédaction, la Constitution a fait, en effet, l’objet de tiraillements entre les élus des différents partis. Résultat de la course : un texte bien dans l’ensemble, mais dont la rédaction ne tient compte que de l’étape actuelle. Car, ce qu’il faut savoir, c’est que la Constitution n’est pas une somme de dispositions. C’est avant tout un esprit. Et si elle est considérée comme une technique du pouvoir, comme c’est le cas, actuellement, rien ne changera.

Mais, n’est-ce pas dans la Constitution que le Président puise ses prérogatives ?

Bien sûr que si. Le président a un certain nombre de prérogatives, plus, peut-être, par rapport à ce que contenait la petite Constitution. Les attributions les plus importantes se situent au niveau de la diplomatie, des affaires étrangères et de la défense nationale, outre la possible dissolution de l'assemblée, selon les dispositions prévues par la Constitution.

Donc, outre les pouvoirs directs qui lui sont conférés par la Constitution, comme la définition des politiques générales, dans les domaines suscités, le Président préside le conseil de sécurité nationale, le commandement des armées, nomme et révoque dans les hautes fonctions militaires et diplomatiques, après consultations avec le chef du gouvernement. Il dispose aussi d’un droit de veto sur la nomination des ministres de la Défense et des Affaires étrangères.

Le Président a, également, l’initiative législative, puisqu’il peut dissoudre l’assemblée  des représentants du peuple et proposer des projets de lois.

Dans tous les cas de figure, on remarque que le champ d’action du futur Président est assez large, pour lui permettre d’agir et d’intervenir quand la nécessité l’impose. Peut-on dire ainsi qu’il n’aura plus les poings liés comme l’actuel président?

Je répondrai que le principal ne réside pas dans les prérogatives, mais au niveau de la latitude qu’il a pour agir. Aujourd’hui, les Tunisiens et les jeunes attendent autre chose de leur président que ce qu’ils ont l’habitude d’avoir et de voir. L’avenir prouvera que les choix faits, aujourd’hui, ne sont pas les meilleurs, quand les équilibres changeront. Ce que doit savoir un président, c’est que l’avenir réside dans la démocratie locale. Tout élu doit être responsable et doit répondre de ses actes devant ses électeurs. S’il oublie qu’il est le représentant de ses électeurs, alors rien ne changera.

Propos recueillis par S.G.