Le deal entre Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi a-t-il vécu ?

Le deal entre Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi a-t-il vécu ?

 

Les rapports entre le président de la république Béji Caid Essebsi et son « allié » Rached Ghannouchi le président du mouvement Ennahdha, traversent, ces derniers temps, une mauvaise passe. La nouvelle donne que connait la région du Moyen Orient après l’arrivée à la maison blanche du nouveau président américain Donald Trump et la mise en quarantaine de l’Emirat de Qatar, soutien du mouvement Ennahdha, par quatre pays voisins, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Bahrein et l’Egypte, ne sont pas étrangères à ce changement d’attitude vis à vis du partenaire d’hier. Malgré les déclarations d’intentions de Rached Ghannouchi et des dirigeants de son mouvement et la séparation du politique et du religieux adoptée lors de son dernier congrès au mois de mai 2016, Ennahdha n’est pas encore devenu «un parti démocratique national qui place l’intérêt de la Tunisie au-dessus des siens», comme le proclamait son président. Béji Caid Essebsi ne voit pas de changement notable dans l’approche des différentes questions de l’heure de la part du mouvement de Rached Ghannouchi. Les réactions de ses ténors à la suite de son appel, le 13 août dernier, à l’égalité de l’héritage et la révision de la circulaire de 1973 interdisant le mariage de la Tunisienne avec un non musulman, l’ont amené à revoir son appréciation. « Je ne présente pas des fatwas. Je propose des initiatives civiles et non de jurisprudence charaïque. Inscrire la question dans un cadre religieux, c’est fuir le débat civil », a-t-il affirmé dans l’interview publiée mardi dernier par la Presse et Assahafa Al Yaum. Il pense qu’Ennahdha n’a pas encore rejoint « le club des partis civils ». La nomination de Lotfi Brahem au ministère de l’intérieur en remplacement de Hédi Majdoub, n’a pas été du goût du mouvement de Rached Ghannouchi.  Lors de la réunion du bureau politique, dans la soirée de mercredi dernier pour décider de la position à prendre quant au remaniement ministériel, certains dirigeants d’Ennahdha ont considéré que cette nomination les vise particulièrement, surtout que le mouvement a fait part de son soutien à Majdoub et a appelé à son maintien. On a, même, parlé d’un « coup d’état » dirigé contreleur mouvement. Ils ont, également, critiqué le contenu de l’interview du président de la république qui, selon eux, n’a pas été tendre envers ses alliés. Beaucoup d’observateurs sont allés jusqu’à parler de la fin du deal entre Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi. Un deal conclu au mois d’août 2013 à Paris, au moment où le pays traversait l’une des plus graves crises de son histoire. Bien mieux, le chef de l’Etat, qui a toujours prôné le consensus national comme moyen de protection du processus démocratique en Tunisie, commence à se poser des questions sur sa légitimité dans un Etat démocratique où « l'expression par bulletins » devrait toujours avoir plus de poids que toute autre forme de légitimité. Fruit de sa rencontre avec le président du mouvement Ennahdha au mois d’août 2013 à Paris, le consensus s’est prolongé après les élections législatives d’octobre 2014 qui n’ont pas donné un seul vainqueur. Les deux premiers partis, Nidaa Tounes avec 86 députés et Ennahdha avec 69, ont conclu une forme d’alliance « contre nature » pour pouvoir gouverner ensemble. Le code électoral, une aberration, ne permet à une aucune formation politique d’obtenir la majorité absolue pour pouvoir gouverner seule. D’où la recherche de coalition plus ou moins large pour diriger le pays. « Nous nous sommes trouvés dans une situation très difficile et il fallait prendre la décision d’une alliance gouvernementale qui constituera une solution aux problèmes posés ou au moins ne les compliquera pas davantage. », explique le chef de l’Etat. 
Mais cette coalition n’a pas résisté longtemps et le premier chef du gouvernement Habib Essid a été débarqué une année et quelques poussières après son investiture par une large majorité de 167 voix. Son successeur Youssef Chahed a toutes les peines du monde à résister aux coups de boutoir d’une Assemblée qui contrôle toute son action et qui détient les vrais leviers du pouvoir. Outre les lois qu’elle doit voter, le chef du gouvernement est contraint d’y revenir même pour le changement d’un simple secrétaire d’état pour obtenir sa confiance. D’où un temps fou perdu dans les concertations pour remanier don gouvernement, afin d’éviter toute surprise.

Du côté de Montplaisir, on fait bon cœur contre mauvaise fortune et on continue à croire en la solidité des rapports entre les deux « Cheikhs ». Dans un communiqué rendu public dans la soirée de mercredi dernier, le mouvement, s’est, en effet, félicité, « du souci du président de la république de consacrer la réconciliation globale et enraciner l'unité nationale des Tunisiens ». Il a réitéré son « attachement au consensus national et ses fondements aux côtés du mouvement Nida Tounes et la famille destourienne, tout en appelant les autres courants politiques à adhérer à ce processus ». Mieux, il se dit prêt à accorder sa confiance aux nouveaux membres du gouvernement malgré quelques réserves. L’alliance scellée avec Nidaa Tounes, le 6 juin, dernier, ne saurait être rompue. Ennahdha a fait état de son consensus avec Nidaa Tounes, son partenaire au pouvoir et continue à croire que les nuages qui traversent actuellement les relations entre Béji Caid Essebsi et son « allié » Rached Ghannouchi seront, bientôt, dissipés.

Brahim OUESLATI

 

 

 

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