Le secrétaire général de l'ONU: "Nous sommes à un tournant de l’histoire ! "
Prié par les Etats membres de leur présenter des recommandations visant à faire progresser notre programme commun, le secretaire général de l'ONU, Antonio Guteress, a publié le présent rapport.
Pour établir ce rapport, le responsable s'est concerté avec de nombreux interlocuteurs, y compris les États Membres, des leaders d’opinion, des jeunes, des représentants de la société civile, ainsi que le système des Nations Unies et ses nombreux partenaires.
Voci le contenu du rapport:
"Alors que l’humanité fait face à la plus grande épreuve collective qu’elle ait eu à surmonter depuis la Seconde Guerre mondiale, elle doit réagir de toute urgence et n’a que deux choix possibles : celui du délitement ou celui du sursaut.
La maladie à coronavirus (COVID-19), en venant mettre en péril la santé de toutes et tous, détruire les économies et les moyens de subsistance et aggraver la pauvreté et les inégalités, n’en finit pas de bouleverser le monde.
Les conflits continuent de faire rage et ne cessent de s’aggraver. Les effets catastrophiques des changements climatiques – famine, inondations, incendies, canicules – menacent notre existence même.
Partout sur la planète, la pauvreté, les discriminations, la violence et l’exclusion privent des millions de personnes de leurs droits d’accès aux biens et services de première nécessité : santé, sécurité, vaccination, eau potable, alimentation et éducation.
Les gens se détournent chaque jour davantage des valeurs de confiance et de solidarité – c’est-à-dire des valeurs dont nous avons précisément besoin pour reconstruire notre monde et assurer à nos semblables et à la planète un avenir meilleur et durable.
Le bien-être et l’avenir même de l’humanité ne pourront être assurés que si, pour atteindre les objectifs vitaux communs à toutes et tous, nous nous montrons solidaires et agissons comme le ferait une grande famille mondiale.
Et ce, dans l’intérêt des êtres humains, de la planète, de la prospérité et de la paix.
L’année dernière, à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, les États Membres ont fait le constat que les difficultés auxquelles nous nous heurtions étaient toutes liées les unes aux autres, par-delà les frontières et tout ce qui nous sépare. Ces difficultés, ce n’est que par des mesures tout aussi étroitement liées et dans le cadre d’un multilatéralisme revitalisé que nous pourrons les surmonter, l’ONU devant être au centre de nos efforts.
Les États Membres m’ont prié de leur présenter des recommandations visant à faire progresser notre programme commun, lesquelles sont rassemblées dans le présent rapport.
Pour établir ce rapport, nous nous sommes concertés avec de nombreux interlocuteurs, y compris les États Membres, des leaders d’opinion, des jeunes, des représentants de la société civile, ainsi que le système des Nations Unies et ses nombreux partenaires.
Un même message s’est fait partout entendre : le choix d’agir ou de rester passifs que nous faisons aujourd’hui est sans appel : il conduira soit à la poursuite du délitement, soit, par un sursaut salutaire, à un avenir meilleur, plus vert et plus sûr.
C’est à nous de faire ce choix, qui est sans doute notre dernière chance.
C’est pourquoi Notre Programme commun est avant tout un programme d’action, qui vise à hâter la mise en œuvre des accords existants, notamment les objectifs de développement durable.
En premier lieu, le moment est venu de renouer avec la solidarité mondiale et de trouver de nouveaux moyens de collaborer en vue du bien commun. Il nous faut notamment établir un plan de vaccination mondial qui permettrait de vacciner contre la COVID-19 les millions de personnes qui n’ont toujours pas accès à ce moyen de protection vital. Il nous faut également prendre d’urgence des mesures audacieuses face au dérèglement climatique, à la perte de biodiversité et à la pollution – triple crise qui détruit notre planète.
En deuxième lieu, le moment est venu de refonder le contrat social entre gouvernants et citoyens et, plus largement, au sein de chaque société, afin de rétablir la confiance et faire respecter les droits humains dans leur globalité. Les citoyens doivent pouvoir constater une amélioration de leur vie quotidienne. Il faut également assurer la participation active et égale des femmes et des filles, sans laquelle il ne peut y avoir de vrai contrat social.
Il faut prévoir d’améliorer les mécanismes de gouvernance de façon qu’ils puissent fournir de meilleurs biens publics, faire entrer la protection sociale dans une nouvelle ère – celle d’une protection sociale universelle assortie d’une couverture sanitaire et d’un droit à l’éducation, au développement des compétences, à un travail décent et au logement – et assurer d’ici 2030 l’accès universel à Internet, qui serait reconnu comme un droit humain fondamental. J’invite tous les pays à mener des consultations inclusives approfondies afin de recueillir la parole de leurs citoyennes et citoyens et leur vision de l’avenir.
En troisième lieu, le moment est venu de mettre fin à l’« infodémie » qui fait des ravages aux quatre coins de la planète et de défendre un consensus construit collectivement sur l’expérience et portant sur les faits, la science et la connaissance. La guerre menée contre la science doit cesser. Toutes les décisions politiques et budgétaires doivent reposer sur la science et l’expertise; je préconise ainsi l’adoption d’un code de conduite mondial visant à promouvoir l’intégrité de l’information publique.
En quatrième lieu, le moment est venu de combler un vide manifeste dans la façon dont nous mesurons la prospérité et le progrès économiques. Lorsqu’on comptabilise le profit sans tenir compte de l’humain ni de la planète, nous n’avons qu’une image incomplète de ce que coûte vraiment la croissance économique. Tel qu’il est conçu, le produit intérieur brut (PIB) ne fait pas état des destructions humaines et environnementales causées par certaines activités économiques. Je préconise l’adoption de nouveaux indicateurs qui viendraient compléter le PIB et permettraient de bien analyser l’incidence des activités économiques et la façon dont nous pouvons et devons mieux aider les habitants et la planète.
En cinquième lieu, le moment est venu de réfléchir sur le temps long, d’en faire davantage pour les jeunes générations et les générations futures et de mieux se préparer aux problèmes de demain. On trouvera ici des recommandations devant permettre aux diverses catégories de jeunes de participer mieux et davantage tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système des Nations Unies, notamment par une amélioration de leur représentation politique et une transformation de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’apprentissage tout au long de la vie. Je propose en outre de revisiter le rôle du Conseil de tutelle, de mettre sur pied un Laboratoire pour l’avenir, d’adopter une Déclaration sur les générations futures et de créer un poste d’Envoyé(e) spécial(e) des Nations Unies dont la mission serait de veiller à ce que toute décision politique et budgétaire soit prise compte tenu de son impact sur les générations futures. Nous devons également être mieux préparés à prévenir et à combattre les grands risques mondiaux.
Il est impératif que l’Organisation publie régulièrement un Rapport de prospective stratégique et d’étude des risques mondiaux. Enfin, je propose la création d’une Plateforme d’urgence qui serait activée en cas de crise mondiale complexe.
En sixième lieu, l’heure est venue de mettre sur pied un système multilatéral plus solide et plus inclusif, travaillant davantage en réseau et dont le socle serait le système des Nations Unies. Un multilatéralisme efficace suppose une ONU tout aussi efficace, capable de s’adapter aux problèmes du monde dans le plein respect des buts et principes énoncés dans la Charte. Je propose dans ce sens d’adopter un nouvel agenda pour la paix, d’assurer un dialogue multipartite sur l’espace extra-atmosphérique, de nouer un Pacte numérique mondial et d’organiser tous les deux ans un sommet entre les membres du Groupe des Vingt et du Conseil économique et social, le Secrétaire général et les chefs des institutions financières internationales. Comme nous aurons besoin dans toutes nos entreprises d’une participation plus forte de toutes les parties prenantes, nous entendons établir un Groupe consultatif pour les autorités locales et régionales.
Depuis 75 ans, l’Organisation des Nations Unies est l’enceinte où l’humanité se réunit lorsqu’il lui faut apporter des solutions aux problèmes du monde : conflits, faim, éradication des maladies, espace extra-atmosphérique, numérique, droits humains, désarmement. En ces temps de division, de fracture et de défiance, cette enceinte est plus que jamais nécessaire si l’on veut offrir à l’ensemble de la planète un avenir meilleur, plus vert et plus pacifique. Dans le prolongement du présent rapport, j’entends demander à un Conseil consultatif de haut niveau, dirigé par d’anciens chefs d’État et de gouvernement, de dresser la liste des biens publics mondiaux et des autres domaines d’intérêt commun qui pourraient grandement bénéficier d’une amélioration de la gouvernance et de proposer des solutions sur la manière d’y parvenir.
Dans cet esprit, je propose de tenir un Sommet de l’avenir en vue de forger un nouveau consensus mondial sur ce à quoi notre avenir devrait ressembler et sur les moyens que nous pouvons déployer aujourd’hui pour le faire advenir.
L’humanité a montré par le passé qu’elle était capable de grandes choses lorsqu’elle agissait unie. Notre programme commun est notre feuille de route pour retrouver cet esprit positif et commencer à reconstruire notre monde et à rétablir la confiance mutuelle dont nous avons si désespérément besoin en ce moment de l’histoire.
Le moment est venu de franchir les nouvelles étapes de notre voyage commun, dans un esprit de solidarité à l’égard de toutes les femmes et de tous les hommes et à leur service".
Votre commentaire