Mechichi-Saïed, limogeage Charfeddine : Touches pas à mon domaine

Le limogeage du ministre de l’Intérieur, Taoufi Charfeddine auquel a procédé le chef du gouvernement, Hichem Mechichi ce mardi n’est pas un acte anodin, car le locataire de la Bâtisse de l’Avenue Habib Bourguiba n’est pas un ministre ordinaire.

Outre le poids du département qu’il dirige et qui a toujours pesé sur la scène politique, il est connu pour être un proche du président de la République Kaïs Saïed dont la nomination lui revient, puisqu’il fut le responsable de sa campagne électorale dite explicative menée dans le gouvernorat de Sousse.

D’ailleurs en raison de cette proximité, le limogeage était en l’air depuis la formation du gouvernement, car Mechichi n’a pas apprécié que le ministre de l’Intérieur convoque les ministres à son département pour conférer avec eux, ce qui n’était pas commun. Il le lui a fait savoir et Charfeddine a dû mettre un terme à ce procédé qu’aucun de ses prédécesseurs n’a osé recourir.

Dès le départ, le chef du gouvernement a refusé toutes les nominations que son ministre lui proposait. Il se faisait un malin plaisir à désigner d’autres que ceux dont Charfeddine suggérait la nomination. Ex-ministre de l’Intérieur, Mechichi voulait maintenir ses poulains pour garder un œil sur un département qu’il sait stratégique.

Dire que le remplacement du ministre de l’Intérieur était en l’air est un euphémisme, car il ne faisait pas de doute que Charfeddine ne garderait pas son maroquin dans le prochain remaniement ministériel qui ne devait pas tarder. Il semble néanmoins qu’une suite d’événement a précipité la décision du chef du gouvernement.

Ce dernier n’aurait pas apprécié la visite rendue par Kaïs Saïed au ministère de l’Intérieur au cours de laquelle il s’est auto-proclamé chef suprême des forces sécuritaires armées, ce que Mechichi a considéré comme un grave empiètement sur ses attributions.

La maniére de l’arrestation de l’homme d’affaires d’El Kantaoui à Sousse, Naceur Ammar pour avoir servi des clients en violation du couvre-feu lors du réveillon du jour de l’an, n’a semble t-il pas plu à Mechichi non plus, d’autant que cette décision aurait été teintée d’un règlement de compte entre gens de la même région, Charfeddine ayant été avocat à Sousse avant sa montée à la capitale.

Mais la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase, elle aurait eu ce mardi matin. En effet, Charfeddine, sans en référer à Mechichi a notifié au chef de l’antenne du ministère de l’Intérieur à Paris Lazhar Longo sa décision de mettre fin à ses fonctions, avant de procéder à d'autres nominations importantes à des postes clés.

Ancien directeur des renseignements Longo s’était illustré dans l’affaire Moncef Kartas, cet expert de l’ONU arrêté dans des conditions rocambolesques. Cette arrestation a été à l’origine d’une crise avec l’organisation internationale et l’Allemagne, pays dont il détient la nationalité.

Certaines informations laissent entendre que Longo serait proche de Youssef Chahed. Alors que d'autres disent qu'il est devenu l'antenne du Mouvement Ennahdha et qu’il aurait accueilli à Paris, le chef du gouvernement lors de la visite la veille du jour de l’an dans la capitale française pour une visite controversée qui s’est révélée être à caractère familial, Mechichi s’étant rendu au chevet de son jeune fils admis dans une institution spécialisée.

Du reste en démettant Taoufik Charfeddine de ses fonctions, Hichem Mechichi a décidé d'annuler aussitôt toutes les nominations décidées par le désormais ex-ministre de l'Intérieu, soit une dizaine de nominations dans les corps de la sûreté et de la garde nationales.

Il ne fait pas de doute que le limogeage d’un proche de Kaïs Saïed ne passera pas comme une lettre à la poste et que les rapports entre les deux têtes de l’Exécutif en pâtiront.

En assurant lui-même les fonctions de ministre de l’Intérieur par intérim, Mechichi se donne le temps de la réflexion avant de nommer un titulaire de ce poste dans le prochain remaniement qui devrait être imminent.

RBR