Nidaa Tounes, « sattelite » d’Ennahdha, qui l'aurait cru ?

Nidaa Tounes, « sattelite » d’Ennahdha, qui l'aurait cru ?

 

Jamais Nidaa Tounes n’a touché le fond que ces derniers temps. Qui aurait cru ou parié que le parti qui a été fondé par opposition au projet islamiste d’Ennahdha et qui, il y a moins de trois ans seulement, avait gagné « le doublé », présidentielle et législatives, devienne « un satellite » du mouvement qu’il a combattu. Quand les coordinateurs régionaux qui ont souvent soutenu l’approche de la direction actuelle s’insurgent contre la mise à l’écart des membres fondateurs et l’usurpation de leur parti par les nouvelles recrues et rejettent de manière catégorique son alignement sur Ennahdha, c’est un signal fort qui risque de précipiter le parti dans l’abime, s’il ne l’est pas déjà. Ils ont exprimé leur « refus catégorique » du communiqué conjoint signé par les présidents des deux groupes parlementaires Nidaa et Ennahdha et qui intervient à « un moment douteux ». Cette concomitance avec la célébration du 36ème anniversaire du Mouvement de la tendance islamique(MTI), ancêtre d’Ennahdha et qui plus avec la déclaration de la guerre contre la corruption et la mise au ban de Qatar par les pays du Golfe, n’est évidemment pas innocente. On n’a pas besoin de consulter un devin pour en déceler les desseins inavoués. Chacun a son agenda, qui cherche chez l’autre soutien et appui en cas de « tsunami ».

Image négative

Et bien qu’il ait reçu la nouvelle direction de Nidaa dirigé par son fils, le président de la République Béji Caid Essebsi a fait montre de signes de mécontentement et ne voit pas d’un bon œil la manière dont « son » parti est géré par son fils. Il est fortement embarrassé par les soupçons de corruption qui pèsent sur nombre de ses dirigeants. Il a l’impression que tout ce qu’il a fait pour en faire le parti numéro 1 du pays a été abimé, cassé.

Depuis déjà quelque temps, Nidaa Tounes traîne une image négative dans l’opinion publique en raison de son incapacité à régler ses problèmes internes, ce qui a fortement impacté la scène politique nationale.  Les soupçons de liaisons sulfureuses de certains de ses dirigeants avec des personnages aux parcours interlopes qui leur murmuraient conseils et stratégies et sont, du coup, devenus les éminences grises du parti, ont fini par l’enfoncer dans des eaux troubles. « Le vernis de la dédiabolisation » que tente d'apposer la direction du parti sur son front n’a pas jusque-là pris.

La rebuffade

 Le coup de poing lancé par le chef du gouvernement Youssef Chahed contre les barons de la contrebande a pris Nidaa au dépourvu, voire l’a décontenancé. Il ne sait quelle ligne de conduite adopter et peine à se défendre face aux offensives dont il est la cible, y compris de la part des membres de son propre camp. Au lieu de calmer le jeu en cherchant à trouver les meilleures formules pour répondre aux accusations, il se rebiffe, menace et décide de poursuivre en justice « les pages et les personnes qui diffusent des informations mensongères sur le parti et qui nuisent à l’image de ses membres» et qui visent à le déstabiliser et à salir ses députés.

Chouket lancé contre Chahed

Le revenant Khaled Chouket, qui se gargarisait, il y a quelque temps, de son amitié avec Abou Iyadh, « quAllah l’agrée » écrivait-il en 2013, et qui s’est baladé d’un mouvement à l’autre pour finir au Nidaa, a même accusé, ouvertement l’entourage de Youssef Chahed et celui de la présidence de la république de fomenter un complot contre Nidaa tounes afin de l’affaiblir. Pourtant les entourages dont il parle sont formés essentiellement de membres de Nida Tounes et les deux locataires de Carthage et de la Kasbah en sont issus. Il s’est lancé sur Youssef Chahed, ne le ménagent pas de ses critiques dans deux articles publiés dans un quotidien et un hebdomadaire pros-islamiste, l’appelant à plus de sagesse au risque de connaitre le sort de son prédécesseur.  Il a dit tout haut ce que les autres disent plus bas et ne peut pas se hasarder à écrire ce qu’il a écrit sans le feu vert de celui qui détient les clés du siège.

Les couteaux sont tirés

Même si le parti a apporté son soutien à la guerre contre la corruption, en coulisses, les couteaux sont bel et bien sortis. La première à avoir brandi le couteau est la députée Sabrine Ghoubantini qui n’a pas fait dans la dentelle en accusant la direction du parti de  faire un « nettoyage ethnique » pour faire taire toute voix discordante. Elle a affirmé que cette direction qui « dit ce qu’elle ne fait pas et fait ce qu’elle ne dit pas » ne soutient pas clairement la guerre contre la corruption. Immédiatement exclue, elle sera poursuivie en justice par son désormais ancien parti. Sabrine n’est pas la seule à avoir subi un tel sort. Avant elle, d’autres députés, toutes des femmes, ont été mises en quarantaine. Leila Chettaoui qui était derrière la création de la commission d’investigation sur les filières d’envoi des jeunes dans les zones de conflit et en était la présidente a été poussée à la porte de sortie et révoquée de ladite commission.  Néjia Ben Abdelhafidh a, à son tour été exclue et Leila Ouled Ali a préféré quitter, de son propre gré, le parti et son groupe parlementaire.  Alors que Wafa Makhlouf, qui fait partie des onze fondateurs du partis, mais qui a gelé sa participation à l’Instance politique, s’élève, dans un post publié dans sa page Facebook, contre la gestion catastrophique du parti et dénonce les nouveaux recrutements qui n’obéissent à aucun critère. Toute critique est désormais interdite. Tout membre qui ose affirmer un avis contraire est menacé d’exclusion.

Ceux qui ont conduit le parti à cette situation, ne lisent pas l’histoire ou plutôt ne la connaissent pas tout court. Car je doute qu’ils savent lire correctement les événements. Le parti ne tient plus qu’à un fil. S’il cassait, Nidaa rejoindrait un certain RCD qui a complètement disparu.

Sauf si le père fondateur, en bon lecteur de l’histoire, se décide, de siffler la fin de la récréation.

B. OUESLATI

 

 

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