Qui veut la peau de l’Isie ?

Qui veut la peau de l’Isie ?

 

Pour la quatrième fois, l’Assemblée de représentants du peuple a échoué à élire un nouveau président pour l’instance supérieure indépendante des élections(Isie). Un échec voulu et prémédité de la part de certains membres de « l’auguste Assemblée » qui, pour des desseins inavoués, ont cherché à faire perdurer la crise. Mais également par l’égo des membres de l’Isie qui n’ont pas réussi à s’entendre sur un seul candidat parmi eux. Cette énième tentative traduit l’échec de de ce « consensus », souvent utilisé pour enjamber les fossés, qui demeurent encore plus profonds qu’on ne le pense. Elle a mis à nue les tiraillements d’une classe politique plus soucieuse de ses intérêts partisans que des intérêts supérieurs de la nation, enfonçant l’Instance dans une crise aiguée qui pourrait l’emporter.

Depuis la démission surprise de son ancien président Chafik Sarsar et deux autres membres le 10 mai dernier, l’Isie s’est trouvée dans la tourmente.  Il a fallu plus de trois mois pour élire leurs remplaçants, et alors que l’on croyait être arrivé au bout de la peine, survint l’élection d’un nouveau président sur fond de divisions entre les groupes parlementaires et de désaccord entre les deux partis « alliés », Nidaa Tounes et Ennahdha. Le compromis auquel on a souvent recours, au sein de l’Assemblée pour résoudre les différends, n’a pas fonctionné ni dans l’élection des nouveaux membres, ni dans celle du président.

Cet échec vient démontrer que le blocage ne serait pas lié aux personnes, mais plutôt à des calculs principalement partisans. On est du coup tombé dans une spirale vicieuse. Elle a commencé avec le renouvellement du tiers des membres de l’Instance par un tirage au sort entre les membres concernés comme le stipule l’article 9 de la loi organique n° 2012-23 du 20 décembre 2012, relative à l'instance supérieure indépendante pour les élections. « Le renouvellement de la composition du conseil de l'instance se fait par tiers tous les deux (2) ans conformément aux procédures prévues par les articles 5, 6 et 7 de la présente loi. Le président de l'Instance Supérieure Indépendante pour les Elections notifie au président de l'assemblée législative la liste des membres concernés par le renouvellement et de la date de la fin de leur mandat, et ce, trois mois avant l’expiration de leur mandat ». Après consultation du Tribunal administratif, le Conseil de l’Isie a décidé par une majorité de voix, cinq contre quatre, de se conformer   à l’avis du Tribunal qui énonce que « le renouvellement devrait intervenir après l’élection du président ». Ce que l’Assemblée rejette, « sommant » l’Instance de se conformer à la loi. C’est l’impasse. En même temps, l’ARP a ouvert, de nouveau les candidatures à la présidence de l’Isie, et encore une fois, elle a enregistré six candidatures au poste, à savoir celles des deux « finalistes », Nabil Baffoun et Anis Jarbouii, Farouk Bouaskar, Mohamed Tlili Mnasri, Nabil Azizi et Nejla Brahem. Ce qui pose la question de la cohérence au sein du conseil de l’Instance.

Au cours de la plénière de jeudi 26 octobre, les députés n’ont pas réussi à départager les six candidats Nabil Laazizi et Farouk Abou Asker ont obtenu chacun 0 voix, Anis Jarbouii et Nabil Baffoun ont obtenu 2 voix chacun, Nejla Brahim 48 voix et Mohamed Tlili Mansri 95 voix.

Cet échec est symptomatique d’un système politique qui commence à montrer ses incohérences et ses limites et qui, selon certains, ne conviendrait pas à une démocratie naissante. L’Isie dont les membres sont élus par les députés, selon un mode de fonctionnement basé sur le compromis, est accusée de ne pas être réellement indépendante et certains de ses membres de faire de la politique, ce qui est interdit par la loi. Outre la crainte, pas toujours justifiée, de la mainmise de certains partis sur l’Instance, la plupart des partis ont affirmé « l'impossibilité de tenir les élections municipales à la date fixée par l’instance, parce tout simplement, ils craignent la bérézina.

Il est évident que dans pareille situation, les activités de l'Isie risquent d'être paralysées et tout le processus électoral en prendrait un sérieux coup. La crise parait, pour le moment, sans issue.

B.O

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