Ramadan en Tunisie : les yeux plus gros que le ventre!

Ramadan en Tunisie : les yeux plus gros que le ventre!

« La consommation est devenue la morale de notre monde. »

Le gaspillage alimentaire est le fait de jeter ou de supprimer des aliments encore comestibles. Le gaspillage alimentaire se produit tout au long de la chaîne d'approvisionnement, depuis le stade de la production agricole jusqu'à celui de la consommation, en passant par le stockage, la transformation, la distribution et la gestion. C'est un problème de société environnemental, économique et social. Les enjeux de la lutte contre ce gaspillage sont la lutte contre la faim dans le monde, la réduction de l'impact environnemental de l'alimentation, l'aide aux personnes les plus démunies, l'optimisation de l'agriculture,

Un tiers de la nourriture produite dans le monde gaspillé chaque année

Chaque année, un tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillé, selon une étude de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un tiers de toute la nourriture produite mondialement est gaspillée, « alors que 870 millions de personnes souffrent chaque jour de la faim », rappelle le document dans son introduction. Chaque année, 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont perdues à cause de pratiques inadéquates, pour 54 % en amont, lors des phases de production, de manutention et de stockage, et pour 46 % en aval, lors de la transformation, de la distribution et de la consommation.
La facture de ce gigantesque gâchis est énorme puisqu'elle représente 750 milliards de dollars chaque année

Malgré la crise, la Tunisie rejoint les sociétés de consommation et de gaspillage

On assiste à un grand bouleversement dans les habitudes de consommation du tunisien. Les mauvaises habitudes occidentales s'installent chez nous avec une rapidité fulgurante. Le Tunisien consomme sans limite et toujours plus. Pas d'état d'âme, il est devenu individualiste forcené et formaté par le matraquage des publicités. A ne pas douter que l'idéal économique des capitalistes est d'augmenter indéfiniment le nombre des consommateurs.

Le gaspillage alimentaire coûte à chaque tunisien en moyenne 64 Dinars par mois, soit 18% du total des dépenses alimentaires (364d/mois), selon une enquête de terrain, réalisée par l’Institut National de la Consommation (INC) en ne prenant pas en compte le mois de Ramadan.

Selon l'enquête, le pain figure en première position parmi les produits gaspillés par les Tunisiens, avec un taux de 16% des pains achetés, suivi par les céréales (10%), les légumes (6,5%), les fruits (4%), le lait et ses dérivés (2,3%) et les viandes (2%).

Depuis le 17 mai, selon les interprétations du calendrier lunaire, un être humain sur six a entamé le mois sacré du ramadan, acte de dévotion, de transcendance et de dépassement par rapport à nos instincts, de la retenue et de la spiritualité.

Dans son sens étymologique le « siyam » (action de jeuner) a une double acception. Il renvoie à l’idée « d’arrêt, d’abstinence », mais aussi «d’élévation».  S’abstenir de manger, de boire, transcender ses désirs, maîtriser sa langue… afin de s’élever spirituellement pour atteindre la piété, tel est le sens profond du jeûne en islam.

Mais malheureusement, le Ramadan bouleverse les comportements sociaux, fait exploser la consommation alimentaire, provoque l’inflation, dope les audiences télévisées… et complique la mise en œuvre des tâches régaliennes de l’État : veiller à l’approvisionnement du marché, lutter contre la spéculation et l’inflation, assurer la sécurité face à la menace terroriste…

Dans la plupart des pays musulmans, difficile durant cette période d’échapper au matraquage publicitaire de ces entreprises, affichant ostensiblement des produits alimentaires (plats cuisinés, bouillons, laits…) avec l’estampillage d’usage «Ramadan Moubarak» ! Ces annonces commerciales conçues spécialement pour le ramadan semblent avoir plus de résonnance auprès de la population. En fait, le sentiment de faim occasionné par le jeun aiguise les appétits et rend les jeûneurs plus audibles aux messages subliminaux des annonceurs.  Cette association d’idée « ramadan-consommation » est un non-sens total et une trahison de l’esprit du ramadan !

Le directeur général de l’Institut national de la consommation Tarek Ben Jazia a lancé ce jeudi 24 mai 2018 un véritable signal d’alerte quant au gaspillage alimentaire du consommateur tunisien, lequel s’accroit massivement pendant le mois du ramadan plus de 400% par rapport au reste de l’année.

La consommation du pain double et augmente d’une année sur l’autre. Plus de 850 000 pains sont gaspillés par jour. Misère qu’il est accablant ce chiffre !  Cela revient à 300 000 dinars par jour, l'équivalent de 120 000 euros. Ces chiffres sont désolants surtout que le pain est l’un des produits subventionnés par les caisses de l'Etat.

Le pain tunisien est dangereux pour la santé publique en Tunisie. En effet, la baguette tunisienne est l’une des plus salée dans le monde, elle contient un taux de sel « équivalent à un verre d’eau de mer (100 millilitres d’eau salée) ».

La consommation massive des boissons gazeuses (qui augmente de 155% pendant le mois du ramadan par rapport à la période qui le précède) est un facteur majeur pour le diabète et très néfaste pour la santé du consommateur. Un litre de boisson gazeuse contient 22 morceaux de sucre, ce qui «».

Ailleurs chez les pays musulmans les choses se passent de la même manière. En Algérie, pendant le ramadan, sur les 10 millions de quintaux de légumes achetés pendant cette période, 500 000 seront jetés à la poubelle ; de même que les baguettes de pain dont 120 millions sur 4,1 milliards achetées seront jetées aux ordures ou encore pour les 12 millions de litres de lait sur 150 millions achetés. Aux Emirats et à Bahreïn, plus de 40% des aliments préparés chaque jour pendant le ramadan pourraient finir à la poubelle.

Eduquer le consommateur

Pour modifier les habitudes du consommateur, l'éducation à l'école et les initiatives politiques constituent de bons points de départ possibles, selon le rapport. Il convient de faire comprendre aux consommateurs qu'il est inacceptable de jeter inutilement à la poubelle de la nourriture qui aurait pu servir.

Il convient également de lui faire admettre qu'en raison de la disponibilité limitée des ressources naturelles, il serait plus rentable de réduire le gaspillage de nourriture que d'accroître la production agricole pour nourrir une population mondiale croissante.

Il est temps de s’intéresser à ce gâchis qui touche notre jeune société de consommation. Il faut penser à  promulguer une loi sur le gaspillage alimentaire, à l’instar des pays comme la France et l’Italie, laquelle encourage les restaurants et les grands surfaces commerciaux à se débarrasser du reste des plats et des produits alimentaires au profit des associations caritatives comme les Restaurants du cœur ou le secours catholique et les épiceries sociales.

Soyons prudents, et évitons d’acheter plus que ce que l’on a besoin. En clair, n’ayons pas les yeux plus gros que le ventre, même lorsque parfois, la faim et la gourmandise nous guettent.

A.K

 

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