Tunisie: toute la lumière sur le « Fonds de la dignité », ou le « Fonds de la discorde »

Tunisie: toute la lumière sur le « Fonds de la dignité », ou le « Fonds de la discorde »

La polémique enfle autour du « Fonds de dignité et de réhabilitation des victimes de la dictature » à l’occasion de l’examen du projet de la loi des finances. Le groupe parlementaire de Nidaa Tounes a proposé sa suppression pure et simple et son remplacement par un nouveau Fonds destiné aux plus démunis. Mais cette proposition a été rejetée par la commission des finances et au cours de la plénière.

Sans revenir sur cette polémique qui a plombé les débats budgétaires et impacté le climat politique déjà délétère, il faut revenir aux sources de ce Fonds. Il a été créé par la loi des finances pour l’année 2019, et votée en décembre 2013 par l’Assemblé nationale constituante dominée à cette époque par le mouvement Ennahdha. L’article 93  de la dite loi stipule en effet «  est créé un Fonds spécial dénommé « Fonds de la dignité et de la réhabilitation des victimes de la tyrannie » ayant pour objet la contribution au dédommagement des victimes de la tyrannie dans le cadre de la justice transitionnelle. Les modalités d’organisation du fonds, de sa gestion et de son financement sont fixées par décret ».

Ce même Fonds se retrouve, in extenso dans l’article 41 de la loi organique du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et son organisation votée, également par l’ANC le 24 décembre de la même année.

Et ce n’est qu’en mars 2018 que le décret portant organisation de ce Fonds et ses modalités de financement a été publié par l’actuel chef du gouvernement Youssef Chahed, soit à peine deux mois avant la fin réglementaire des activités de l’IVD, fixée au 31 mai 2018. Son budget se compose d’une partie des biens devant revenir à l’Etat et provenant des arrangements à l’amiable de la commission d’arbitrage de l’IVD avec les personnes impliquées dans des violations ainsi que des dons. Pour commencer l’Etat va verser une contribution de dix millions de dinars au fonds.

Une commission sera créée au sein de la présidence du gouvernement pour assurer la gestion du fonds. Elle sera présidée par un représentant de la présidence du gouvernement et se compose de:

  1. Un représentant du ministère de la justice,
  2. Un représentant du ministère des finances,
  3. Un représentant du ministère du développement et de la coopération internationale,
  4. Un représentant du ministère des affaires sociales,
  5. Un représentant du ministère de la santé,
  6. Un représentant du ministère des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile,
  7. Le chargé du contentieux de l’Etat.

Selon le projet de loi de finances pour l’année 2018, l’Etat ne versera plus aucune autre somme dans ce Fonds.

Il est à rappeler que le député de Nidaa Tounes Mohamed Fadhel Ben Omrane a menacé de recourir avec certains députés à la justice si un millime de la somme allouée à ce fonds est dépensé en vertu de l’article 3 du décret n°211 de l’année 2018, relative à la fixation des modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement du fonds de dignité et de réhabilitation des victimes de la dictature, à sa gestion et à son financement. D’après lui, il est erroné que la somme allouée à ce fonds soit déterminée par un décret gouvernemental, considérant que ceci est inconstitutionnel.

Ben Omrane a demandé de réviser la loi organique de la justice transitionnelle, en la soumettant à un référendum populaire. Il a fait remarquer que l’indemnisation des dégâts financiers sera supportée par le peuple qui souffre de la cherté de la vie, face au glissement du dinar et à l’augmentation du taux de chômage.

Lui répondant, Samir Dilou (Ennahdha) a souligné que le montant dédié à ce fonds est dérisoire et ne représente que 0,00024% du total du budget de l’État, niant que les bénéficiaires du recrutement dans la fonction publique dans le cadre de la loi n°4 de l’année 2012 appartiennent tous au mouvement Ennahdha.

Dilou s’est dit attaché à ce fonds qui est, selon lui, un impératif pour faire réussir la justice transitionnelle. De son côté, le député Salem Labiadh a demandé de ne pas intégrer la question du fonds de dignité dans les tiraillements politiques, précisant que cette question se transforme en une lutte idéologique.

Votre commentaire