Encore une journée nationale tombée dans l'oubli

Encore  une journée nationale tombée dans l'oubli

Pour fêter le 173e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, le défunt président de la République, Béji Caïd Essebsi, a décidé, en 2019, de faire de la journée du 23 janvier de chaque année une journée nationale de l'abolition de l'esclavage et de la traite des humains. Mais comme la plupart des autres journées, celle-ci est, à son tour, tombée dans l’oubli.

Pourtant, notre pays fut pionnière dans l'abolition de l'esclavage. Il faut, en effet, remonter à 1846 quand Ahmed Bey 1er, lui-même fils d'esclave, décida par un décret beylical d'abolir définitivement l'esclavage, avant bien des pays développés dans le monde comme les Etats-Unis d'Amérique, en décembre 1865, ou encore la France où il a été définitivement aboli en avril 1848.

D’autres pays comme la Suède (1847), la Russie (1861), L'Espagne (1880), la Chine (1909), l’ont aboli après la Tunisie. Passe pour les pays arabo-musulmans qui ont mis beaucoup de temps pour se résoudre à faire disparaitre cette pratique inhumaine. C’est le cas du Maroc (1922), l'Irak (1924), l'Iran (1929), l'Arabie Saoudite (1968), la Mauritanie (1980), le Pakistan (1992)....

Procédant par étapes, Ahmed Bey 1er avait commencé par fermer « le marché aux esclaves de Tunis et annoncé en décembre 1842 que toute personne née dans le pays était désormais libre ». Pour éviter le mécontentement de la population blanche et assurer à son décret une couverture religieuse, il obtint au préalable des « fatwas des oulémas dont celle, sans précédent dans le monde arabo-musulman, accordée par le grand mufti Sidi Brahim Riahi ».

Pour l’historienne Mounira Chapoutot-Remadi*, l'esclavage est une institution vieille de plusieurs siècles et elle était générale dans l'Antiquité. Ce phénomène n'est donc pas lié à une religion ni à un espace géographique. La guerre et le commerce étaient les principales sources de l'esclavage. L'avènement des religions monothéistes allait, d'une certaine manière, contribuer à freiner sinon à diminuer le phénomène. Pour le christianisme comme pour l'islam, Il était interdit de réduire en esclavage, un coreligionnaire. L'émancipation de l'esclave était même un acte de piété recommandé en Islam. L'esclave femme devenue mère d'un garçon, Umm walad ne pouvait plus être vendue mais devait être affranchie.

Le vocabulaire arabe emploie une terminologie variée pour les désigner. L'esclave noir est appelé : 'abd, wasif, khadim, chouchen, hartani (pluriel Harratin) et akli en berbère ; l'esclave blanc : mamluk, 'ulj, saqlabi, rumi, jarkassi, turki, ... quand l'origine ethnique est précisée. Les tâches domestiques étaient réservées aux noirs, les fonctions miliaires généralement aux autres.

Célébrer cette journée est une juste reconnaissance de cet événement historique.

*Article publié dans Leaders le 23 Janvier 2013.

 Mounira Chapoutot-Remadi est décédée le 23 octobre 2023.

 

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