Il y a vingt ans, le premier et seul (jusqu’ici) référendum en Tunisie : Saïed dans les pas de Ben Ali ?!

  Il y a vingt ans, le premier et seul (jusqu’ici) référendum en Tunisie : Saïed dans les pas de Ben Ali ?!

Le 26 mai 2002, il y a juste 20 ans, se tenait le premier et seul référendum organisé jusqu’ici en Tunisie. Si officiellement son initiateur est l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali qui l’a annoncé le 7 novembre, lors du 14ème anniversaire de son « coup d’état médical », c’est son ministre d’Etat conseiller spécial Abdelaziz Ben Dhia, lui-même professeur de droit constitutionnel en est « la tête pensante ».
Elu en 1989 Ben Ali achevait en 2004 les trois mandats constitutionnels, ce qui a rendu cette modification indispensable pour demeurer au pouvoir.
C’était d’ailleurs la finalité de l’amendement de la Constitution de 1959 proposé aux Tunisiens, même s’il a fallu toucher à d’autres sujets pour mieux faire passer la pilule.
Ainsi la mesure phare a concerné la suppression du nombre limité de mandats présidentiels (à trois jusque-là) et de repousser l’âge limité fixé auparavant à 70 ans à 75 ans, ce qui permet à Ben Ali natif de 1936 de se présenter en 2004 et 2009.
Quasiment la moitié des articles de la constitution de 1959 sont touchés. Puisque 38 des 78 des articles et la plupart de ses chapitres sont amendés à cette occasion afin, selon son initiateur, de faire évoluer le système politique vers une république plus moderne appelée « République de demain ». Les termes « droits de l'homme » et « État de droit » font ainsi leur entrée dans le texte constitutionnel.
La réforme institue également l'irresponsabilité pénale du président de la République. Ce dernier bénéficie d'une immunité juridictionnelle durant l'exercice de ses fonctions mais aussi après la fin de l'exercice de celles-ci en ce qui concerne les actes qu'il a accomplis à l'occasion de son mandat. Elle introduit également un potentiel second tour pour les élections présidentielles1.
Elle affaiblit également la Chambre des députés en la doublant par la Chambre des conseillers élue indirectement et dont un tiers des membres est désigné par le président6. Contrairement à la Chambre des députés, aucun mécanisme n'est prévu pour représenter l'opposition dans la nouvelle chambre législative, ce qui explique pourquoi le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti au pouvoir, reste le seul parti représenté dans cette enceinte en plus des organisations professionnelles. Elle élargit en revanche les prérogatives du Conseil constitutionnel en matière électorale. Cependant, le président peut toujours nommer sept des neuf membres du conseil, qui doit veiller à la validité des candidatures à l'élection présidentielle, les deux autres étant nommés par le président de la Chambre des députés7, lui-même membre du RCD.
Quarante amendements sont proposés par les parlementaires, un seul n'étant finalement pas retenu par le gouvernement : celui-ci proposait l'allongement de la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans. La réforme est approuvée par la Chambre des députés le 3 avril 2002, à une très large majorité, avec aucune voix contre et six abstentions. Une commission parlementaire ad hoc est créée et seize réunions publiques sont consacrées au projet de réforme, avec 750 interventions, dont 180 faites par l'opposition. Les débats sont qualifiés par Ali Chaouch, secrétaire général du RCD, de « contradictoires, vifs et approfondis » mais aussi « intenses ». Pour lui, « l'opposition a joué un rôle pas seulement critique mais aussi constructif »8. Ismaïl Boulahya, secrétaire général du Mouvement des démocrates socialistes, indique pour sa part :
« Nous devons œuvrer pour que le référendum soit le point de départ d'une nouvelle dynamique et que la consultation se déroule dans la transparence3. »
Certains militants de l'opposition confirment que « tout se fait dans la transparence et les citoyens peuvent vérifier les listes à tout moment ».
La campagne d'explication de la réforme s’est déroulé du 12 au 24 mai 2002. Des subventions ont été accordés, à égalité, aux partis politiques afin qu'ils y participent et des observateurs et journalistes étrangers sont invités1. Le référendum, tenu le 26 mai, est validé avec un score de 99,52 %.
Une autre partie de l'opposition critique un certain « enterrement de la République » pendant que Sadri Khiari qualifie cette réforme de « putsch masqué »12. Pour Hamadi Redissi, la constitution livre la présidence au hasard de la biologie, faisant de la présidence une « présidence à espérance de vie ». Ahmed Néjib Chebbi y voit « un projet qui tourne le dos aux aspirations des Tunisiens à la démocratie » ; pour Mustapha Ben Jaafar, il s'agit là d'un « pas en arrière ». Le 20 mars 2001, Mohamed Charfi avait rendu public un Manifeste de la République signé par une centaine de personnalités de la société civile et qui mettait en garde contre cette réforme constitutionnelle qui prolonge la durée des mandats présidentiels
Assistant de droit constitutionnel, l’actuel président Kaïs Saïed fut parmi ceux qui ont participé à la campagne explicative de ce référendum constitutionnel. Il n’imaginait pas certainement pas que vingt ans plus tard, c’est lui qui sera l’initiateur du second référendum constitutionnel que la Tunisie connaitra.
(Avec Wikipédia)

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