La Géo-finance, la pièce manquante du puzzle boursier !

La Géo-finance, la pièce manquante du puzzle boursier !

Par Mahjoub Lotfi Belhedi, Spécialiste en réflexion stratégique

Dans son rapport publié en 2022, l’agence « Mody’s Investors Service » pointe du doigt les turbulences géopolitiques, tels que le conflit Ukrainien, la montée du protectionnisme et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, en tant que facteur majeur de risque des marchés financiers à l’échelle planétaire. En termes précis qui ne laissent place ni à l’incertitude ni au doute, Kelvin Dalrymple, vice-président et responsable du crédit chez moody’s déclare  que « La géopolitique peut perturber la stabilité économique, financière, institutionnelle et politique et peut affecter directement le crédit ».

Si la peur et la cupidité sont traditionnellement admis comme étant les principaux vecteurs émotionnels des fluctuations des cours  sur les marchés financiers, les chocs géopolitiques amplifient ce phénomène notamment auprès des investisseurs institutionnels en instaurant un « Brouillard épais et global » au sein des places boursières aux conséquences macro/micro économiques désastreuses dont la « géocoronavirus » et « le conflit Ukrainien » représentent  ses révélations  les plus dramatiques…

Voyons de tous prés les trajectoires empruntées par ses deux « big bang » géopolitiques aux incidences boursières désastreuses :

- Dans sa fameuse note relative aux impacts du Covid-19 sur les marchés financiers publiée le 17 Juin 2020, « Tunisie Valeurs »  souligne en gros caractères « qu’au vu de la hausse exponentielle du nombre de contaminations dans le monde, aux confinements massifs et à la crainte d’une récession économique mondiale, les marchés ont chuté les uns après les autres. Ces évènements ont causé la plus grande liquidation d’actifs depuis des décennies, d’un montant avoisinant 18 trillions de dollars…D’un point de vue fondamental, il va sans dire que les retentissements de la crise du COVID-19 ont jeté une ombre sur les perspectives des sociétés cotées et devraient se faire ressentir sur leurs réalisations sur la période 2020-2021… ».

- Suite au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne,  les valeurs du CAC 40 – à l’image de Société Générale ou Renault – ont été néfastement impactées, sachant que la France constitue le premier employeur étranger en Russie selon la « BFM Bourse » dans l’un de ses rapports ayant pour intitulé « CAC 40 : avec la guerre en Ukraine, quel impact du conflit sur les valeurs du CAC 40 ». N’en parlons pas des retombées maléfiques de cette guerre sur les marchés agricoles surtout pour les pays dont la sécurité alimentaire dépend largement des importations russo-ukrainiennes en céréales.

Face à ce constat préoccupant, les places boursières se mettent en quête d’une meilleure approche analytique  de prédiction  des tendances boursières, autrement dit, faut-il continuer à privilégier,  l’analyse fondamentale contre l’analyse technique ou vice-versa ? Fallait-il imiter une posture d’hybridation entre les deux méthodes ou intégrer la composante géo-finance dans le process d’analyse ? Autant de questions restées, jusqu’à présent, sans aucune mise au point structurée et précise…

Dans ce cadre interrogatif, il est fort utile d’identifier, au préalable, les limites des méthodes d’analyse les plus prisées par les places boursières, en l’occurrence la méthode fondamentale et la méthode technique, puis d’examiner la faisabilité d’intégrer la pièce géo-finance au grand puzzle boursier.

I- Sur les limites des Méthodes d’analyse boursière (fondamentale/technique)… 

En dépit de ses atouts en termes d’évaluation de la santé financière des entreprises et l’identification et la catégorisation de la valeur des titres via « une boîte à ratios » rigoureuse et variée, la méthode d’analyse fondamentale demeure victime de son aspect fondamentaliste imprécis à portée long/moyen termiste incapable de percevoir au moment opportun les signaux faibles d’un basculement géopolitique imminent - à ma connaissance aucune analyse fondamentale n’a pas pu prédire les implications géopolitiques du Coronavrirus sur les marchés boursiers !?- pourtant l’effet papillon de cette pandémie a été mis en avant dans mon article «  Vers une géopolitique aux ondes Covidiennes » partagé par plusieurs organes de presse et think tank, décrivant la physionomie du monde post-Covid comme suit :

Il est fort probable qu'une carte géopolitique post-Coronavirus á feu et à sang verra le jour  dans certains pays du Moyen orient,  du  Maghreb et de l’Afrique subsaharienne.

Attise les tensions  entre les grands blocs internationaux où de sérieuses soubresauts géopolitiques sont prévisibles, surtout avec un oncle Sam affaiblit, une Union Européenne en quête  d'une nostalgie solidaire offensée durant cette crise, et une Chine et une Russie en union sacrée pour le meilleur et le pire ! 

Alors que l’analyse fondamentale se concentre sur le long terme, l’analyse technique vise le court terme, « elle porte sur l’étude  des cours, résultat de la confrontation entre l’offre (les ordres de vente) et la demande (les ordres d’achat) ». Dans sa construction de scénarios  prédictifs, la méthode d’analyse technique s’appuie « sur des tendances graphiques et des formations historiques pour prédire la direction que prendront les cours d’un actif », à cet effet, elle dispose d’une panoplie d’outils (figures chartistes, en chandelier japonais ou en ligne…) , et d’un ensemble de configurations (structure de retournement, de poursuite ou d’essoufflement…) visant à répondre à la question suivante : « Quand acheter une action en bourse ? » et non pas « Quelle action à acheter ? » précieuse aux yeux des traders adeptes de l’école fondamentale.   

Cependant, selon les  professionnels les plus chevronnés en trading, l’analyse technique n’est pas une boule de cristal,  elle connait aussi, à l’instar de la méthode d’analyse fondamentale, des limites, pour eux « il n’existe pas d’algorithme qui permet d’utiliser le passé pour prévoir avec certitude les mouvements du prix de l’action. C’est pourquoi l’analyse technique n’est pas infaillible et qu’il faut être conscient de ses limitations. Grosso modo, il est toujours possible que, même si tous les indicateurs convergent pour vous fournir des signaux d’achat, le prix de l’action continue à baisser… ». De même, les approches combinatoires des deux méthodes d’analyse n’ont pas pu dissiper la masse supérieure du « Brouillard épais et global » cité en haut, au contraire les places financières boursières continuent à fonctionner sous l’emprise des chocs géopolitiques aux multiples aléas et caprices…

II- Sur l’incorporation de la géo-finance dans le process d’analyse …

Comme étant la détection des chocs géopolitiques et l’étude de leurs impacts sur les marchés boursiers mondiaux, la géo-finance évolue dans un contexte international de plus en plus incertain littéralement balayé par des secousses géopolitiques à géométrie//amplitude, nécessitant, de facto, le recours à des stratégies d’investissement à dominante défensive et à des initiatives de type « endiguement », entre autres :

L’élaboration de la théorie du black swan (cygne noir) théorisée en finance par l’universitaire et l’ex-trader à Wall Street « Nassim Nicolas Taleb » selon  laquelle, il s’agit « d’un événement hors du commun, hautement improbable aux conséquences catastrophiques ». Pour le professeur Taleb  « la finance est influencée par des cygnes noirs, ces évènements peu probables mais qui, s’ils se réalisent, ont des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle… » . Selon cette théorie, il est quasi-impossible aux sciences statistiques de les deviner et par conséquent les marchés financiers ne seront jamais à l’abri d’un cygne noir sous forme de bulles ou de crach (les évènements de 11 septembre 2001, la crise financière de 2008 etc…).

La mise en place « d’une prime de risque géopolitique » spécifique dont la quantification varie selon les modèles financiers adoptés.

Le développement d’un « indice de risque géopolitique », il s’agit d’un indicateur de mesure des implications des tensions géopolitiques sur la stabilité économique mondiale. Concrètement, « cet indice est basé sur le nombre et la tonalité des articles liés aux tensions géopolitiques dans les principaux journaux internationaux, il utilise des algorithmes pour analyser le texte des articles et évaluer le niveau de risque à un moment donné ».

Malgré le caractère terre-à-terre, notamment des deux derniers outils, le haut degré d’imprévisibilité de la composante géofinance mérite l’emprunt d’une voie multi-directionnelle reposant sur un système de veille pro-active intelligent, bien sûr via l’IA, capable de détecter les signaux faibles (informations  fragmentées, non structurées et incomplètes) qui sont susceptibles à provoquer des changements tendantiels importants dans la dynamique du système étudié. Il va de soi, que ce système de veille exploite les ressources (signaux, scénarios) issues directement de la méthode technique, fondamentale et celles générées par « L’indice de risque géopolitique »*.

* Dans ce sens, j’ai conçu un modèle relatif à « La géopolitique appliquée aux affaires » ayant pour titre « Belhedi.inov 2 » protégé auprès de l’Organisme Tunisien des Droits d’Auteur et Droits Voisins (OTDAV), et mis à la disposition des investisseurs, des professionnels et des universitaires..

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