L’affrontement entre partisans et adversaires de l’IVD commenté dans la presse internationale

L’affrontement entre partisans et adversaires de l’IVD commenté dans la presse internationale

Le vote de l’Assemblée des représentants du peuple contre, dans la nuit du 26 au 27 mars 2018, contre une prolongation du mandat de l’Instance Vérité et Dignité, a été diversement commenté dans la presse internationale. La séance qualifiée de « houleuse » par le journal le Monde, au cours de laquelle « se sont affrontés partisans et adversaires du bilan de Mme Sedrine, fragilise le processus de justice transitionnelle en Tunisie » ajoute le quotidien français. « Le conflit » qui « couvait depuis de mois » a fini par éclater « au grand jour, lundi 26 mars, au cœur du palais du Bardo à Tunis sous la forme d’un vote négatif émis par la majorité de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) contre l’institution emblématique de la justice transitionnelle en Tunisie, l’Instance vérité et dignité (IVD) ».

Francetvinfo, de son côté, écrit que « la passion l’a souvent emporté lors du débat à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) », ajoutant que « les parlementaires ont même failli en venir aux mains ! ». Elle cite le député « kamikaze » Mabrouk Hrizi, qui « expliquait qu’il était « venu dans l’hémicycle en kamikaze et je suis là pour vous faire exploser !». Un peu plus tôt, il avait apostrophé en ces termes le président de l’Assemblée, Mohamed Ennaceur, deux fois ministre sous Habib Bourguiba (premier président tunisien de 1957 à 1987): «Vous devez être jugé pour haute trahison. Cette séance est une atteinte à la légitimité».

« Ce débat » souligne le site Francetvinfo « voit se confronter deux camps. D’un côté, le parti majoritaire Nidaa Tounès du président Caïd Béji Essebsi (avec d’autres partis comme Machrou Tounès, le Bloc Al-Watania…), qui exigeaient que la prolongation soit décidée par l’Assemblée. De l’autre Ennahdha et la formation de Mabrouk Hrizzi qui estimaient le contraire ».

Il conclut : « Reste à savoir ce qui va désormais se passer. Avec le vote de l’ARP, l’IVD risque de manquer de manquer de moyens, explique Eric Gobe. Elle risque surtout de cesser son travail en mai ». 

L’Express, à son tour, a dans un long article, écrit que « l'Instance Vérité et Dignité (IVD), instaurée pour faire la lumière sur les violations des droits de l'Homme et la corruption ces dernières décennies, a été désavouée au Parlement, un coup dur supplémentaire pour un organisme né de la transition démocratique en Tunisie. Le parti Nidaa Tounès et ses alliés de la majorité ont voté tard lundi contre la prolongation du mandat de l'IVD, estimant que l'instance et sa présidente Sihem Ben Sedrine étaient périmées ». 

La non prorogation du mandat de l’IVD « illustre la défiance chronique dont souffre l'IVD, malgré son rôle crucial dans la transition démocratique ».

Evoquant les témoignages des « victimes de la dictature », l’Express souligne qu’ils « ont constitué un temps fort des travaux de l'IVD, et un choc avec les récits déchirants de victimes. 

Cette libération de la parole a été jugée indispensable par certains pour pardonner et tourner la page. 

Mais d'autres ont estimé ces témoignages contre-productifs et porteurs d'un esprit de revanche ».

Les détracteurs de l'IVD assurent ne pas vouloir s'attaquer à la justice transitionnelle, concentrant leurs griefs sur sa présidente, une personnalité clivante violemment prise à parti lundi soir. 

Dénonçant la décision du Parlement, les soutiens de l'IVD reprochent quant à eux au président de l'Assemblée, Mohammed Ennaceur, d'avoir mené le vote au pas de charge, en dépit d'un quorum insuffisant et de polémiques sur la nécessité d'un vote, l'accusant de "conflit d'intérêt". 

Jeune Afrique a écrit qu’il « aura fallu deux journées de séances parlementaires, plusieurs interruptions et un report pour que le Parlement tunisien vote, lundi 26 mars tard dans la soirée, contre une prolongation d’un an du mandat de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), chargée de rendre justice aux victimes de la dictature et des violations des droits de l’Homme en Tunisie ». Cependant, plusieurs députés qui ont voté contre la prolongation du mandat, ont précisé ne pas s’opposer au principe de « justice transitionnelle » mais à la présidente de l’IVD, Sihem Ben Sedrine, qu’ils accusent d’être « incompétente » et « corrompue ». C’est le plus gros scandale de l’histoire de l’Assemblée depuis Jallouli Farès », a fustigé le député Imed Daimi.

Le journal la Croix a préféré donner la parole à Kamel Jendoubi, l’ancien ministre des droits de l’homme et de la société civile dans le gouvernement Habib Essid et ancien président de l’instance tunisienne supérieure indépendante des élections (Isie). Ce dernier n’a pas été tendre avec le président de la république Béji Caid Essebsi qui est, selon lui, un « farouche opposant à la justice transitionnelle », mais également avec « les islamistes » qui sont « plus isolés sur la scène internationale et avaient besoin de sauver l’alliance avec le parti présidentiel ».

L’IVD, a-t-il notamment affirmé, « est très mal partie. Des pouvoirs considérables ont été accordés à cette instance qui échappe à tout contrôle. D’où d’ailleurs le conflit actuel de savoir si elle peut se prolonger elle-même ou si cela est du ressort de l’assemblée des représentants du peuple ». « Elle s’est révélée très partisane dès le début, composée majoritairement d’islamistes ou de sympathisants du parti Ennahdha. Khemais Chammari, probablement le meilleur connaisseur de la justice transitionnelle en Tunisie, élu membre de l’IVD, a d’ailleurs d’emblée démissionné au vu de la composition de l’instance ».

Il lui reconnait, toutefois, d’avoir « pu en partie établir la vérité sur la répression et la torture, notamment lors des grandes audiences publiques pendant lesquelles les victimes se sont exprimées. Cela a certes été profitable. Mais le bilan n’est pas positif ».

Il préconise, enfin, « un audit pour dresser un réel bilan du travail de l’IVD, pour formuler des recommandations et sauver le processus de justice transitionnelle »

Le Monde : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/27/en-tunisie-hypotheque-sur-la-justice-transitionnelle_5277210_3212.html

Francetvinfo : http://geopolis.francetvinfo.fr/tunisie-heurs-et-malheurs-de-l-instance-verite-et-dignite-184141

L’Express : https://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/la-justice-transitionnelle-desavouee-en-tunisie-sept-ans-apres-la-revolution_1995760.html

Jeune Afrique : http://www.jeuneafrique.com/546008/politique/tunisie-le-refus-de-proroge...

La Croix : https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Kamel-Jendoubi-chef-d-orchestre...

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