Le banditisme pédagogique Tunisie: Epilogue d’une histoire d’un collège privé

C’est une histoire abracadabrante qui a défrayé la chronique dans la banlieue nord de Tunis, sujet d’un premier article intitulé « Le banditisme

pédagogique : Histoire d’un collège privé » publié dans cet excellent espace de libre expression, en Juillet 2011.

Banditisme dont fut victime un brillant élève de 11 ans (admis au concours d’accès aux collèges pilotes et inscrit de droit sans passer de test) en lui déniant la réinscription pour la rentrée scolaire 2011-2012, parce que sa mère, professeur de son état, eut le courage de briser le mur du silence en critiquant les méthodes d’enseignement et la fragile assise pédagogique de ce collège privé de la banlieue nord.

Un collège au dessus des lois !

Le directeur dudit collège, entreprise familiale, affirme froidement, qu’il s’arroge le droit d’accepter et de renvoyer qui bon lui semble. Le sort de l’élève est ainsi tributaire du bon vouloir de l’administration, réponse qui empli de fureur un haut responsable du Ministère de l’Education, après avoir conversé avec le directeur du collège pour s’enquérir de la situation de l’enfant.

Ce respectable responsable n’en croyait pas ses oreilles « … j’ai failli demander des excuses pour les avoir dérangés, ce collège est en flagrante infraction de la loi, j’avais l’impression d’être encore pré 14 Janvier... » répliquât-il !

En effet, la direction se fait fi du Ministère de tutelle et ignore complètement la loi, ou prétend l’ignorer, surtout la loi d’orientation de l’éducation de 2002, qui selon le collège est désuète et n’a plus force loi comme la constitution de la république !

Comme le silence vaut refus !

La gente dame, mère de l’enfant objet de l’article, a expédié trois lettres recommandées, sans que celles-ci soient suivies d'effets : une réponse de refus de réinscription les compromettrait outre mesure vis-à-vis de la loi en vigueur !

En Septembre, à l’approche de la rentrée scolaire, son enfant non réinscrit, la mère dépitée, se déplaça au collège pour avoir une réponse définitive. Fidèles à leurs tristes traditions, on lui répondit d’aller se plaindre et de les poursuivre en justice si elle le désire, à leur dires, ils n’ont fait qu’appliquer le règlement interne, « … Madame, vous avez dépassé les délais de réinscription fixés au 31 Janvier 2011… en outre votre article a discrédité notre collège… » rétorquait le directeur, « … de toutes façons, le pays est en plein désordre, le Ministère n’a aucune autorité sur nous et la justice est bien occupée à autre chose… ».

Pourtant, des élèves ont bel et bien étés réinscrits en Juin ! Plusieurs parents ont fourni à la dame, des photocopies des chèques d’inscription de leurs enfants datés des mois de Mai et Juin. Solidarité oblige !

La dame a fortement apprécié ce geste spontané de solidarité, mais a refusé de présenter les copies des chèques à l’administration du collège, par crainte que les enfants de ces courageux parents ne subissent la vindicte de cet établissement et faire, ainsi, les frais de cette controverse.

Coup de théâtre ! Revirement de la position du collège

Quand la mère demanda à récupérer le dossier scolaire de son enfant pour l’inscrire dans une autre institution, le directeur passa, furtivement,  un coup de téléphone, à l’autre bout du fil, parait-il, on lui fit injonction de réinscrire l’enfant !

Le directeur présenta ses excuses et proposa à la mère de tourner la page, lui assurant que son enfant est toujours le bienvenu au collège, « … ce n’est qu’un petit malentendu, madame... on règle ça tout de suite ».

Débandade ou repli tactique ?

Ce soudain changement d’attitude est une conséquence logique de la réaction des parents scandalisés, que j’applaudit par un vibrant satisfecit, et l’impact de l’article publié quelques mois auparavant, qui aurait éveillé en eux un impératif moral les poussant à se joindre à la contestation de la mère désemparé.

Effectivement, depuis la publication de l’article, les promoteurs de ce collège sont dans leurs petits souliers.

Une respectable dame lança «…votre enfant aujourd’hui, le mien demain, qui sait, on a perdu confiance, mais que faire ils ont une garderie ? ».

Mais, même en faisant amende honorable, impossible de se réconcilier avec la dame surtout après cette surenchère punitive et déshumanisée contre son enfant depuis qu’elle a osé critiquer la pédagogie et les méthodes archaïques d’enseignement dudit collège privé.

Le monde de l'enseignement ne peut pas se prêter À ce jeu, par ailleurs, le Ministère de l’Education fustige le mode de fonctionnement de cette institution très « privée ».

Bref, l’enfant, a été inscrit dans un collège public de son choix de la région, et se trouve, louanges à dieu, très épanoui.

Les parents espèrent que leurs enfants seront automatiquement orientés vers un lycée de bonne renommée de la banlieue nord, « privilège » injustifié accordé, dans le temps, par le Ministère suite aux intercessions de caciques du régime déchu.

Par ailleurs, chers parents désenchantez-vous, les résultats du concours du neuvième sont très modestes et ne sont guère à la hauteur des sacrifices consentis.

Une myriade de solutions

Il n’y a pas de panacée pour endiguer ces pratiques qui risquent de faire des émules dans tout le pays, je me permets à ce titre de proposer des solutions pratiques qui pourraient à moyen terme mettre fin à ces abus qui vont à l’encontre de l’intérêt de l’élève, je citerais :

1.    La création d’une association des parents d’élèves, voire un comité des parents qui serait élu et qui présenterait les doléances des parents, anonymat garanti, afin de les traiter avec l’administration de l’école.

2.    L’instauration d’un conseil d’établissement composé de membres de l’administration, d’enseignants et de parents d’élèves élus.

3.    Le Ministère de l’Education doit mener, périodiquement, des missions d’audit au niveau pédagogique et financier.

A la lumière de l’audit le Ministère pourrait, dans les cas d’abus extrêmes, suspendre le visa de l’établissement, bien sûr en accordant un moratoire d’une année pour pallier les insuffisances constatées.

4.    Le recours aux associations à vocation éducative, que je pourrais énumérer jusqu’à la nausée, pour assister ces écoles à mieux gérer leurs programmes éducatifs et se mettre à niveau.

5.    Le renforcement de la Direction de l’Enseignement Privé du Ministère de l’Education (si elle existe encore), cantonnée à la production de statistiques, en la dotant de moyens humains en conséquence pour que celle-ci puisse remplir la mission de contrôle et de suivi qui lui est dévolue…

J’espère que cet appel ne sonnerait pas creux, et que le Ministère de l’Education réagirait en conséquence tout en rappelant que le secteur privé est en pleine expansion.

Ces abus consacreront la perdition de tels établissements. C’est une question de temps. Leur destin sera désormais scellé si les mesures appropriées ne sont pas prises.

Farouk Ben Ammar, Ph.D
Expert en Education