Le transport intérieur rapide des colis et marchandises, un secteur méconnu qui n'a pas la place qu’il mérite

Le transport intérieur rapide des colis et marchandises, un secteur méconnu qui n'a pas la place qu’il mérite

La chambre syndicale nationale du transport intérieur rapide des colis, relevant de la fédération nationale du transport émanant des structures de la centrale patronale « l’UTICA », a organisé une conférence de presse le mercredi 8 février 2023 au siège de la centrale syndicale.

Cette conférence a été une occasion pour présenter cette jeune chambre récemment créée afin de plaider auprès des administrations et de l’écosystème pour la sauvegarde des entreprises opérationnelles pour le développement et l’organisation du secteur pour qu’il soit régi par des procédures et un cadre juridique sain incitant à l’investissement.

Lors de ce rendez- vous, il a été rappelé que l’infrastructure routière en Tunisie a favorisé le recours au Transport routier avec 710 km d’autoroutes et environ 22 000 km de routes nationales et régionales. Selon le ministère du Transport, le transport routier concentre 85% du transport de marchandises en Tunisie. 

Ce dernier est assuré aujourd’hui par une flotte de quelque 400 mille véhicules appartenant à 1050 entreprises et 3 500 “artisans de transport en 2021. Il participe à plus de 7% du PIB.

Si le transport traditionnel de marchandise continue son évolution et son rôle, le transport intérieur rapide des colis et marchandises est une activité innovante qui combine les techniques de logistiques et de transport optimisées pour offrir aux  différentes activités économiques un service complet de livraison, rapide, flexible, de qualité, et à un prix abordable. 

Dans ce cadre, le transport rapide des colis joue un rôle important, en tant que prestataire des ser-vices de logistique et de livraison pour plusieurs secteurs sans lequel le processus d’échange ne sera pas concrétisé. 

En outre, la branche de transport rapide des colis est une activité de désenclavement des régions de l’intérieur. Elle constitue un axe stratégique de développement des échanges entre les régions pour la création de la valeur. En fait, la branche permet d’intensifier les échanges régionaux et de créer une dynamique interne provocant un effet d’entrainement régional dans tout le pays et notamment pour les régions de l’intérieur.

A ce jour,le transport intérieur rapide des colis et marchandises est un secteur méconnu et ne jouit pas de la place qu’il mérite.  Au niveau du ministère du Transport, cette branche est méconnue. Cpendant, l’analyse des statistiques disponibles indique qu’il existe à ce jour environ 250 entreprises et 2500 artisans dont plus 90% opèrent dans le secteur informel sans dépôt, ni siège social ni même une déclaration d’existence. Cette branche génère environ 10 000 emplois directs et plus 15 000 indi-rects. Les perspectives sont très prometteuses pour la branche du transport rapide des colis et mar-chandises avec le développement du commerce électronique et les livraisons urbaines. Ces deux créneaux se sont développés davantage pendant la pandémie.

L’analyse récente du marché du commerce électronique et du commerce de livraison à domicile montre que le marché a connu une croissance de plus de 36%au cours des trois dernières années. 

Selon ces analyses, on estime à environ 150 000 colis distribués par jour en 2022.  Plus de 50% de ce marché est détenu par les informels. La création de nouveaux emplois est importante, elle est estimée à environ 1 500 emplois directs par an. Cependant plus de 50% des emplois sont précaires car ils sont créés par des non structurés ou des entreprises à risque. 

En effet, on constate que le taux de mortalité est important. Selon nos investigations, 50% des entre-prises qui ont été créées au cours des cinq dernières années sont inactives ou ont déposé leur bilan. En fait, on parle aujourd’hui de moins de 90 entreprises des 250 entreprises structurées qui sont réel-lement opérationnelles dans la branche du transport intérieur rapide des colis.

Les intervenants ont indiqué que les entreprises structurées vivent à ce jour des handicaps dus à la concurrence déloyale exercée par les informels du secteur d’une part et d’autre part par des con-traintes liées à la pression administrative et à l’application d’une loi obsolète trop répressive pour les entreprises structurées. 

En effet, les contrôles et l’application parfois abusive de ces lois, laissent le professionnel de la branche s’orienter de plus en plus vers l’informel. La conséquence de cet état est le taux très élevé des entreprises en cessation d’activité dans ce secteur et la croissance du secteur informel.

Le président de la chambre syndicale nationale du transport intérieur rapide des colis Fadhel Ben Hamzaa déclaré dans ce cadre : « A première vue, le transport rapide des colis est un travail simple ; mais au fond, il exige beaucoup de rigueur, de professionnalisme, de modernisation en termes d’outils de suivi et de gestion. Plusieurs promoteurs qui se sont lancés se sont trouvés en difficulté envers les utilisateurs de ce service à cause de l’absence d’un cadre législatif clair. Ceci s’est manifesté par des pertes réelles pour les clients de la branche et un manque de confiance envers la branche. Cette situation d’anarchie a perturbé le développement d’une branche à fort potentiel. » 

Ce constat a été partagé par les autres professionnels présents dont essentiellement le trésorier de la chambre Sofiane Hammami et l’expert Zouhir ZRIBI qui ont indiqué que les principaux problèmes du secteur se résument à :

-L’absence d’un cadre législatif du transporteur intérieur rapide des colis : les textes ne sont pas adaptés à l’activité : Activité non reconnue par sa tutelle

-Le contrôle routier : au niveau du contrôle fiscal des objets transportés, ainsi que le contrôle douanier des objets transportés. A ce niveau, la saisie du moyen de transport ou de la carte de grise pour un délit non commis par le transporteur constitue une catastrophe pour les professionnels de la branche.

A ce niveau, les administrations fiscales et douanières considèrent le transporteur comme le propriétaire des objets transportés et ne reconnaissent pas qu’il n’est qu’un prestataire de service.  Elles pénalisent le transporteur sévèrement car en plus du blocage de son moyen de production qui lui coûte environ 5000 DT par jour de saisie (leasing, salaires,….), en plus de la perte des clients et des retards de livraison. 

Ces administrations le considèrent comme dealeur et le pénalisent doublement (la pénalité fiscale ou douairière sur la marchandise et la saisie du véhicule et ou de la carte grise, comme si la marchandise lui appartenait. Ceci met les entreprises structurées en difficultés, en cessation de payement et quelques-unes en faillite. A ce niveau, les professionnels demandent que le ministère des Finances considère le transporteur comme prestataire de service et non comme propriétaire de ce qu’il transporte. De ce fait, les délits commis par l’expéditeur seront supportés par l’expéditeur. 
 
Pour faire face à cette situation, il a été rappelé que la démarche de la chambre est de construire une relation de partenariat avec l’administration pour résoudre les problèmes de cette activité, que ce soit avec le ministère des Finances (Direction générale de la douane) ou avec les autres ministères comme celui du Transport, du Commerce ou même de l’Energie et de l’Equipement. L’objectif de la chambre est d’assurer un développement durable et harmonieux d’une branche vitale pour notre économie qui offre des potentiels importants et de diversification économique. 

A ce niveau, la chambre a initié plusieurs actions visant à améliorer l’écosystème  du transport rapide des colis et marchandises. Elle a demandé et réalisé plusieurs réunions avec le ministère des Finances et notamment la direction générale de la douane et la direction générale des impôts et de la législation fiscale. 

Dans un cadre de partenariat pour un développement harmonieux pour le secteur et pour l’économie nationale : 
1 - une note de la direction de la douane a été émise pour délimiter les obligations du transporteur, ce qui est un premier pas mais il reste beaucoup à faire et notamment pour le changement de certains articles du code de la douane, en l’occurrence les articles 290,301, 304, 350.
 
2 – Une note expliquant le rôle et les problèmes du transporteur rapide des colis a été présentée à la direction générale de la législation fiscale. Les adhérents de la chambre ont été appelés à des réunions et plusieurs points ont été discutés, mais aucune décision n’a été prise. 

Entretemps, l’administration fiscale continue à pénaliser le transporteur et à saisir la carte grise en le considérant comme un récidiviste et en lui adressant des procès sur la base des notes émises qui n’ont été pas mises à jour depuis des années. 

Ce laisser- aller a mis le secteur en difficulté et  nous souhaitons plus de coopération et de collaboration avec l’administration fiscale pour délimiter la responsabilité du transporteur.

3 – Le ministère du Transport : Après deux réunions sans résultat, la chambre a convenu avec le ministère de tutelle d’un plan d’action qui englobe trois actions :
-    Abrogation du la loi 33-2004 pour faire inclure l’activité du transport rapide des colis dans ce cadre 
-    Révision du cahier de charge préparé par la chambre 
-    Réalisation d’une étude stratégique pour le développement de la branche des transports rapides des colis.

Le plan d’action de la chambre en 2023 

1.    Suivi des dossiers des contrôles sur les routes (fiscaux et douanier,) avec les organes du ministère des Finances
2.    Réalisation d’actions de communication pour multiplier les adhérents
3.     Faire les études nécessaires et participer avec le ministère de tutelle à mettre en place une organisation idoine pour la branche  
4.     Dans le cadre de la hausse des prix de facteur et pour suivre cette allure, la chambre réalisera une étude basée sur les coûts des facteurs.
5.    Présentation d'une nouvelle version du cahier de charge : le ministère de Transport et notre chambre collaborent pour adopter un cahier de charge qui organise l’accès et délimite la responsabilité du transporteur
6.    Suivi des dossiers des contrôles sur les routes (fiscaux et douanier,) avec les organes du ministère des Finances:la stratégie adoptée sera de maintenir des relations de partenariat auprès de ces deux administrations et entrer dans un processus d’amélioration continue afin que le transporteur ne soit pas la victime des contrôles routiers. 
7.    Organisation des séminaires de formation pour le personnel des entreprises adhérents. En collaboration avec l’Expert, la chambre organisera des séminaires de formation. L’objectif est de perfectionner les cadres des entreprises, notamment dans le cadre de la législation en vigueur.
8.    Organisation   d'un salon du transport rapide des colis avec une journée de réflexion sur la mise à niveau du secteur au mois de décembre 2023 ou au début de l’année 2024.

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