Peuple tunisien, tu mérites mieux ! 

Peuple tunisien, tu mérites mieux ! 

 

Nous avons si peu confiance en nous et une si piètre opinion de nous-mêmes. Nous nous cachons derrière les théories et les accusations quand il nous faut regarder la vérité en face. 

Nous sommes dans la réaction au lieu d’être dans l’action, dans le ressentiment quand il faut être dans l’anticipation. Nos débats sont passionnés quand il faut être pragmatique. Nos débats s’éternisent, mais l’action ne vient presque jamais. 

Entreprenons-nous de construire et d’avancer ? Ou nous contentons nous de regarder impuissant l’Etat s’effondre et de traîner le pas ? 

Le débat sur le procès « symbolique » de Bourguiba dans l’affaire de l’assassinat de Ben Youssef n’est qu’un acte de plus dans la pièce que nous jouons depuis des années. Une pièce mélodramatique, un jeu d’ombres et de marionnettes, un combat « donquichottien ».

Nous pouvons avancer beaucoup d’arguments si l’on est contre. Nous pouvons nous y opposer car ce n’est pas le moment par exemple ou pour des raisons juridiques (…) Au lieu de cela, nos politiques ont été dans la récupération et notre population, encore une fois, dans la passion.
 
Tous ont profité de ce procès : les destouriens, les bourguibistes, les progressistes, les démocrates, les islamistes… Toutes les fractions. Et comme d’habitude nous sommes dans la dualité : les « Bourguibistes » contre les « Youssifistes ». Comme si nous ne pouvions n’être ni l’un ni l’autre. 

Nous pouvons respecter, apprécier et aimer Bourguiba, qui restera à jamais un symbole, sans pour autant en faire un mythe au-delà de toute critique. Nous pouvons être contre les choix qu’a faits Ben Youssef de son vivant sans pour autant refuser à sa famille une réparation morale symbolique. Nous pouvons tous simplement être concentrés sur autre chose et croire sincèrement que nous sommes dans une période où d’autres problèmes plus sérieux devraient requérir nos efforts et notre intérêt ou alors nous pouvons croire qu’il n’y a jamais de bons ou de mauvais moments pour une justice transitionnelle. 

Depuis des années, nous nous accusons, nous nous freinons, nous nous sabotons, mutuellement. Depuis des années nous pointons du doigt des forces étrangères et nous nous disons fatalement que nous ne pouvons construire car ces puissances voudraient que la Tunisie soit un champ de ruine et un camp de désolation. Depuis des années nous refusons de nous faire confiance, de croire en nous et de reconstruire notre état. 

Nous tardons à instaurer nos instances et institutions dont le tribunal constitutionnel. Nous passons à côté de ce qui est important. Nous restons dans les répliques, la diffamation, l’incitation à la haine, voire au meurtre. Nous exerçons une politique à bas échelle, quand la politique peut-être un moyen de nous élever et de bâtir notre patrie. 

Certes nous devons nous critiquer nous-mêmes et les uns les autres, mais pourquoi d’éterniser à nous autoflageller et à nous entretuer ? Critiquer c’est corriger, c’est avancer. L’ineptie totale nous enveloppe. D’autres pays ont connu des crises pires que les nôtres et sont aujourd’hui prospères. Nous nous sentons incapables de faire de même. Pourquoi ? 

Un peuple qui fuit dans des théories de complots, dans des feuilletons plus vides de sens les uns que les autres, dans la passion, dans le déni… Un peuple qui, alourdi de soucis, peinant à subvenir à ses besoins, stressé (…) tente de dissiper ses craintes, ses pulsions et ses problèmes dans la violence. 

Des politiques plus occupés à se briser les uns les autres qu’à construire, plus enclins à servir leurs intérêts que ceux de la patrie. Ils entraînent une population fatiguée dans des élans dont elle n’a point besoin. Ils récupèrent tout, ne donnent rien. 
Au point où on est, une lassitude s’empare de nous. Les visages maussades qu’on croise dans les rues en témoignent. 

Pourtant rien n’est encore perdu. Si seulement nous sortions de notre bulle et nous acceptions de regarder la vérité en face, de tempérer nos passions, de nous critiquer, corriger, construire et nous assurer la prospérité dont nous avons besoin, la prospérité que nous méritons et que nous valons…

Hajer Ajroudi

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