Remaniement ministériel : Deux nominations qui interpellent fortement !

Remaniement ministériel : Deux nominations qui interpellent fortement !

Les deux nouveaux ministres de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche et de l’Education, respectivement Abdelmonem Belati et Mohamed Ali Boughdiri ont prêté serment ce mardi devant le président de la République Kaïs Saïed. Ce qui équivaut à leur installation dans leurs fonctions.

La cérémonie de prestation de serment a eu lieu, comme ce fut le cas avec la nouvelle ministre du Commerce Kalthoum Ben Rejeb sans la présence de la Cheffe du gouvernement Najla Bouden, ce qui renforce le caractère présidentialiste du régime tel qu’il est inscrit dans la nouvelle constitution adoptée le 25 juillet 2022 qui donne le droit au chef de l’Etat de mettre fin aux fonctions des membres du gouvernement de sa propre initiative.

Quand bien même la nouvelle Constitution dispose dans son article 101 que le Président de la République nomme sur proposition du Chef du Gouvernement les membres du gouvernement, le communiqué annonçant le remaniement ministériel n’indique pas que c’est la Cheffe du Gouvernement qui en a fait la proposition au Chef de l’Etat.

Néanmoins, les observateurs ont remarqué que concomitamment avec le changement des deux ministres, le président de la République s’est rendu au Palais du Gouvernement à la Kasbah où il s’est entretenu avec Najla Bouden ce que d’aucuns avaient considéré comme un renouvellement de confiance en elle surtout que ce déplacement a eu lieu le lendemain du second tour des élections législatives marqué toutefois par une large abstention puisque seulement 11,4% des électeurs ont pris part à ce scrutin.

La nomination des deux nouveaux ministres de l’Agriculture et de l’Education n’a pas été accompagnée comme il est d’usage par la publication de la biographie des deux nouveaux promus. Cependant les éléments biographiques obtenus par les médias laissent penser que ces nominations sont hautement significatives sinon qu’elles sont porteuses de messages politiques clairs.

Ainsi Abdelmonem Belati nommé ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche est un général de division de l’armée de l’air tunisienne. Agé de 63 ans, il a fait toute sa carrière dans l’armée nationale. Diplômé de l’Ecole supérieure de guerre, il a accompli sa formation d’officier à l’Académie militaire de Tunis et reçu une formation d’officier pilote à l’Académie de l’air en Italie. La dernière fonction d’Abdelmonem Belati, a été celle d inspecteur général des forces armées.

Avec cette nouvelle nomination deux officiers généraux de l’armée nationale siègent au gouvernement, le précédent étant le Médecin Colonel Ali Mrabet nommé ministre de la Santé par intérim le 6 août 2021 et qui est devenu ministre de plein droit le 11 octobre 2021 dans le gouvernement dirigé par Najla Bouden. Le président de la République a par ailleurs nommé ministre conseiller du président de la République en la personne du Général-Médecin Mustapha Ferjani qui fut précédemment directeur général de la Santé militaire.

Selon les observateurs, la nomination d’un officier supérieur de l’armée nationale à la tête du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche constitue une récompense à l’endroit de l’armée nationale, l’institution qui a la pleine confiance des Tunisiens. On estime qu’un ministère aussi important et complexe que celui de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques de la Pêche a besoin de l’ordre et de la discipline qui sont le crédo de l’armée nationale.

Néanmoins, certaines voix s’élèvent contre la militarisation du gouvernement, ce qui risque d’impliquer l’institution militaire dans des questions politiques forcément objets de controverses et de contradictions.

La seconde nomination celle du syndicaliste Mohamed Ali Boughdiri à la tête du ministère de l’Education interpelle fortement. Docteur en Chimie le nouveau promu a été secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé du secteur privé.

Toutefois, le nouveau ministre qui aura fort à faire avec les multiples syndicats de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire considérés comme parmi les plus puissants dans le pays est l’antinomique du secrétaire général de la centrale syndicale Noureddine Taboubi. Autant ce dernier est un autodidacte sans aucun diplôme connu, autant le nouveau ministre est parmi l’un des syndicalistes ayant le plus haut diplôme dans sa spécialité académique.

D’autre part, Mohamed Ali Boughdiri s’est opposé à la direction de l’UGTT lors du congrès non électif tenu pour modifier les statuts en vue de permettre la prolongation des mandats au-delà des deux termes prévus. Il a été d'ailleurs parmi les syndicalistes qui ont porté plainte devant les tribunaux pour demander l'annulation de ce congrès sans obtenir gain de cause.

Par ailleurs le nouveau ministre a soutenu pleinement le président de la République dans le processus du 25 juillet 2021, ce qui n’est pas le cas de Noureddine Taboubi et ses adjoints qui ont certes appuyé les décisions prises en cette date mais ils ont pris leurs distances à son égard.

Mais si cette nomination est incontestablement politique sinon politicienne, le grand reproche que l’on porte à l’endroit de Mohamed Ali Boughdiri c’est que l’on ne lui connait pas un quelconque intérêt à l’égard du secteur de l’Education, un secteur complexe où les syndicats font la pluie et le beau temps. Parviendra-t-il à dompter ces syndicats, lorsque l’on entend Lassaad Yacoubi, secrétaire général de la Fédération générale de l’enseignement secondaire proclamer que les personnes passent mais les revendications restent les mêmes.

RBR

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