Tunisie: la dignité ne sera rétablie qu’avec le travail
La dignité de l’homme puise ses sources dans sa capacité à créer des richesses, matérielles soient-elles ou intellectuelles…
Je me souviens du discours du 13 Janvier 2011 de l’ancien chef du régime tunisien, plutôt populiste, à la «Evita Peron», et surtout de la réactivité quasi-immédiate de citoyens-entrepreneurs qui s’étaient engagés à recruter pour l’aider à résorber le chômage par la création de quelque 300 000 nouveaux emplois en vue d’apaiser les esprits et freiner l’insurrection, qui loin s’en faut, n’apparaissait pas sur le recul, sans que cela soit véritablement suivi d'effets.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres !
Ou sont passées ces entreprises, qui avant le 14 janvier, ont promis de recruter plus qu’ils n’ont avaient besoin pour accompagner les efforts du chef du régime déchu à créer ces fameux 300 000 emplois providentiels ?
Ou est cet effort volontariste ? Hélas, ces promesses sont renvoyées aux calendes grecques ! Entre les mots et les faits, il y a un abîme.
C’est maintenant que ces entreprises doivent participer à l’effort qu’entame l’Etat pour résoudre le problème du chômage et tenir parole devant le peuple, désormais libre, pas devant l’ancien dictateur en espérant, peut-être, des faveurs en retour voire une médaille lors de la journée nationale de l’entreprise !
La Tunisie aujourd’hui a, plus que jamais, besoin d’entreprises qui acceptent de faire des concessions et moins de profits en recrutant, et ce qui est prouvé, la situation ne perdurera pas, ces entreprises, à moyen terme, gagneraient plus en investissant dans les ressources humaines et cesseraient de compter sur un gouvernement, hélas, trop interventionniste.
Quant à la PRESERVATION des emplois et la formation de main d’œuvre et de personnel qualifié, il fallait, dés le début de l’industrialisation du pays, créer des CLUSTER (Regroupement, sur un bassin d'emploi, d'entreprises du même secteur). Les besoins en qualifications étant quasiment les mêmes, les travailleurs de ces entreprises, opérantes dans le même secteur, constituent ainsi un grand réservoir de personnel qualifié, ou elles pouvaient puiser et recruter.
En outre, le chômage frictionnel serait limité, puisque le chercheur d’emploi n’a pas à chercher très loin : le cluster regroupant toutes les entreprises du secteur qui l’intéresse.
En cas de crise, on préserverait le plus grand nombre d’emplois, via le placement de personnel dans d’autres entreprises sœurs moins touchées, aussi on soutiendrait la concurrence, donc la productivité et la qualité.
Un fonds spécial devrait être crée et financé par ces mêmes entreprises, pour soutenir les travailleurs ayant perdu leur emploi et les moins chanceux en leur allouant des indemnités pendant une année ou jusqu’à ce qu’il soient casés ailleurs. Les contributions seraient évidemment déductibles des impôts sur les bénéfices (Tax-Deductible).
Savez vous que les pays de l’occident réservent prés de 10%-20% de leur PNB pour la sécurité et la couverture sociale et le soutien des chômeurs, alors que, tenez vous bien, les pays en voie de développement n’en allouent que 1% ! La grande partie du PNB reste destinée au paiement des dettes extérieures, qui ne font que s’amonceler !
Revenons aux Cluster, on pourrait y loger des Centres de Formations Spécialisés gérés conjointement et par les professionnels et par l’Etat : c’est ce que ont toujours réclamé les professionnels.
Des centres de formation professionnelle privés où on peut recycler le personnel.
Les cabinets de formation, employant des milliers de personnes, auront la tâche beaucoup plus aisé pour offrir leurs services en formation continue et concevoir des programmes de formations de qualité, en axant leurs efforts sur l’adéquation des besoins réels des entreprises avec les formations que de dissiper leur moyens dans le démarchage de ces dernières en vue d’arracher des petits marchés qui sont par ailleurs financés par l’Etat par le biais de deux instruments de financement, nommément : Le CRÉDIT D’IMPOT (Basée sur la TFP: Taxe de la Formation Professionnelle) et les DROITS DE TIRAGES (Financé indirectement par cette même Taxe pour le profit des petites et moyennes entreprises).
Malheureusement, notre politique industrielle était mal partie, au début de l’indépendance, on encourageait les investissements dans les zones défavorisées pour limiter l’exode rural, tous secteurs confondus, et ce après que les zones côtières, le sahel, et le grand Tunis aient pris la part du lion dans les investissements.
Cependant, des clusters ont étés créés, nature oblige, pour le secteur hôtelier, dans les zones côtières, pour ces raisons le tourisme s’en est toujours plus ou moins sorti en terme de chômage, le secteur du Textile a aussi ses clusters pour des raisons plutôt historiques.
Dans notre future politique d’investissement, il faudrait raisonner CLUSTER (Groupement) et créer des bassins industriels pour des entreprises du même secteur et ce en coordonnant entre les futurs investisseurs et les différents acteurs publics.….Je ne dit pas que c’est une panacée, mais ça a réussi dans plusieurs pays de l’extrême orient, ça ne peut que réussir en Tunisie…Ne dit-on pas que les Tunisiens sont les « Dragons » du Maghreb.…Aux USA, la SILICON VALLEY en est un exemple patent.
En Tunisie, les TECHNOPOLES en sont un autre exemple, pour le secteur des nouvelles technologies de communication, mais n’ont pas rencontré le succès escompté, pour cause de mauvaise gestion.
Les entreprises étrangères ne viendraient s’installer que dans des zones ou la main d’œuvre qualifié est abondante, i.e., prés de centres de formation spécialisés, en outre la FORMATION EN ALTERNANCE, qui n’a pas encore connu ses jours de gloire en Tunisie, et fer de lance du système de formation professionnelle allemand, serait plus facile à implémenter.
Des centres administratifs seront crées (Douanes, postes, etc.…) dans le cadre de la décentralisation et le la proximité. Le corps de sécurité, alors bien étoffé, assurerait mieux la SECURITE et L'INTEGRITE des sites de production, rappelez vous le sort de nombre de nos usines ces derniers mois !
Quant à la création de richesses, la Tunisie avec ses milliers d’ingénieurs, devrait axer ses efforts sur la recherche et le développement, Il faut créer des réservoirs d’intelligence créative et innovatrice, capable de mettre en œuvre des idées simples et les transformer en projets industriels pourvoyeurs d’emplois.
Les étudiants des universités américaines ont résolu maints problèmes de pays pauvres en inventant des produits, manufacturés pour pas cher, adaptés aux besoins des populations. Ces « gadgets » sont, dans la plupart, désormais produits à l’échelle industrielle par de jeunes promoteurs-inventeurs créant ainsi des richesses et des milliers d’emplois et ce n’est par les exemples qui manquent.
Le renforcement des relations Industrie-Université est essentiel pour promouvoir la gageure Recherche-développement, les entreprises tunisiennes, dans leur grande majorité, ne pouvant se permettre de mettre en place des départements dédiés à recherche : Manque de moyens et/ou de conviction.
En épilogue, je dirais que la révolution ne réussirait qu’en restituant au tunisien sa dignité de laquelle on l’a dépouillé, et sa dignité ne serait rétablie qu’avec le travail qu’on lui a refusé…Soutenons tous l’Etat, dénominateur commun aux bonnes volontés éparses, dans son entreprise..…et n’oublions pas que l’épée de Damoclès guette encore notre révolution.
Par Dr Farouk Ben Ammar