Tunisie: premier discours et première bourde de Moncef Marzouki

L'air fier et solennel  M. Moncef Marzouki, nouveau président de la République Tunisienne, a prêté serment, mardi, au Bardo, devant les

 membres de l'Assemblée Nationale Constituante.

Dans son premier discours officiel, que beaucoup ont qualifié d’émouvant, le Chef de l’Etat a prononcé une phrase qui n’a pas été du goût de tout le monde: « nous protègerons les femmes qui portent le niqab, celles qui portent le hijab et les safirat ». Le dernier mot à savoir « Safirat » a particulièrement choqué certains qui le considèrent comme péjoratif à l'égard des non-voilées.

Indignée, Mme Dorra Ben Amri Ouannes a souhaité s’exprimer dans un billet adressé au Président de la République et intitulé « SHAME ON YOU MISTER PRESIDENT » dont en voici l’intégralité :

« J’imagine que vous êtes content. Enfin ce fauteuil douillet et chaud. Enfin le pouvoir grâce à 153 voix.

Vous avez été rapide en besogne car vous venez de commettre votre première grande bourde le jour même de votre serment ! Excitation ? Manque de sommeil ? Discours préparé et concocté par ceux qui vous soutiennent ? Mystère et boule de gomme !

Dans votre premier discours officiel vous avez déclaré : « nous protègerons les femmes qui portent le niqab, celles qui portent le hijab et les safirat ». Ce dernier terme signifie littéralement « celles dont le visage est découvert » mais dans la pratique, c’est devenue synonyme d'impudiques, mal élevées, ou encore celles qui ne se conforment pas aux principes religieux. En d’autres mots, nous sommes  les dévergondées de la République !

Ne dites pas « ghaltouni » car vous maitrisez parfaitement la langue arabe et vous avez donc utilisé un terme considéré unanimement comme péjoratif à l'égard des non voilées.

« El safirat » Monsieur sont des femmes libres battantes émancipées, courageuses, travailleuses, audacieuses , braves, vaillantes, décidées, volontaires, énergiques, fonceuses….

Elles sont héroïques : elles ont fait la révolution qui vous a permis d’accéder au trône: votre seul et unique fantasme.
« Ces safirat - dont je fait partie - ont été de tous les combats! Ce sont elles qui étaient devant les policiers de zaba quand vous étiez à l’abri en France, elles qui vous ont permis, Monsieur le nouveau président (153 voix), de réaliser votre rêve »

Elles assument pleinement le fait de ne pas porter le voile et ce n’est pas vos « petites phrases assassines » qui vont les faire reconvertir du jour au lendemain…

Vous êtes en train de vous livrer à une guerre contre les femmes alors que le problème de notre pays n’est pas celui d'une classification en termes de chiffon sur la tête  mais un problème économique pur et dur.

Le pouvoir,  Monsieur, ce n’est pas des insultes à l’encontre des femmes (ce serait trop facile); C’est  des responsabilités et du respect: vous devez nous respecter avec nos différences (vous n’avez pas le choix): peut-être que vous auriez pu faire  remonter vos actions en bourse en parlant des gros problèmes économiques de notre pays qui est au bord de la banqueroute et en proposant de suite , des solutions immédiates et d’urgence à la misère  et au chômage qui rongent notre Tunisie, de  mettre fin au calvaire de milliers de familles tunisiennes dans le besoin, qui ne dorment pas au chaud  au palais de Carthage mais dans la paille, dans le froid, par terre, qui ne mangent pas à leur faim mais qui ont le ventre vide chaque soir que le bon dieu fait.

Vous attaquez une cible difficile et qui n’est pas à votre portée car nous les femmes tunisiennes , nous sommes là aux aguets,  à vous suivre de près, prêtes à tout pour porter notre pays vers l’avant, et nous ne nous laisserons pas intimider en écoutant des discours qui n’ont pour but que de nous rabaisser et nous reléguer à des personnes de second rang; Monsieur en nous traitant de « safirat » vous faites un grand faux pas qui risque de vous faire dégringoler très vite.

Vous prétendez être et vouloir rester « weld el chaab » (enfant du peuple): je vous informe que vous êtes bien loin car « weld el chaab » souffre , est fatigué, se bat pour manger, vit au crédit, a fait la révolution, il est aussi au Bardo, manifeste, crie sa colère, partage ce qu’il a : êtes-vous prêt à partager une partie de vos 30 millions de millimes qui représentent  115 fois le SMIG tunisien avec des milliers et des milliers de familles pauvres ? Mais surtout « weld el chaab » respecte la femme tunisienne qu’elle soit voilée ou pas, qu’elle soit musulmane, juive ou chrétienne….Célibataire ou mariée ou autre, docteur, avocat ou femme de ménage…peu importe car cette femme peut être sa mère sa femme sa sœur ou sa fille.

Alors nous, non voilées et voilées éclairées, on vous dit attention … « nahnou laka bil mirssad  ». On n'attendra pas 23 ans pour vous signifier notre mécontentement. A bon entendeur.

Par Dorra Ben Amri Ouannes