40 ème anniversaire de la Faculté de médecine de Sousse: Les efforts accomplis et ceux qui restent à faire

 40 ème anniversaire de la Faculté de médecine de Sousse: Les efforts accomplis et ceux qui restent à faire


Par Dr Abdelmajid Mselmi, (maître de conférences agrégé, chirurgien, ancien responsable syndical)

La faculté de médecine « Ibn El Jazzar », créée en 1974, fête cette année son 4oème anniversaire. Le comité d’organisation des festivités dirigé par le doyen de la faculté le Professeur Ali Mtiraoui et le professeur Hedi Khairi épaulés par les associations des enseignants et des étudiants de la faculté vont organiser une journée portes ouvertes le vendredi 10 avril, ponctuée par une conférence qui sera donnée par l’éminent Professeur Jean Zigler et une honorification des anciens enseignants.

Les pères fondateurs et les  «enfants» révoltés
 
Le noyau fondateur de la faculté en 1974 ne se composait que d’une petite poignée de médecins, de véritables militants fortement engagés et dévoués pour la cause. Dirigée par une femme, le professeur Souad Syagoubi Ouachi 1 er doyen de la faculté, l’équipe se composait des docteurs MoHsen Jeddi, Hamed Karoui, Hammadi Farhat, Monique Farhat, Slaheddine Gharbi, Abdelmajid Razgallah et Mohamed Zaghdane.

Puisqu’il a fallu forcer le destin, les fondateurs n’ont pas attendu la construction de locaux « décents » et ont commencé en octobre 1974 à enseigner Leurs 117 premiers étudiants dans des locaux exigus empruntés à l’hôpital Farhat Hached.  La volonté l’a finalement emporté et la 1ére tranche du bâtiment était  prête seulement au bout d’un an et inauguré par le président Habib Bourguiba en novembre 1975. Le bâtiment de la faculté était enfin prêt en  1981.  En 1984 et à l’occasion des festivités marquant le millénaire d’Ibn El Jazzar la faculté est nommée Faculté de médecine « Ibn El Jazzar » de Sousse.

Si la 1ère promotion de la faculté est sortie en 1981, il a fallu attendre 25 ans pour voir les représentants de cette promotion appelés «les enfants» de la faculté accéder aux instances dirigeantes de leur faculté. Jusque-là, la faculté était dirigée par les pères fondateurs issus des facultés étrangères ou de la faculté de Tunis.

Avec le temps sont apparues des divergences entre l’équipe dirigeante et les enseignants issus de la faculté de Sousse sur des questions relatives aux orientations pédagogiques et la gestion de la faculté. Les anciens sont taxés de conservatisme et d’archaïsme les jeunes eux sont taxés d’amateurisme et d’absence d’expérience.

Les élections du conseil scientifique et du doyen en 1999 a constitué un tournant symbolique puisque pour la 1ère fois, les enfants de la faculté sont élus majoritaires au conseil de la faculté et leur représentant le professeur Najib Belhadj Ali a été élu doyen. Ainsi les  élèves de la faculté  ont donc  repris le flambeau des pères fondateurs dans une marche logique de l’histoire. En fait il faut bien le rappeler qu’avant la révolution et qu’avant que notre pays connait les élections libres et démocratiques et l’alternance au pouvoir, l‘université tunisienne  organisait  régulièrement  des élections libres et démocratiques pour élire le conseil scientifique et doyen et l’alternance se fait de façon démocratique.

Dans la faculté de médecine de Sousse, les divergences étaient souvent profondes la concurrence  était rude et la campagne électorale très animée. Mais tout le monde accepte les résultats des urnes, se pliant à l’alternance et se remettant au travail ensemble. Ainsi l’élite tunisienne montrait la voie au peuple qui se préparait à vivre l’élection démocratique et l’alternance politique.

Former un médecin 5 étoiles

La formation médicale est la discipline préparant les futurs médecins à promouvoir, maintenir et rétablir la santé des personnes et des populations en tenant compte  des évolutions de la société des aspirations des citoyens et des impératifs du système de santé.

Il existe plusieurs études qui déterminent les caractéristiques souhaitées du futur médecin. Nous sommes inspirés, souligne le professeur Ali Mtiraoui, doyen de la faculté de médecine de Sousse, des différents modèles proposés pour dessiner les contours du médecin finissant à la faculté de Sousse.

Pour le professeur Ali Mtiraoui, inspiré des idées de Charles Boelen concepteur du « médecin 5 étoiles », il considère que le futur médecin doit être en premier lieu un  prestataire de soins de qualité et en deuxième lieu un bon communicateur capable d’écouter, d’inspirer confiance et de convaincre les individus de la nécessité de prendre des mesures pour protéger ou rétablir leur santé.

En outre, le médecin doit être décideur, averti et capable d’utiliser de façon optimale les ressources mises à sa disposition pour soigner la population. Par ailleurs le médecin doit apprendre a être un responsable communautaire qui s’occupe  de ses patient mais  s’intéresse aussi à la santé de sa communauté.  

La 5ème qualité exigée dans la formation du futur médecin est qu’il soit capable de gérer une organisation sanitaire et  de maitriser la gestion des ressources humaines et matérielles mises à sa disposition.

La faculté de médecine de Sousse a réalisé beaucoup de progrès pour atteindre cet objectif. Si l’enseignement théorique a connu beaucoup de réformes que ce soit au niveau des programmes au niveau des méthodes d’enseignement ou au niveau de l’évaluation ( les examens), l’enseignement pratique dans les hôpitaux gagne à être davantage amélioré.

Le problème réside dans le faible taux d’encadrement dont bénéficient les étudiants dans les services hospitaliers faute de tuteurs ou encadreurs toujours disponibles, soit à cause de la dilution de la responsabilité ou à cause de la non disponibilité. Il est indispensable que la faculté lance un appel d’offre chaque année pour sélectionner  parmi les enseignants hospitalo-universitaires les tuteurs  qui sont les plus dévoués et les plus disponibles  pour se consacrer (même partiellement) à cette tâche très importante. D’autant plus que le nouveau statut des médecins hospitalo-universitaires paru en 2009 valorise cet encadrement et le comptabilise comme des heures de travaux pratiques.

Dans le même ordre d’idées, la faculté peut faire appel aux enseignants retraités pour l’encadrement des stages (le travail des séniors est bien développé en Europe). Elle peut faire aussi appel aux services des médecins libéraux dans le cadre d’une collaboration  fructueuse entre le secteur privé et le secteur hospitalo-universitaire.

Responsabilité sociale de la faculté de médecine de Sousse
 
En octobre 2010, une conférence internationale de consensus a eu lieu en Afrique du Sud pour déterminer les nouvelles orientations  de la formation médicale dans le monde.  Il a été décidé que la responsabilité sociale soit la mission principale des facultés de médecine.

Le rapport de consensus qui comprend 10 axes stratégiques insiste beaucoup sur les valeurs de l’égalité et l’équité et la place prépondérante des déterminants sociaux (le niveau social de la population, ses caractéristiques démographiques, sa culture et son environnement) dans la formation du futur médecin.

La faculté de médecine doit baser ses programmes sur les besoins actuels et futurs de la société et doit bien s’intégrer dans sa communauté et avoir un partenariat actif avec les autres acteurs de la société. La conférence de consensus insiste sur le fait que les soins de santé primaire, les soins de proximité adaptés aux besoins de la communauté doivent être la base de tout système de santé.

La faculté de médecine de Sousse peut être considérée come pionnière en matière de responsabilité sociale comme le rappelle  le professeur Mohsen Jeddi, un des fondateurs de la faculté de médecine de Sousse, dont il est le doyen honoraire la faculté.

«Notre faculté a pris comme option de s’ouvrir sur son environnement et de préparer ses futurs médecins à un exercice de la médecine selon une approche à la fois curative et préventive». Il ajoute: «nous avons créé un département de médecine communautaire et nous avons instauré l’enseignement de l’épidémiologie, la prévention, la démographie, la médecine scolaire et la médecine de travail, dès la 1ère année et tout au long du cursus».
 
Il rappelle «la prise de conscience de notre faculté de son rôle social près de 30 ans avant la finalisation du document concernant la responsabilité sociale des facultés de médecine ».

La faculté de médecine de Sousse a envoyé ses stagiaires dans les hôpitaux locaux et les dispensaires des villages de Sousse leur permettant de se familiariser avec les maladies de la communauté. En outre, la faculté de médecine de Sousse a réussi dans son pari de développer l’hôpital régional de Kairouan qui lui est affilié. Elle n’a cessé d’en fournir les stagiaires et les enseignants à cet hôpital dont plusieurs services sont devenus hospitalo-universitaires.

La prochaine étape dans le cadre de la responsabilité sociale de la faculté de médecine de Sousse pourrait être une ouverture sur les région du centre-ouest et plus précisément les régions de Kasserine et Sidi Bouzid qui font partie, comme la ville de Sousse, du centre tunisien.

La faculté de médecine de Sousse a besoin de terrains de stages pour ses étudiants nombreux et ses régions ont besoin de compétences. Un tel partenariat pourrait amorcer un développement de la qualité des soins dans ces régions et promouvoir le rayonnement de la faculté de Sousse (et la ville de Sousse) dans le centre du pays et le pays en général.

En outre, la faculté de Sousse pourrait aider avec son potentiel humain et son expérience à l’implantation de noyaux de facultés de médecine dans ces régions. Car, comme le dit bien le slogan révolutionnaire, les rêves d’aujourd’hui sont les réalités de demain.

Dr Abdelmajid Mselmi