64ème anniversaire de l’assassinat de Farhat Hached : Le patriotisme vigilant avant les intérêts étriqués

64ème anniversaire de l’assassinat de Farhat Hached :  Le patriotisme vigilant avant les intérêts étriqués

 

La Tunisie, comme à l’accoutumée, commémore ce lundi le 64ème anniversaire de l’assassinat du leader nationaliste et syndical Farhat Hached. En effet le 5 décembre 1952, le natif des Iles Kerkennah qui n’avait même pas 39 ans et déjà un long parcours de combattant de la liberté et des droits de la classe ouvrière tombe dans un véritable guet-apens. Au petit matin, alors qu’il roulait dans sa traction noire, il avait été poursuivi à la sortie de Radès où il habitait par une première voiture. Celle-ci le rejoint et le mitraille avant de s’enfuir à toute allure. Blessé grièvement, Hached s’extrait de son véhicule pour demander de l’aide. C’est alors qu’une deuxième voiture surgit. S’apercevant qu’il a survécu à l’attaque à la mitraille, les occupants de ce véhicule qui seraient au nombre de trois s’approchent de lui et l’achèvent d’une balle dans la tête. Ils le transportent sur un kilomètre avant de le jeter sur le bord de la route.

Dès que la nouvelle de son assassinat est annoncé par Radio-Tunis, l’onde de choc dépasse les frontières de la Tunisie tant l’aura de l’homme était grande. Des manifestations monstres sont organisées à Casablanca. Les émeutes sanglantes font une quarantaine de morts et de nombreux blessés. Des démonstrations se tiennent aussi au Caire, à Damas, à Beyrouth mais également à Karachi, au Pakistan, à Jakarta, en Indonésie. Des mouvements ont lieu aussi à Milan au nord de l’Italie, à Bruxelles et même à Stockholm. L’assassinat est revendiqué par l’organisation clandestine armée « La Main Rouge ». Mais on pense de plus en plus qu’il aurait été assassiné par le SDCE, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, un service de renseignements français. Les autorités d’occupation lui en voulaient parce qu’il était à l’époque un des leaders les plus actifs du mouvement national.

En effet, Hached inscrit son action, dès le départ, dans la lutte pour l’indépendance. Même s’il n’a jamais été pas encarté au Néo Destour, il a été un appui important et fidèle à la lutte nationale. Il mène les grèves, les manifestations de rue et les mouvements de protestation pour à la fois réclamer l’indépendance du pays et en même réclamer l’amélioration des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. L’Union générale tunisienne du travail qu’il a fondée le 20 janvier 1947 joue sous sa direction un rôle primordial dans le déclenchement, l’encadrement et la radicalisation des revendications populaires. Il devient d’autant plus dangereux que suite à l’adhésion à la Confédération internationale des syndicats libres(CISL) en 1951, il devient membre du comité exécutif de celle-ci, ce qui lui donne les moyens de mener le combat sur la scène internationale.

Hached le leader sur le plan national se double dès lors d’une voix écoutée sur la scène du monde. En Europe c’est à partir de Bruxelles siège de la CISL qu’il mène ce combat qui arrive aussi en Amérique. La puissante AFL-CIO(American Federation of Labour-Congress of Industrial Organisations) fait partie de la confédération internationale. Le secrétaire général de l’UGTT présente Bourguiba à ses camarades américains. Il voyage aussi à New York et à Washington pour porter la voix de la Tunisie au moment où les questions tunisienne et marocaine sont présentées aux instances internationales de la toute nouvelle organisation des nations unies.

L’année 1952 qui a vu vers sa fin l’assassinat de Hached est une année cruciale pour le mouvement de libération nationale. Le 18 janvier Habib Bourguiba est arrêté et le congrès du Néo Destour est interdit. Tenu dans la clandestinité il favorise l’agitation populaire. Transféré à Tabarka, Bourguiba garde une liberté de mouvement surprenante. Il reçoit même Farhat Hached et Hédi Nouira. Pendant ce temps, Salah Ben Youssef, secrétaire général du parti et Hamadi Badra parviennent le 4 février à présenter le différend tunisien devant le Conseil de sécurité qui se réunit au Palais Chaillot à Paris. Devant le refus du Bey Lamine de congédier le gouvernement Chenik, le résident général De Hauteclocque fit arrêter le Premier ministre et d’autres membres de son cabinet. Le couvre-feu est décrété en Tunisie, le gouvernement est destitué, les leaders nationalistes exilés ou bannis.

Dans ce contexte, l'UGTT se retrouve en première ligne en assumant la responsabilité de diriger la résistance politique et armée contre les autorités du protectorat. En effet, elle reste protégée par la loi sur les libertés syndicales et le soutien de la CISL, ainsi que des syndicalistes américains. Leader du mouvement national et chef de la résistance, Hached organise secrètement les groupes d'activistes dans les locaux de l'UGTT pour mener des attaques armées contre les symboles de l'autorité française. Il mène également des actions de grèves et de mobilisations malgré l'arrestation de plus de 20 000 personnes. C’est dans ces conditions que la décision de l’éliminer est prise.

Mais le 5 décembre 1952 se révèle être un accélérateur du mouvement national tunisien, car la classe politique en France et les grands journalistes condamnent d’une seule voix cet assassinat. Deux ans et demi plus tard la France reconnaît l’autonomie interne de la Tunisie. La colonisation partout dans le monde prend un sérieux coup, car Hached a pris une dimension internationale. Son assassinat ébranle le monde d’Est en Ouest accélérant du même coup la décolonisation.

L’esprit Hached demeure encore au sein de la centrale syndicale qui assume plus qu’un rôle de défense des travailleurs. Elle est le creuset des forces vives de la nation. Ce legs laissé par le grand martyr de la cause nationale doit rester vivant dans l’esprit de ses successeurs. En ces moments cruciaux de la vie de la Nation, on a le plus besoin de l’esprit Hached.

L’Homme qui a dit « Je t’aime ô mon peuple » doit rester l’inspirateur de ses héritiers. Le patriotisme vigilant avant les intérêts étriqués doit demeurer leur seul guide.

Raouf Ben Rejeb

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