Abir Moussi: La machine en marche !

Abir Moussi: La machine en marche !

Par Aida Arab

Forte du dernier sondage d’opinion, effectué par Sigma conseil et publié par le journal le « Maghreb » en date du 15 décembre 2020, qui placent son parti, le Parti Destourien Libre (PDL), en tête des intentions de vote avec 36,9%, devançant le parti d’Ennahdha (17,2%), Abir Moussi a entamé, le19 décembre 2020, sa tournée en partant de la ville de Monastir. 

On serait en droit de nous interroger sur la portée et la signification de ce choix.  Pourquoi pas le 17 décembre, date symbolique du déclenchement de la révolution de Sidi Bouzid ?  La réponse nous paraît évidente ! 

Abir Moussi ne s’inscrit aucunement dans le souffle révolutionnaire ni ne le revendique. Sa démarche est tout autre. Elle trouve son ancrage dans l’histoire du parti destourien et dans le fief de l’un de ses pères fondateurs et premier président de la première république tunisienne, le défunt Habib Bourguiba. Elle tire son droit d’exister de et dans la pensée destourienne: se référer au passé pour conquérir présentement la légitimité qui lui donne accès à l’exercice du pouvoir à l’avenir ! 

Feu Beji Caid Essebsi avait choisi, bien avant elle, cette démarche de s’appuyer sur l’image iconique de son ancien chef d’Etat et a même joué sur des similitudes physiques troublantes qui prêtaient à confusion. 

Abir Moussi, taxée plutôt de « benaliste », a compris que ce passif ne pouvait être, à lui seul, garant de son ascension. Et bien qu’elle ne le renie guère, elle a pris l’option de s’en détacher pour tracer sa propre voie. Une voie qui semble bien entamée à la vue de l’engouement populaire dont elle semble jouir de par le pays. Un pays dont la dichotomie préférentielle politique paraît de plus en plus claire et évidente. D’un côté le retour en force des Destouriens convaincus et trouvant en Abir Moussi leur nouvelle leader charismatique dans la conquête d’un pouvoir qui leur avait été « arraché » parce qu’ils n’ont jamais véritablement cru en une révolution mais plus à un putsch. 

Abir Moussi, à l’instar de BCE, a de même investi en une opposition radicalement franche au parti Ennahdha, en faisant son cheval de bataille et le socle sur lequel elle s’est appuyée pour conquérir le cœur et les esprits des ennemis idéologiques jurés de ce parti. Elle a ainsi élargi le champ de ses adhérents.
 
D’un autre côté, Seif Eddine Makhlouf, ses acolytes et son parti El Karama marquent une montée en popularité et se placent en défenseurs farouches des principes prônés par la révolution. Ils se targuent d’un conservatisme viscéral et se placent en gardiens de la morale et de la conscience collective.
 
Ceci est le contexte général et la nouvelle carte de l’adhésion et de l’allégeance politiques qui se dessine de plus en plus dans un pays ravagé économiquement et déchiré socialement, avec en tableau de fond la réapparition des querelles tribales, des contestations, des sit-in et de toutes sortes de revendications de toutes les franges et corps de métier. 

Si on ajoute à cela, l’absentéisme inexpliqué et inexplicable du chef de l’Etat et le naufrage des partis d’opposition, la chaise vide profite bien aux deux nouveaux pôles politiques susmentionnés, (PDL et Karama). 

Abir Moussi parviendra-t -elle à prendre de vitesse ses adversaires politiques ?  

Tout pousse à croire que Abir Moussi tente de prendre de vitesse ses adversaires politiques, notamment Ennahdha et Karama, les « alliés » d’aujourd’hui qui ne le seront peut-être plus demain. 

Seif Eddine Makhlouf et sa bande manifestent de sérieuses intentions de voler de leurs propres ailes et d’asseoir leur propre idéologie et vision de la politique. Le parti Ennahdha s’est affaibli, miné par les divisions de ses différentes tendances et d’un Cheikh de plus en plus contesté dans sa légitimité historique de locomotive et guide spirituel. 

Abir Moussi prouve, de son côté, qu’elle a l’énergie pour se battre comme une lionne. Elle entame déjà sa campagne en se mettant en situation de communication politique pluridimensionnelle. Sa présence, samedi 19 décembre à Monastir, a pris le visage d’un véritable meeting politique. 

Tout y était et paraissait préalablement et minutieusement préparé ; des bus remplis des membres de son parti à l’assistance impressionnante, aux chansons nationalistes entonnées en chœur en passant par le discours enflammé d’une heure 07 minutes. 
 
Initialement annoncé comme le « Sit-in de la colère » pour protester contre les organismes en lien avec les crimes terroristes, son déplacement à Monastir s’est mué en un enclenchement de la tournée de la « révolution des lumières », tel qu’annoncé par l’intéressée elle-même.

Vendre l’illusion et le rêve d’une possible révolution des lumières avec tout ce qu’elle a mobilisé comme penseurs, philosophes, idéologues, maîtres à penser et exécutants dans un pays qui sombre dans les méandres des polémiques les plus rétrogrades et révisionnistes est sans doute « vendeur » et séduisant pour une partie de la population. 

Les slogans étaient affutés, distribués aux présents. La répétition des mêmes sons en « IR » à la fin de chaque slogan rimant avec le prénom de la présidente du parti à l’instar de ; «  ثورة التنوير تبدى من المستير », 
« ثورة التنوير بادرة للتغيير « , »  ثورة التنويرتقضي عالتفقير «, »ثورة التنويرلا للتفجير » …, lesquels slogans renvoient à « Abir » et c’est une technique de discours politique pour convaincre son assistance qu’elle seule peut être le vecteur du changement !

Et au discours de se poursuivre durant toute l’heure sans interruption ni cafouillage. Abir Moussa ne jetait un coup d’œil furtif à ses notes que pour consulter le thème général avant de noyer la foule dans les différents points de son programme. 

Tout y est passé ; la politique intérieure, l’économie, les dissensions qui déchirent le pays, la nonchalance du gouvernement, le président inscrit aux abonnés absents, la faiblesse des arguments de ses adversaires politiques à son encontre, la politique étrangère, la diplomatie…

Changement de ton, parodie de l’intonation de ses détracteurs, grands mouvements des bras, improvisation et provocation de ses concurrents : « J’ai comme l’impression de jouer en solo en division nationale. Je ne trouve pas de concurrences », clamera-t-elle ironiquement ! 

Le meeting se termine comme il a commencé ; symbiose avec la foule, chansons en chœur, youyou des femmes et manifestation de l’allégeance et du dévouement total du public présent, exprimé par «   بالروح بالدم نفديك يا عبير » ! Abir Moussi a lancé un véritable défi à la classe politique, les haranguant à se mettre au pas et à mobiliser la foule comme elle sait le faire. 

En politique, c’est connu pour les aguerris, la course aux législatives et aux présidentielles commence tôt pour celles et ceux qui ont de véritables ambitions et une bonne stratégie. La cheffe du PDL semble l’avoir compris et a donné le ton aux quatre ans restants avant les deux échéances qui s’annoncent chaudes, chaudes, chaudes !       

Aida Arab

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