Affaire Abou Yaareb Marzouki II: Un pari pascalien
Par Jamel HENI
Décidément, l'onguent philo-perse se répand sur toutes les plaies politiques chez nous. Le contraire m'aurait étonné, la légion iranienne à Tunis, n'apporte aucune contradiction à mon écrit sur le philosophe tunisien Abou Yaareb Marzouki, mais se contente de vieux sarcasmes approximatifs, sacrément old wave, cachés derrière le bistouri de l'intolérance à la nuance! Je n'en demande pas autant pour aller plus loin, encore plus loin que ce qu'ils auraient imaginé. J'adore décevoir les préposés à la révolution permanente, soudainement devenus dociles....
Loin des réflexion digestes et convenues de la doxa arabe et tunisienne en particulier, autour de la question iranienne, Abou Yaareb Marzouki, prend-il le contre-pied, l'exact contre-pied et fait-il par-là œuvre de parias nécessaire dans une secte interdite.
Plus que d'écrits prophylactiques, conjurant d'une extension du danger iranien ( aime-t-il à dire) , il s'agirait donc, selon toute rigueur empirique, d'un modèle prédictif. D'une prospection scientifique. C'était l'essentiel de notre première chronique.
Absence de Preuves !
On lui opposerait cependant, l'absence de preuves matérielles et tangibles ! A savoir des fiches de police sur la présence d'acteurs iraniens en Tunisie, leurs techniques, leurs planques, leur nombre, barbouzes, bunker, bureaux, faux papiers.....! Hommage du vice à la vertu.
Or la science politique se séparerait de la science expérimentale, en ce point ! Elle n’opérerait pas sur des preuves mais bien sur des hypothèses, non pas sur des significations statistiques prouvées mais bien sur des probabilités ambiguës. Car le fait politique n'est observable qu'au degré toléré par son auteur et que du coup les fameuses régularités récurrentes sur lesquelles se fonderait une observation scientifique, ne seraient au bout du compte que des réalités « concédées », une partie d'un tout souvent volontairement et soigneusement dissimulé. Littéralement, la partie émergée de l'iceberg.
Cela ne veut pas dire qu'en science politique, il n'existe pas de preuves, mais simplement que les chercheurs ne s'en chargent pas. Ils n'en ont ni les moyens ni la qualité. En politique, les preuves ne seraient du ressort de la science empirique mais bien du Renseignement. Ce n'est qu'à la condition d'un renseignement actif et efficace, qu'une hypothèse politique devienne scientifique, pas avant, encore moins bien avant. Ce que beaucoup de philo-perses semblent omettre en toute mauvaise foi.
Principe du tiers posé
Comme toutes les hypothèses politiques, celle se rapportant au danger iranien, relèverait du scepticisme empirique en contradiction avec le principe du tiers exclu, ou de la non contradiction d'un phénomène.
Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un phénomène serait ambigu, contradictoire, que la proposition qu'il existerait au moins dans deux modalités à la fois, serait fausse. Ce n'est pas parce que l'Iran semble à la fois soutenir la cause palestinienne et acheter des armes à Israël que l'on ne puisse accepter les deux propositions en même temps.
L'Iran menant les deux politiques conjointement , nous devrions plutôt recourir au principe du tiers posé qu'à celui du tiers levé. L’ambiguïté serait inhérente au fait politique ! Je dirai même qu'elle le fonderait en fait et en puissance. Le principe du tiers posé serait même concomitant de l'observation scientifique.
Néanmoins, si le chercheur en science politique en arrive quelquefois à en cerner les détails réguliers récurrents, il n'aurait pas les moyens d'en cerner le tout. Le principe de l'observation empirique n'opérerait alors que sur les détails faisant sens. Faisant hypothèse. Pour paradoxal que cela puisse paraître, l’ambiguïté n'interdirait pas l'hypothèse en science politique, bien au contraire, elle la rendrait nécessaire ne serait-ce pour trancher.
Principe d'urgence
Pourquoi alors ne pas attendre les preuves du Renseignement avant de se perdre en conjecture, diraient--ils? Eh bien parce qu'au principe du tiers posé, viendrait s'ajouter celui de l'urgence.
En politique, l'hypothèse répondrait moins au critère de la vérité qu'à celui de l'action ! Nous n'agirions pas grâce à des vérités politiques établies mais bien selon des probabilités prévisionnelles. La puissance de l'hypothèse politique tiendrait ainsi en sa capacité à faire sens d'une simple partie, même si le tout était clairement soustrait à l'observation.
Mes détracteurs et ceux du philosophe Marzouki le savent : les USA et la France ne disent ni ne montrent pas tout de leur politique. Encore moins la Russie et la Chine ! Et pour cause ! Vérité de la palisse ! Évidences ! Évidences !
Le titre le plus utilisé par la presse internationale n'est-il pas « telle puissance souffle le chaud et le froid »....
Quoi de plus évident que le principe d’ambiguïté et du tiers posé en politique. Quoi de plus nécessaire qu'un bon renseignement pour compléter la stratégie, et d'une bonne prospection pour orienter le renseignement là où il faut, pas là où le mèneraient les nombreuses et contradictoires diversions de l'ennemi ?
Le principe du tiers posé trouverait sa nécessité à mon humble avis, dans le principe même d'urgence. Une proposition ambiguë pourrait être plus utile que l'absence totale de proposition. Le mérite de la science politique ne saurait être celui s d'expliquer ce qui se serait passé après-coup, mais bien plutôt d'en prévenir la survenue. La stratégie serait moins un catalogue des catastrophes passées que l'intuition des résistances à venir !
Cela nous ferait belle jambe d'évoquer le danger iranien dans un siècle ! A l'évoquer aujourd'hui l'on n'aura rien à perdre: s'il venait à être avéré, nous y résisterons, sinon la fausse alerte nous aura rendus plus lucides. Un vrai pari pascalien que seuls les philo-perses trouvent superflu.
J.H.
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