Affaire Petrofac: C’est la manière de gérer les richesses nationales qui est posée

Affaire Petrofac: C’est la  manière de gérer les richesses nationales qui est posée

 

Quatre ministres, le visage blême, le regard vide, les traits tirés. Un porte-parole, le ton saccadé, débitant un texte creux. Un chef de gouvernement qui se cache alors que sa place est au devant de ses troupes pour mener la bataille. C’est l’image terne, morose, tristounette et combien significative d’un pouvoir incapable de retourner la situation, abattu devant la première difficulté, totalement amorphe et sans prise sur les événements.

Il s’est trouvé que sur les quatre ministres trois viennent tout juste de prendre  des responsabilités éminentes. A l’évidence ils semblaient dépassés par les événements. Deux ministres, celui des affaires sociales, Mohamed Trabelsi et celle de l’énergie Héla Cheikh Rouhou faisaient pitié à voir. Si la seconde semblait dire par son regard ; qu’est-ce que je fais sur cette galère alors que j’étais bien dans mes responsabilités antérieures dans des organismes internationaux, le premier donnait l’impression de quelqu’un qui voyait son monde s’écrouler. Lui, si coutumier  dans une vie précédente des nuits blanches et des négociations interminables, avait l’air de dire que les temps ont vraiment changé et que rien n’est plus comme avant. Auparavant il suffisait d’une entourloupe et d’une figure de style pour tout changer.

Au bon vieux temps, la négociation avait ses règles, son éthique. On y arrivait avec ses idées, ses revendications, ses arguments. On en repartait allégés de tout ce poids mais avec la conscience tranquille du devoir accompli.  Dans l’intervalle de tractations en conciliabules chacun aurait cherché à tirer la couverture à lui. Mais en fin de compte, chacun finit par trouver son compte car la négociation ce sont d’abord et avant tout des concessions réciproques. Tout ou rien ce n’est pas de la négociation. C’est le règne des oukases, des décisions autoritaires et sans appel.

Le problème de Petrofac n’est pas seulement une crise à résoudre. Si c’était le cas, on aurait cherché à lui trouver des solutions et elles ne manquent pas. C’est désormais une question existentielle de la Tunisie post-révolution. Elle n’est d’ailleurs pas la seule. Partout dans le pays couvent d’autres « Petrofac », des « foyers de tension » selon le bon mot de Mohamed Trabelsi qui se définit comme « le ministre avant d’être le syndicaliste ».

Pour trouver un processus de règlement, je ne dis pas des solutions à bon escient, à ces situations, il faut une autre approche, une autre manière de voir, une toute autre démarche. Sinon le pays va au-devant de difficultés insurmontables. C’est l’existence même de la nation tunisienne, une et indivisible qui est en jeu.

Petrofac ce n’est pas la société pétrolière qui est visée. C’est la  manière de gérer les richesses nationales qui est posée. On parviendra peut-être à régler le cas. Mais il ressurgira plus tard encore plus ardu. Et la tâche d’huile fera craindre un embrasement si on n’en prend pas garde.

Il est temps de reprendre la copie du modèle de développement tunisien qui est parvenu à ses extrêmes limites. Ces centaines de milliers de Tunisiens sans emploi, cette misère que l’on rencontre à tout coin de rue, ce dénuement qui devient visible et nous prend à la gorge, cette Tunisie des laissés pour compte ne veut plus accepter son sort. Elle nous interpelle. Si nous ne savons pas l’entendre à défaut de l’écouter, tout ce que le pays a édifié depuis soixante ans va s’écrouler.

L’Etat national fédérateur, assurance-vie pour les nantis et parapluie pour les démunis risque d’éclater et de partir en lambeaux. Pour laisser la place à une contrée mafieuse hyper-protégée d’un côté et des favelas, des bidonvilles de  la misère, des détritus et de la drogue de l’autre. Avec des murs de séparation entre les deux mondes.

Certains appellent dans le cas de Petrofac à l’application de la loi. Mais pourrait-on  imaginer ici comme ailleurs le retour du bâton. Personne ne s’y hasarderait, car c’était la loi d’un temps révolu qui ne reviendrait jamais. D’ailleurs la cavalcade sécuritaire d’avril dernier n’a servi qu’à crisper davantage les positions  et à ajouter de la  complication à une situation déjà suffisamment complexe.

En misant sur un gouvernement jeune on avait espéré que sa manière d’appréhender les problèmes sera de son âge et de sa génération. A l’évidence ce n’est pas le cas. Il faut que ça change et vite. Car l’échec sur ce dossier sera insurmontable. Il serait même fatal. Il ne faut  surtout pas perdre pied dès la première épreuve rencontrée.

RBR

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