Ahmed ben Salah, père de la relance économique tunisienne

Ahmed ben Salah, père de la relance économique tunisienne

Par Nouredine Ben Mansour (*)

En France au tems où il était étudiant et en tant que membre de la  jeunesse destourienne, il a eu comme  tâche secrète la liaison entre les militants du parti Néo Destour présidé par Bourguiba ; exilé au Caire et Moncef Bey  exilé en force à Pau  sous une surveillance continue de la part de la police française.

De retour en Tunisie, il est devenu chef de la propagande du parti Néo Destour à Moknine. Il était enseignant de langue arabe à Sousse. 

Ben Salah était un homme très actif et diligent. Rentrant en Tunisie il ne tarde pas à opter pour la lutte syndicale. Rapidement il est devenu le secrétaire général du syndicat des travailleurs tunisiens fondé par feu Farhat Hached. 

Il était le secrétaire général de l’UGTT jusqu'en 1956. Il devient représentant des syndicats africains à la CISL à Bruxelles. Il s’est lancé activement dans le travail social, ce qui lui donnait un renom  et rapidement il est  devenu un nouveau leader syndicaliste. Il faisait peur à Bourguiba et Habib Achour.

On ne connait pas les vrais dessous  et les causes de l’expulsion d’Ahmed Ben Salah du Syndicat.  Peut être une entente entre Bourguiba et Habib Achour ? Ahmed ben Salah est devenu un homme de poids politique et syndical. A son temps au syndicat il y avait l’idée de fondation d’un parti d’orientation  politique prolétarienne. Cela faisait peur à Bourguiba surtout que Bourguiba n’est plus en accord avec Ben Youssef.

Aussi il devient membre et premier vice-président de l'Assemblée constituante de Tunisie. Il est entré au gouvernement en tant que ministre de la Santé et des Affaires sociales en 1957. Il concentre dans un rapide temps les portefeuilles des ministères : Finance, Commerce, Industrie, Agriculture et  Education nationale. 

Aussi Ahmed ben Salah au congres du parti socialiste destourien (nouveau ancien du parti du Néo Destour ) a proposé d’adopter le socialisme en tant que modèle de restructuration de l’économie tunisienne.

Pourquoi Bourguiba a-t-il fait appel à Ben Saleh et quelles en sont les raisons. À l'époque, le régime de Bourguiba n'était pas solide comme il se doit, et le mouvement Yousfiste est encore actif et dangereux, soutenu par Gamal Abdel Nasser, puis le syndicat de l'époque ne soutenait pas Bourguiba. Stratégiquement Bourguiba était obligé  d’appuyer Habib Achour pour devenir président de l’UGTT. Donc la classe ouvrière serait du coté de Bourguiba. 

L’autre danger pour le régime de Bourguiba pourrait provenir d’Ahmed Ben Salah qui projette pour un parti politique socialiste en faisant adhérer  la classe ouvrière. Pour se débarrasser de ce futur danger. Bourguiba a appuyé Habib Achour d’une part et Ben Salah d’autre part. 

De cette façon, comme le proverbe le dit, Bourguiba a frappé deux oiseaux avec une seule pierre : Habib Achour est devenu secrétaire général de l'UGTT et Ahmed Sen Salah ministre de la santé. 

Il ne faut pas oublier que Bourguiba, grâce à Habib Achour, a pu faire basculer le parti du Neo Destour en sa faveur. Habib Achour a organisé le congrès du parti à Sfax. Parmi ses résolutions l’exclusion de Ben Youssef du parti Destour.

En 70, Ahmed Ben Salah était condamné de haute trahison et manque de confiance envers le chef d’Etat ; irrégularités financières et manœuvres politiques en vue d’accaparer le pouvoir. On lui inflige une lourde peine de 10 de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour et privation des  droits civiques et politiques. 

Comment Ahmed Ben Saleh s'est-il évadé  de  la prison? L'opération était extrêmement secrète et le principal organisateur était Mohammad Ben Saleh, frère d'Ahmed Ben Saleh, médecin dont le bureau se trouvait à la rue Babnet. 

L'opération a été programmée de manière discrète et la partie algérienne en avait connaissance. De manière secrète, un certain  Alaribi, gardien à la prison et habitant du quartier de Bab saadoun, a fait évader Ahmed Ben Salah. Al-Minyawy originaire d’Al-Hamma, un résident d'Al-Halafaouin, était le jardinier et le chauffeur Ahmed Ben Saleh. Il était si proche de lui qu'il lui a construit un studio à côté de sa demeure sise à Rades.

Tous les quatre ont roulé dans une voiture Mercedes de Mohammad Ben Salah sous le numéro 1 TU 55. Ils se sont dirigés à l'aube vers l'Algérie, et là à la frontière, des spécialistes du franchissement de la frontière les attendaient pour les faire passer en Algérie. 

Quelques jours plus tard, les autorités tunisiennes ont su que Ben Saleh s'était évadé de prison. Son frère Mohammad est arrêté. Ils l’ont mis en prison et l'ont torturé.

Ahmed Ben Saah était un bon ami de Houari Boumediene, président d’Algérie, qui le reçoit en personne.  Sa sécurité était garantie. En vain les autorités tunisiennes ont tenté d’obtenir son expulsion et  en échange on a proposé à Boumediene de lui livrer le colonel Zribi, ancien ministre algérien, auteur de la tentative du coup d’état en 67 contre le régime algérien.

Dans son exil, Ahmed Ben Salah était très actif politiquement et maintenait des relations avec certains partis politiques européens et autres, ce qui l’a poussé à fonder un parti politique portant le nom d'Union de l’Unité Populaire (MUP). 

En 1988 après le chute du régime bourguibien, Ben Salah avait bénéficié d’une grâce et à la suite il est rentré au pays. Son parti n’était pas légalisé en Tunisie. Par contrainte  et tactique il a voulu créer un front regroupant le parti communiste Ettajdid de Mohamed Harmal et le MDS de Mestiri. Ce front n’a pas eu d’autorisation. Il ne se sentait pas a l’aise il quitta le pays. Aussi parmi d’autres il a eu des contacts avec des dissidents tunisiens et il s’est rapproché de l’ancien premier ministre Mohamed Mzali vivant à Paris et de Ghannouchi chef du mouvement islamiste. 

Ces contacts étaient multiples et divers. Il voyageait beaucoup. Il a eu des contacts réguliers avec Boumediene président d’Algérie. Il était l’ami personnel de Kreisky le  chancelier d’Autriche et Olaf Palm premier ministre suédois.

En 2000 il regagnait définitivement la Tunisie. Il se sentait fatigué et avait besoin de repos. Par conséquent, son règne a vu l'achèvement de nombreux projets économiques et industriels dans plusieurs régions du pays. Les ateliers du Sahel, el Fouledh à Menzel Bourguiba, les centrales électriques, le stade olympique d’Elmenzah,le groupe chimique et l’école des ingénieurs de Gabes et autres a travers le pays.

Mais son programme de coopératives n’a pas réussi et a trouvé beaucoup d’obstacles de la part de certains influents hommes d’affaires et d’agriculteurs qui étaient soutenus par Wassila Bourguiba, la femme du président Bourguiba. Ce programme a mis fin à la carrière politique et administrative d’Ahmed Ben Salah.

Parmi les souvenirs, j'ai assisté à la conférence de l'Union des étudiants scientifiques à la fin des années 1960 à Sofia, la capitale de la Bulgarie. La plupart des délégués participant à cette conférence ont séjourné à l'hôtel "Balkan". Nous étions des étudiants  dans différents pays européens assis dans le hall de l'hôtel et nous avons été surpris par la présence de feu Ahmed Bin Saleh avec feu Mahmoud Al Mamouri, ambassadeur de Tunisie à Sofia et Belgrade. Il est venu en visite officielle. 

Nous l'avons salué, il demanda à chacun de nous quelles études on faisait et combien d'années il nous restait. Puis il s'est tourné vers nous, disant que toute personne qui termine ses études devrait retourner immédiatement en Tunisie car la Tunisie a besoin de vos connaissances et de vos compétences.Alah yarhamahou.

(*) Dr.Ing.Gén.                                            

 

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