Béji savoure son succès, Essid devant un choix cornélien

Béji savoure son succès, Essid devant un choix cornélien

 

Le « Pacte de Carthage » ou «l’ Accord de Carthage », ce document, signé par neuf partis politiques et trois organisations nationales, l’UGTT, l’UTICA et l’Union des agriculteurs, est l’aboutissement de plusieurs semaines de dialogue et de débat entre les différentes parties concernées sous l’égide du président de la république Béji Caid Essebsi. Il est censé brosser une feuille de route pour les années à venir que le prochain gouvernement se devra de traduire en un programme clair et ambitieux en vue de sortir le pays du marasme dans lequel il s’est enlisé au cours des dernières années. Les signataires doivent désormais s’entendre, dans un délai non précisé, sur la nature du gouvernement et sa structure ainsi que sur son nouveau chef et sa composition, ce qui pourrait nécessiter encore plusieurs semaines de discussion.

Béji savoure le succès de son initiative

Dès son lancement l’initiative présidentielle d’un gouvernement d’union nationale « a reçu un large soutien » et les priorités adoptées « font l’objet d’un consensus de la part de toutes les parties », comme l’a assuré le chef de l’Etat lors de la cérémonie de signature du « Pacte de Carthage ». Maintenant que son initiative est arrivée, presque à son terme, avec l’adoption d’un « document sans précédent dans les annales, mon rôle est ainsi terminé, à vous maintenant de jouer », a-t-il lancé aux participants au dialogue, au cours de la réunion de clôture des concertations sur la formation du gouvernement d’union nationale, le 4 juillet courant. En clair, la balle est dans le camp des partis politiques, notamment ceux de la coalition gouvernementale qui doivent achever le travail jusqu’au bout, c’est-à-dire la désignation d’un nouveau chef du gouvernement ou la reconduction de Habib Essid. En tant que protecteur et garant de la Constitution qu’il ne veut pas transgresser, il ne pourrait pas faire plus que ce qu’il a fait, semblait-il dire. Même si la Constitution l’y autorise comme le stipule l’article 99, il ne veut pas entrer en conflit ouvert  avec le chef du gouvernement en allant demander à « l’Assemblée des Représentants du Peuple de renouveler sa confiance au gouvernement ».

Avec le sentiment du devoir accompli,  Béji Caid Essebsi  semble savourer le succès de son initiative et va se contenter de suivre l’aboutissement du  processus. Et même s’il se garde de souffler la moindre  indiscrétion sur le nom du successeur d’Habib Essid, il ne cherche pas à brouiller davantage les cartes et préfère laisser le soin aux participants au dialogue de proposer un ou plusieurs candidats. Car en cas de démission du gouvernement, il lui reviderait de facto de choisir la « personnalité la plus apte à former le gouvernement ». Il est évident que dans le cas d’espèces, il  tiendra en compte les forces en présence à l’ARP qui devra  accorder sa confiance à ce gouvernement.

Le dilemme de Habib Essid

Pendant ce temps, Habib Essid, lâché par le parti qui l’a porté au pouvoir et « trahi » par certains membres de son équipe, semble tenir plus que jamais à son fauteuil. Il ne veut pas « démissionner sous la pression » car cela constituerait à ses yeux « un acte de désertion ». Ménageant son « protecteur » Béji Caid Essebsi  à qui il voue « estime et considération » et  avec qui il entretient «  d’excellents rapports imprégnés de confiance mutuelle et de respect réciproque et que rien ne pourrait affecter », son entourage a, cependant, vivement critiqué la démarche présidentielle, alors que « le gouvernement commençait à enregistrer des résultats  concrets ». Essid a fait preuve de beaucoup de sagesse et de sang froid face à la campagne de dénigrement souvent marquée par des attaques en règle de la part de certains. Sachant que son remplacement est devenu une évidence à laquelle il ne peut échapper, il se trouve devant un dilemme. Soit démissionner et quitter en tout honneur, soit aller jusqu’au bout en sollicitant un vote de confiance à l’Assemblée des représentants du peuple qu’il sait très peu probable. Mais il est décidé à se présenter devant les députés pour défendre son bilan et faire toute la lumière sur les manigances politiques et leurs auteurs qui ont saboté son gouvernement et freiné la réalisation de son programme. Cette «  motion de censure provoquée »  comporte un  risque majeur mais qui semble être calculé par ce haut commis de l’Etat qu’on disait « bleu » en politique. A-t-il obtenu le soutien d’une quelconque autre partie  au sein ou en dehors de l’ARP ? Les partis de la coalition au pouvoir, qui exigent aujourd’hui son départ, ne sont-ils pas aussi responsables de l’échec dont on veut lui attribuer la responsabilité exclusive ?

Rien n’exclut une démission spontanée

Grand commis de l’Etat dont les qualités de probité et d’intégrité ne souffrent d’aucun déficit, Habib Essid mérite la reconnaissance de la Nation. Le président de la République n’a pas manqué de le rappeler,  lui qui l’avait nommé à l’intérieur dans le gouvernement de transition avant de le choisir comme chef de gouvernement. Rien n’exclut une démission spontanée avant le vote de défiance ni une sortie par la grande porte de celui qui est entré à la Kasbah en tant que « haut fonctionnaire » pour la quitter avec le statut d’un « leader politique ». D’ici là, il aura certainement mûri sa réflexion pour prendre la décision qui ira le mieux avec l’intérêt supérieur de la nation, qu’il a toujours privilégié.

Brahim OUESLATI

 

 

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