Contrat avec une banque française: Yassine Brahim a-t-il "fauté"?

Contrat avec une banque française: Yassine Brahim a-t-il "fauté"?

 

L’affaire du contrat qu’aurait conclu le ministre du développement, de l’investissement et de la coopération internationale Yassine Brahim avec une banque française pour un montant de 500.000 euros, soit un peu plus d’un million de dinars, en vue de l’élaboration du plan de développement 2016-2020, a suscité plusieurs réactions. Aussi bien le président de la commission des finances à  l’ARP Yad Dhamani que son collègue le député Mehdi Ben Gharbia sont partis en « guerre » contre la conclusion de cette affaire qui, selon eux « porte atteinte à la souveraineté nationale et entame la crédibilité de l’administration tunisienne ». Ils ont demandé l’avis de deux anciens ministres de plan et du développement et de surcroit anciens gouverneurs de la Banque Centrale, Mustapaha Kamel Nabli et Taoufik Baccar. Tous les deux étaient catégoriques, à aucun moment de son histoire la Tunisie n’avait fait appel à un bureau ou une banque étrangère pour l’élaboration de son plan de développement. Même pas quand elle venait, à peine d’obtenir son indépendance, et élabora en 1962 à  son premier plan triennal. D’ailleurs, les membres de la commission des finances au sein de l’ARP se sont demandés si le chef du gouvernement était au courant des termes du contrat ou si le ministre avait agi de son propre chef.

Depuis les premières années de l’indépendance, la Tunisie a choisi de procéder, périodiquement, à l’élaboration de plans de développement économique qui constituent «  un cadre d’orientation pour la réalisation d’objectifs visant la croissance économique et le progrès social du pays ». D’abord triennal en 1962, le plan de développement est devenu quadriennal puis quinquennal à partir de  1977. Les différents plans de développement, qui ont été soigneusement  élaborés et mis en œuvre par des compétences tunisiennes, ont, toujours, constitué « le cadre conceptuel idoine de toutes les politiques et de l’ensemble des programmes et projets de développement à moyen terme, sur la base des études sectorielles et de concertation avec les différentes parties et composantes de la société civile, et à partir des approches locales et régionales pour la fixation des objectifs et des orientations nationales ».

L’élaboration d'un plan de développement dans ses différentes étapes (établissement de la note d'orientation, définition du contenu sectoriel, définition des politiques globales et sectorielles, définition des projets d'infrastructure...) a toujours relevé des pouvoirs publics, à savoir des cadres  du ministère du développement et des ministères sectoriels. Tout au long de cette démarche des consultations régionales et sectorielles sont organisées et l'arbitrage est assuré par le gouvernement avant que le projet ne soit transmis au parlement. Il s'agit d'une procédure qui tient compte des exigences de souveraineté nationale et de la disponibilité de compétences, la Tunisie ayant connu une longue expérience dans ce domaine avec des plans élaborés sans discontinuité, excepté les cinq dernières années. La discussion avec les organisations internationales a lieu après l'élaboration du plan sur la base du projet déjà mis en place par le gouvernement tunisien. Tout le long du processus de l’élaboration des 12 plans de développement,  la Tunisie n'a jamais eu recours à des bureaux de consulting et encore moins à des banques privées. Toutefois, on pourrait recourir à des  institutions étrangères, au cas où on voudrait  faire connaître le contenu du plan afin de mobiliser les financements extérieurs ou pour le soutien au secteur privé dans l'identification des projets qui s'insèrent dans les orientations du plan mais jamais au niveau de la définition du contenu du plan et encore moins pour définir ses orientations.

Toute réforme est axée sur un ensemble de principes dont notamment la consécration de la souveraineté du peuple et la consolidation de l’Etat de droit et des institutions. Il est clair  qu’au cas où le ministre Yassine Brahim aurait transgressé l’un de ces principes, il devrait répondre de cette « faute ».